Plainte contre la TSR — appel au soutien

Le 26 octobre dernier, l’émission Temps Présent de la télévision suisse romande a diffusé un reportage écœurant d’apologie sur le Hezbollah libanais. Un comité de plainte s’est formé. Pour déposer valablement une plainte en pareil cas, au moins 20 personnes majeures (18 ans) suisses ou en possession d’un permis de séjour ou d’établissement doivent la soutenir. La présente est un appel à réunir ce soutien. Plus nous serons nombreux, mieux notre cause sera défendue. Tous les détails ci-dessous.

Comme annoncé dans le projet de plainte contre la TSR présenté la semaine passée, nous prions les personnes intéressées de lire le texte de la réclamation ci-après et, le cas échéant, de signaler leur adhésion à cette procédure en adressant à l’un des membres du comité un courriel contenant l’entier du texte de la réclamation ainsi que les termes «J’adhère à cette réclamation» suivis de leurs

Prénom, nom,
adresse,
lieu de domicile,
pays de domicile pour les résidents à l’étranger, et
année de naissance.

Ceci jusqu’au 14 novembre 2006 à midi au plus tard. La réclamation doit en effet parvenir à l’organe de médiation dans les 20 jours suivant la diffusion, soit le 15 novembre. Elle doit être soutenue par au moins 20 personnes.

L’organe de médiation a ensuite 40 jours pour émettre un avis. Puis, nous aurons 30 jours pour déposer la plainte proprement dite, accompagnée de l’avis de l’organe de médiation, auprès de l’AIEP (Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision). Cette procédure n’entraîne aucun frais.

Plus nous aurons de participants, plus la plainte aura de chances de déclencher une réelle remise en question du travail des journalistes concernés et, partant, de la presse en général. En acceptant de soutenir ce projet, vous votez pour davantage de professionnalisme et d’éthique dans les médias. Vous signalez votre refus d’accepter en silence que les médias publics fassent l’apologie de mouvements terroristes. Vous manifestez votre souhait d’être informé, et non endoctriné, par les médias.

Voici les personnes auxquelles vous pouvez choisir d’adresser votre adhésion (si cela vous est indifférent, merci de choisir la dernière adresse proposée):

Oskar Freysinger
Conseiller national
Rue de Crettamalerne
1965 Savièse
oskar.freysinger@parl.ch
www.ofreysinger.ch

Gabrielle Goldwater
Switzerland, Geneva
iii44@aol.com
Internet Correspondent and Commentator
http://www.gabriellegoldwater.com
Member of “Funding for Peace Coalition� [FPC]
www.euFunding.org

Marcel Cohen-Dumani
Vice-président CILV
Chargé des relations extérieures et Sécurité
34 av. Tribunal Fédéral
1005 Lausanne
mcohen@citycable.ch

Harry W. Hayes
hhayes@vtxnet.ch
www.int-review.org

Adrien de Riedmatten
Rédacteur en chef Bureau audiovisuel francophone (BAF)
Cormanon 7
1752 Villars-sur-Glâne
redaction@bafweb.com

Alain Jean-Mairet
Rösslimatte 50
6005 Lucerne
www.precaution.ch
ajm@ajm.ch

Voici le reportage lui-même (à moins qu’il n’ait été supprimé du site de la TSR entre-temps) et, pour mémoire, les articles déjà publiés sur ce thème:
Les voix du Liban
Un témoignage sur le Liban
Le témoignage d’un ex-terroriste libanais
Projet de plainte contre la TSR
Le Hezbollah et ses boucliers civils — un témoignage
La TSR fait la propagande des terroristes, suite 6
La TSR fait la propagande des terroristes, suite 5
La TSR fait la propagande des terroristes, suite 4
La TSR fait la propagande des terroristes, suite 3
La TSR fait la propagande des terroristes, suite 2
La TSR fait la propagande des terroristes, suite
La TSR fait la propagande des terroristes

Et voici enfin le texte de la réclamation:

Organe de médiation RTSR
Monsieur Emmanuel Schmutz
Rue du Simplon 1
1700 Fribourg

Lucerne, le 14 novembre 2006

Réclamation
Temps Présent du 26 octobre 2006

Monsieur,

Nous, plaignants au sens de l’art. 63 LRTV, vous prions de prendre acte du dépôt de la présente réclamation, au sens de l’art. 4 LRTV, à l’encontre de l’émission Temps Présent diffusée par la Télévision suisse romande le 26 octobre 2006.

Nous estimons que le reportage de Temps Présent susmentionné
– est manipulateur,
– qu’il transgresse les principes de véracité et de transparence, et
– qu’il témoigne d’un manque coupable de diligence journalistique.

Démonstration:

Ce reportage est articulé autour de la personne de Soha Bechara, ex-terroriste libanaise, née à Beyrouth en 1967, qui tenta, le 7 novembre 1988, d’assassiner de deux coups de feu, à bout portant, le général Antoine Lahad, chef de l’armée du Sud-Liban, après s’être introduit dans sa famille par une ruse, à la suite de quoi elle a été condamnée à dix ans d’emprisonnement.

En préambule au reportage au Liban, Soha Bechara est présentée comme une «militante», une «patriote», une «perle rare», qui «a connu un destin tout à fait exceptionnel», «vivant une vie paisible à Genève» depuis 2001 et grâce à laquelle il aurait été possible, exceptionnellement, de découvrir l’univers du Hezbollah libanais de l’intérieur. Aucune critique, aucune remise en question de son acte criminel.

Le reportage lui-même débute par un bref rappel historique qui dépeint Israël exclusivement comme un envahisseur et un occupant, sans évoquer d’aucune manière les raisons pour lesquelles l’armée israélienne est intervenue au Liban. L’armée du Sud Liban dirigée par Antoine Lahad est décrite, toujours par les auteurs, comme «une milice aux ordres de l’occupant». La journaliste cite alors Soha Bechara, pour qui cet homme est un «collaborateur» et un «traitre». Ici non plus, pas d’autre son de cloche, avant de passer à un plan rapproché de Soha Bechara évoquant son rêve d’enfant de «mener une résistance à la manière de Gandhi». Personne ne rappelle que Gandhi n’a jamais tenté d’assassiner ses opposants, lui. La comparaison, souhaitée par Soha Bechara, entre elle et ce personnage historique de l’action non violente, est laissée intacte.

Suivent des images de bombardements, ou de tirs d’artillerie, sur lesquelles on nous dit que Soha Bechara a décidé, comme par force majeure, de passer à l’action violente. Mais on prend soin de signaler que Soha Bechara, par souci de préserver des vies innocentes, a choisi de tuer le général Lahad au pistolet, allant ainsi à une mort certaine. Personne ne relève qu’elle a survécu, en fait, comme c’était probable pour une si jeune femme, visiblement endoctrinée, et dont les chances de survivre étaient ainsi tout de même bien meilleures que celles des porteurs de ceintures d’explosifs.

Le commentaire nous apprend ensuite que Soha Bechara, à sa libération, a été accueillie «en triomphe par toute une nation», que «dans son pays, [elle] est pour toujours une héroïne», «le symbole de la résistance à Israël», le tout sur des images du visage de la jeune femme visiblement mises en scène et de surcroît travaillées en studio pour en accroître le pathos. Un travail de journaliste eut constitué à chercher des preuves de ce «triomphe», pas à en convaincre les téléspectateurs par des artifices émotionnels.

Retour en Suisse où la «jeune militante» se sépare de sa famille suisse à l’aéroport. C’est alors que commence vraiment le reportage. Le commentaire rappelle que le Hezbollah enleva deux soldats israéliens le 12 juillet, mais omet de mentionner le nombre des soldats tués par le commando du Hezbollah ce jour-là. Puis on décrit longuement la réaction israélienne, qui «surprend par son ampleur». La journaliste n’indique pas pourquoi l’armée israélienne procède à ces destructions ciblées, bien que cela ait été précisé jusque par l’ambassadeur d’Israël auprès des Nations Unies. Le téléspectateur apprend qu’il s’agit de 34 jours de destruction, motivés, semble-t-il, par le seul enlèvement de deux soldats. Il apprend aussi que «1300 civils perdent la vie» et que «des centaines de milliers de Libanais prennent la fuite», le tout sur des images dramatiques. Pas un mot sur le fait que Tsahal ait prévenu à l’avance de ces bombardements et les ait motivés. Les journalistes ne soulignent ici que les aspects permettant de présenter Israël comme l’agresseur de cette guerre.

Nous prenons maintenant la route du village de Soha Bechara, sur des images de ruines et avec un commentaire indiquant que les mêmes images, 20 ans auparavant, avaient convaincu Soha Bechara de passer à l’action. Puis nous voyons Soha Bechara expliquer qu’elle ne voulait pas attendre que sa famille se fasse «humilier» et «assassiner». La résistance devenait un devoir. Sur ce, nous apprenons que le Hezbollah s’est constitué «au lendemain de la deuxième invasion israélienne». Puis que la famille de Soha Bechara «n’a rien d’une famille d’extrémistes», que ses membres sont communistes, ce qui «[traduirait] son attachement à la laïcité et à la résistance». Son père, selon la journaliste, serait même un «pacifiste». Mais la mère de Soha Bechara précise, quelques instants plus tard, que «dans cette maison, on répétait sans cesse qu’Israël voulait nous voler notre terre, nous contraindre à l’exil et nous empêcher de vivre dans la maison de nos ancêtres. Pendant toute ton enfance, tu as entendu ce discours. C’est peut-être ça qui a fait germer des idées dans ta tête.» Un discours bien étrange pour des gens que les journalistes nous décrivent comme des pacifistes qui n’ont rien d’extrémistes.

Visite de la prison de Soha Bechara, maintenant détruite. Commentaire de la journaliste: «Un mouroir, une insulte aux droits de l’homme. Pendant l’occupation, c’est la milice d’Antoine Lahad, l’homme que Soha a tenté d’assassiner, qui y fait la loi.» Tout ensuite laisse entendre que la torture y était permanente. Mais le téléspectateur n’apprend rien sur les conditions de détention dans cette prison qui ne repose pas entièrement sur le témoignage de Soha Bechara. Elle aurait supporté tout cela sans céder. Jamais. Car «cela fait partie de la résistance», dit cette femme dont la parole n’est pas mise en doute le moins du monde, bien qu’elle admette avoir menti pour parvenir à assassiner un homme.

Nous rendons visite ensuite à une amie de Soha Bechara, qu’elle a connue dans sa prison, dont la majorité des pensionnaires, apprend-on par ailleurs, étaient «des sympathisants du Hezbollah». Sur place, l’équipe est priée de ne pas filmer les hommes. La journaliste: «Dans le sud, une règle d’or: ne jamais filmer les combattants.» Mais n’est-ce pas une excellente raison, pour des journalistes dignes de ce nom, de tenter de les filmer, justement. Si ce n’est pas possible, pour des raisons de sécurité, soit. Mais accepter l’injonction au point d’en faire une «règle d’or»?

Et la journaliste d’ajouter: «Cette famille n’appartient pas au Hezbollah, mais elle a toujours lutté contre Israël.» Autre affirmation péremptoire, bien qu’il semble peu probable qu’elle puisse être fondée sur autre chose qu’une interprétation personnelle allant dans le sens d’intérêts spécifiques: la femme présentée «a été incarcérée pour faire pression sur son mari».

Nous apprenons ensuite que «Youssef a été tué pendant les combats», cet été. Puis la caméra nous montre une vielle femme, avec, juste derrière elle, au mur, le portrait très agrandi d’un jeune homme avec le drapeau du Hezbollah, parfaitement reconnaissable, en toile de fond. Étrange mise en scène, pour des gens qui n’appartiennent pas au Hezbollah.

Nous entendons ensuite le témoignage d’une femme s’exprimant en arabe. Lorsqu’elle parle des yahoudi, les Juifs en arabe, la traduction des reporters dit Israéliens – «nous savons de quoi les Israéliens sont capables». La femme ajoute: «Dans ma famille, nous les détestons. On a une envie de vengeance.» La femme affirme ensuite que son fils a rejoint les combattants car il aurait été excédé par les bombardements de l’été, sans qu’il n’ait jamais auparavant, semble-t-il, suivi d’entraînement militaire. Cette étrangeté est acceptée comme argent comptant. Nouveau plan, nouveaux portraits, nouveau drapeau du Hezbollah en arrière-plan.

Soha Bechara parle du Hezbollah, qui aurait été fondé dans un seul but: la résistance. «J’ai tout le respect pout ce parti». Puis la journaliste prend le relais, affirmant sans une trace de doute: «Pas de pillage, pas de corruption. Ici, les combattants sont respectés pour leur discipline et leur détermination.» Et d’ajouter, en évoquant une source non précisée des Nations Unies, que, «chaque jour, [les munitions non explosées d’Israël] tuent ou mutilent des civils».

Rencontre présentée comme fortuite («nous rencontrons sur notre route une équipe (…)») avec des représentants de Human Rights Watch, une organisation largement considérée comme anti-israélienne. Deux hommes présentent le cas d’un immeuble touché, selon eux, par plusieurs missiles israéliens et qui aurait été occupé alors par six personnes dont le grand âge ne leur aurait pas permis de quitter le village à temps. Mais personne ne précise que l’armée israélienne elle-même avait prévenu à l’avance des attaques. Selon ce représentant, «Israël savait très bien qu’il y avait des gens qui étaient resté. Et ils ont décidé de considérer toute personne qui était resté (…) comme personne suspecte ou comme personne du Hezbollah.» Le point de vue d’Israël n’est pas évoqué. Les mêmes représentants de HRW affirment qu’ils n’ont aucune indication selon laquelle le Hezbollah aurait utilisé des civils comme boucliers humains. Les journalistes n’en font pas mention non plus.

Les scènes suivantes évoquent les 4000 roquettes tirées sur Israël par le Hezbollah, mais le seul bilan présenté est celui des morts (43 civils). Pas un mot sur les blessés, les traumatisés, les déplacés, la vie dans les abris. Retour sur le représentant de HRW qui affirme que le Hezbollah, en visant des zones d’habitation israéliennes, commettait la même faute qu’Israël, à savoir ne pas distinguer entre civils et militaires. Pour cet homme, viser directement des zones civiles (sans avertissement) est donc équivalent à toucher certains civils en visant des cibles militaires, après avoir averti à l’avance des attaques. Personne ne relève l’ambigüité de cette logique.

D’autre part, cette position s’écarte de celle publiée par HRW le 4 octobre, soit plus de trois semaines avant la diffusion du reportage, et qui admet que le Hezbollah visait des cibles civiles: «Le Hezbollah a lancé des milliers de roquettes sur des villes, des communes et des villages densément peuplés, situés dans le nord d’Israël, utilisant toute une variété de roquettes non guidées, souvent désignées sous le nom de ‹Katiouchas›. Ces dernières ne peuvent pas cibler précisément des objets militaires parce qu’elles sont technologiquement limitées. En tirant ces roquettes sur des zones civiles, le Hezbollah savait qu’il avait peu de chances de frapper une cible militaire, mais que par contre la probabilité de causer morts et blessés parmi les civils était élevée. De telles attaques étaient au mieux des attaques non discriminées contre des zones civiles, au pire des attaques directement lancées contre des civils.» Relevons que pour HRW, dans le cas d’espèce, le fait de «[tirer des milliers de roquettes] sur des zones civiles» ne semble pouvoir constituer qu’«au pire» des «attaques directement lancées contre des civils».

La journaliste pose la question: «Alors, terroriste, le Hezbollah?» Et de répondre aussitôt elle-même: «Pour les Libanais du sud, il est aujourd’hui le seul groupe capable de défendre le pays, et ses combattants sont de vrais résistants.» Puis, la réputation de terroristes des membres du Hezbollah est évoquée par Soha Bechara, pour s’en moquer. La journaliste reprend la parole et nous enseigne que «la réalité du Sud Liban, c’est que le Hezbollah est étroitement imbriqué dans la population». Une femme interrogée peu après l’affirme fièrement: «Toute notre famille est dans la résistance, les femmes comme les hommes, pères, mères, frères et soeurs. Tout le monde en fait partie!» Mais aucun expert n’est prié de rappeler les faits qui ont conduit à la condamnation du Hezbollah en tant que mouvement terroriste. Et aucun membre de la population libanaise clairement opposé au Hezbollah n’est cité. La Révolution du Cèdre, les Forces du 14 mars, les près de 30 ans d’occupation par la Syrie, alliée du Hezbollah – rien de tout cela n’est jamais évoqué d’une quelconque manière.

Visite des scouts du Hezbollah. On voit de jeunes gens en rang s’écrier en choeur: «Imam Mahdi, rejoins-nous le plus vite possible.» Mais on n’explique pas que le mahdi, un personnage clé de l’eschatologie chiite, dont le Hezbollah est le représentant au Liban, est censé nous «rejoindre» à la fin des temps, dans une ambiance d’apocalypse, pour répandre l’Islam sur la terre entière. Il est permis de douter que le fondateur du scoutisme, Lord Robert Baden-Powell, eut partagé cette vision. Mais pour la journaliste que l’on sent enthousiaste, «le scoutisme, c’est l’école du Hezbollah.»

Le commentaire se poursuit: «Impossible de délier les langues sur les questions militaires. Le Hezbollah ne souhaite parler que de reconstruction.» Aucune autre source, en effet, ne vient informer le téléspectateur des activités militaires actuelles du Hezbollah. On entend en revanche la journaliste dire que «les combattants se sont transformés en bâtisseurs». Visiblement, les journalistes livrent la version du Hezbollah sans aucun filtre, sans aucune critique.

Visite d’un village sunnite. «Soucieux de sa popularité, le parti chiite étend son aide à toutes les communautés», explique la journaliste. «Le Hezbollah finance la réparation des dégâts et verse douze mille dollars à ceux qui ont perdu leur maison. Grâce à la notoriété de Soha, nous avons rendez-vous avec l’une de ces équipes de bienfaiteurs», poursuit-elle, avant de s’interroger: «Mais n’est-ce pas le rôle de l’État?» Question à laquelle un représentant du Hezbollah répond que l’État a manqué à son devoir de diligence. Non seulement le Hezbollah aurait libéré le pays, mais il veillerait au maintien de la dignité de la population, apprend-on. Avant que le maire déclare, lui aussi, pendant que le Hezbollah distribue de l’argent liquide à ses administrés, que «l’État libanais a complètement failli à ses devoirs» et qu’il «aurait dû se préparer à affronter la situation d’après-guerre». Mais le gouvernement libanais n’a pas l’occasion de s’exprimer dans le reportage. À aucun moment.

Puis nous rencontrons un jeune homme qui a étudié la sociologie et qui travaille aujourd’hui pour une organisation, International Crisis Group, financée, c’est un détail intéressant, par le milliardaire George Soros, qui occupe également une fonction centrale auprès de Human Rights Watch, l’ONG dont les journalistes de Temps Présent ont rencontré les représentants sur le terrain tout à l’heure et qui compte parmi les critiques les plus affirmés de l’administration américaine actuelle. Le jeune homme évoque la faiblesse de l’État libanais, laquelle expliquerait pourquoi le Hezbollah prend en charge les affaires. Personne ne rappelle, par exemple, que l’État libanais existe tout de même bel et bien, que le Liban a un parlement, un gouvernement et des institutions démocratiques au sein desquelles le Hezbollah est représenté et dont il est censé respecter les décisions et les avis.

Arrivée à Beyrouth. Champ de ruines non déblayées autour de l’emplacement de l’immeuble du Hezbollah bombardé. Rencontre d’un membre du bureau politique du Hezbollah, présenté comme le responsable de la documentation. L’homme affirme ne pas vouloir aborder de questions militaires avec les médias mais son seul et unique message consiste à affirmer que le Hezbollah n’aurait utilisé «qu’une partie minime de [son] arsenal et de [ses] armes. Le Hezbollah est parfaitement capable de faire face à [Israël] sans importer des armes de l’étranger.» Aucune question ne lui est posée.

Scènes nocturnes festives dans le champ de ruines, musique martiale. La journaliste: «Le parti de dieu a prouvé qu’il n’était pas possible de l’éliminer par la force. Il récolte aujourd’hui les fruits de sa victoire.» Aucune ombre de critique ne vient troubler cette apologie.

Interview d’un homme présenté comme un ancien communiste, laïque, qui s’est «rapproché du Hezbollah». C’est à lui que l’équipe de journalistes choisit de demander si le Hezbollah a l’intention de créer un État théocratique au Liban. L’homme explique que c’est impossible au Liban, et que le Hezbollah respecte la «formule» libanaise de coexistence des différentes communautés. Puis d’ajouter: «L’Islam, pour le Hezbollah, est un réservoir de sens (…), de ressources symboliques et spirituelles, qui permettent à la population libanaise de tenir bon face aux agressions israéliennes et à l’occupation israélienne. Et le Hezbollah ne cherche pas à instaurer un État islamique au Liban.» Le Hezbollah a été créé, selon lui, parce que «l’État libanais était incapable d’assurer la sécurité au Sud Liban» et «avait totalement démissionné de sa mission de défense nationale». Aucun membre de l’État ou du parlement libanais n’est prié de prendre position sur ces affirmations. Mais le reportage présente la solution au conflit proposée par ce politologue: que les puissances occidentales dotent le Liban d’un armement approprié pour se défendre contre «la politique d’agression» d’Israël. Et les journalistes le laissent émettre un pronostic: nous devrions nous préparer psychologiquement à une nouvelle guerre.

Le commentaire nous dit ensuite qu’au Liban, les opinions sont très partagées. En guise de démonstration, nous découvrons une «cheffe d’entreprise» dont la société de relations publiques «travaille pour le gouvernement» depuis la guerre. Elle signale que les habitants du Sud Liban ne disposaient pas d’abris et que le Liban en tant qu’État n’a rien gagné dans cette guerre, mais elle n’adresse aucune critique au Hezbollah et avance même que les affrontements sont la responsabilité d’Israël. Elle appelle de ses vÅ“ux un état libanais fort dans lequel se reconnaissent tous les Libanais et admet que cela n’est pas possible avec un Hezbollah plus puissant militairement et financièrement que le gouvernement. Mais elle ajoute: «Je pense que le grand problème du monde aujourd’hui, de toute façon, c’est les États-Unis. (…) Cette administration a fait plus de tort à la planète qu’aucune administration avant elle.» C’est là ce que les journalistes semblent considérer comme une position opposée au Hezbollah.

Retour sur le représentant de l’organisation de George Soros, qui indique que certains Libanais, au-delà des clivages religieux, aspirent à un avenir sans guerre, ce qui leur fait porter un regard critique sur le Hezbollah et sa «logique de militance». Mais aucun de ces opposants n’est ni rencontré, ni présenté, ni cité, ni seulement nommé.

La journaliste reprend, lyrique, sur des images de bord de mer: «Le Liban est détruit et profondément divisé, à des lieues du rêve de Soha.» Puis le reportage s’achève sur des images de Soha Bechara qui joue avec sa fille de trois ans.

Le reportage est complété par plusieurs minutes d’interview, dans les studios des réalisateurs, avec une responsable de Human Rights Watch, la même organisation dont le reportage montre les méthodes de travail. On demande à cette femme si elle peut confirmer une affirmation présentée comme étant celle d’«Israël» selon laquelle le Hezbollah se serait abrité derrière les populations civiles. La femme indique n’avoir «pas pu le corroborer». Aucune argumentation opposée n’est proposée. La femme poursuit, librement, dévidant visiblement des déclarations bien préparées.

Elle précise ainsi que le Hezbollah a construit de nombreux abris au Sud-Liban, pendant les six dernières années (d’où, selon elle, «il a lancé sa riposte aux attaques israéliennes»), voulant indiquer par là qu’il n’avait pas besoin de boucliers humains pour protéger ses troupes. De fait, le Hezbollah a construit des abris pour ses troupes, mais pas pour ses civils, contrairement aux Israéliens. Ce qui a de tout de même de quoi faire réfléchir sur la valeur de la vie humaine des civils dans les camps respectifs. Mais la femme ignore cet aspect au point de proposer comme un argument supplémentaire le fait que, les combattants du Hezbollah étant originaires des villages avoisinants, il serait «tout à fait peu probable qu’ils souhaitent utiliser leurs frères, leurs sœurs ou leurs grands-pères comme des boucliers humains». Une logique toute émotionnelle prime ici sur le témoignage des faits, sans que le journaliste ne dise mot.

Et pourtant, HRW déclarait publiquement le 4 octobre: «Les recherches de Human Rights Watch ont montré que, dans un certain nombre de cas, le Hezbollah avait mis en danger des civils libanais, sans raison valable, en stockant des armes dans des habitations privées, en tirant des roquettes depuis des zones peuplées et en permettant à ses combattants d’opérer à partir d’habitations privées. Le Hezbollah a également eu recours à des enfants comme combattants, ce qui constitue une autre violation du DIH.» Mais le journaliste ne relève pas ce revirement.

La conversation aborde ensuite les bombes à sous-munitions. Nous entendons dire qu’Israël utilisait «dès le début» ces armes «qui causent énormément de dégâts parmi la population civile». Et ce n’est que «tout récemment» que nous aurions pu apprendre que le Hezbollah s’en servait aussi. La femme mentionne deux cas observés par ses représentants et plus d’une centaine signalés par les autorités israéliennes. Nous apprenons que ces munitions ne sont pas interdites par le «droit international humanitaire», mais qu’elles ne doivent pas servir à cibler des populations civiles. Et «il est très préoccupant de savoir qu’elles ont été utilisées des deux côtés». Une nouvelle fois, on omet de signaler que l’armée israélienne, à la différence du Hezbollah, lequel visait délibérément des populations civiles, selon HRW elle-même, comme nous l’avons vu plus haut, prévenait à l’avance de ses attaques sur des infrastructures pouvant être occupées par des civils.

La femme poursuit, sur la demande de son interlocuteur, en insistant sur l’opacité extrême, le secret exceptionnel qui entoure les activités du Hezbollah, et la difficulté d’obtenir des informations auprès de ses membres. Mais elle n’en affirme pas moins, dans le même souffle, être capable malgré tout d’«établir les faits», «de sorte que les décideurs puissent arriver à des prises de décision et à une réponse informées par ce qui s’est vraiment passé sur le terrain». Aucune remise en question. Fin de l’émission.

De toute évidence, ce reportage est trop partisan pour être journalistique. Qu’on laisse s’exprimer librement Soha Bechara, soit. Mais les journalistes prennent fréquemment à leur compte le narratif de la jeune femme – et même soutiennent celui-ci par des effets de caméra qui ne doivent rien à la technique de reportage –, tandis qu’ils ne le remettent jamais en question, alors que cette jeune femme est tout de même bien une criminelle avérée, capable de mentir et de tuer pour faire valoir des convictions politiques dont seuls des historiens, peut-être, dans quelques décennies, pourront discerner correctement la valeur.

Par ailleurs, ce reportage manque manifestement d’équilibre. Il ne donne notamment jamais la parole à Israël. Tandis il la donne, et généreusement, à plusieurs reprises, à deux organisations – Human Rights Watch et International Crisis Group – contrôlées par un même homme très influent et ouvertement opposé à la politique d’Israël et des États-Unis.

En outre, ce reportage fait l’impasse sur des pans essentiels de la question traitée. Il occulte ainsi totalement la problématique de l’occupation syrienne, voulue et mise en place, militairement, près de 30 ans durant, jusqu’en 2005, par une dynastie de dictateurs, très minoritaires dans leur pays, qui aspirent à placer le Liban sous leur règne («Grande Syrie»), qui ont imposé leurs représentants jusqu’au sommet du gouvernement libanais et dont l’armée soutient massivement le Hezbollah. Ce reportage ignore entièrement, par la même occasion, les forces politiques libanaises opposées à la Syrie et à son allié, le Hezbollah, et donne ainsi du pays une image totalement faussée, qui induit les téléspectateurs en erreur.

Sur la base de ce qui précède, nous, plaignants au sens de l’art. 63 LRTV, estimons que les responsables concernés de la Télévision suisse romande n’ont pas présenté fidèlement les événements, n’ont pas reflété équitablement la pluralité des opinions, ont manqué de diligence journalistique, ont transgressé les principes de véracité et de transparence et se sont rendus coupables de manipulation, violant ainsi l’art. 4 LRTV.

D’autre part et au-delà des manquements professionnels des auteurs de cette émission, il faut évoquer l’effet politique de sa propagation. Ce reportage signé et diffusé en permanence sur Internet par une chaîne de télévision nationale suisse, de par ses déséquilibres, son absence de sens critique, son enthousiasme pour un camp bien défini d’un conflit qui semble se poursuivre à l’heure actuelle, constitue une apologie dont les partisans du Hezbollah ne vont pas manquer de se servir pour leur propagande et dont il faut se demander si elle ne va pas à l’encontre des intérêts de notre pays?

En effet, le Hezbollah défend et propage les valeurs de l’Islam radical, lequel, comme l’a établi et confirmé la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, respectivement le 31 juillet 2001 et le 13 février 2003 (affaire Refah Partisi), les lois islamiques sont «l’antithèse de la démocratie» et tendent à «[supprimer] le rôle de l’État en tant que garant des droits et libertés individuels et organisateur impartial de l’exercice des diverses convictions et religions dans une société démocratique, [puisqu’elles obligeraient] les individus à obéir, non pas à des règles établies par l’État dans l’accomplissement de ses fonctions précitées, mais à des règles statiques de droit imposées par la religion concernée».

Liste des plaignants:

Prénom Nom, Adresse, NPA Lieu (pays), année de naissance

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