Michel de Poncins: Connaître la loi pour s’enrichir

Votre argent vous intéresse

l’économie de marché expliquée à tous  

Dans une précédente leçon, je proposais l’instauration d’un nouvel adage : « connaître la loi pour s’enrichir ». J’énonçais que le vieil adage  « Nul n’est censé ignorer la loi », hérité du droit romain, est impossible à réaliser dans l’économie administrée, tant est immense et enchevêtré le déluge des lois. 

Il faut revenir sur le sujet à la faveur de deux faits récents.

Dans l’économie de marché, la loi résulte principalement des contrats librement négociés. Chacun crée sa propre loi ou participe à sa création et donc la connaît. La loi positive peut se limiter aux Commandements de Dieu, socle inépuisable du droit et éternellement valables pour tous les hommes de tous pays. A la limite, quelques autres lois positives peuvent être utiles : c’est le cas en France du Code Civil de Napoléon, fort bien apte à résoudre toutes les questions.

Le brouillard juridique actuel est facteur de pauvreté par l’incertitude qui se propage, chacun des acteurs errant dans ce brouillard et ne pouvant décider en vraie connaissance de cause : la richesse repose beaucoup sur la clarté et la vitesse des décisions. L’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche disait : « Une loi n’est légitime que si le dernier pâtre de Galice la comprend »

La situation est si grave que la presse parle couramment de « vide juridique » dans tel ou tel domaine en invitant à le corriger ; c’est un  vœu parfaitement négatif et une chimère ; ce n’est que dans les camps de prisonniers qu’il n’y a pas de vide juridique.

Il existait, paraît-il, en France un vide  juridique pour les chambres d’hôtes. Elles  échappaient, jusqu’à présent,  à une réglementation contrairement aux gîtes et aux hôtels. C’était une anomalie pour un gouvernement socialiste, le gouvernement en vigueur aujourd’hui manifestant sans cesse son attachement au socialisme. Un décret du 3 août 2007 a mis fin à l’anomalie en réglementant une foule de détails.

Par exemple, la capacité d’accueil ne peut excéder cinq chambres pour 15 personnes.  D’autres points sont prévus : la prestation proposée par l’exploitant doit comprendre la mise à disposition d’une chambre avec sanitaires, la fourniture de linge de maison et un petit déjeuner. L’accueil des résidents doit être effectué par l’habitant lui-même. Un nuage de formalités s’abat sur le malheureux habitant puisqu’il est obligé de faire un certain nombre de démarches en mairie et qu’il doit également fournir des  prévisions pour l’occupation des chambres. 

C’est l’occasion aussi de parler des entreprises.

Tout le monde sait que les aides aux entreprises forment en France une forêt impénétrable de réglementations, de lois, de décrets, le tout souvent obscur, plein de redondances et contradictoire. Ce sont des lacets qui étouffent. C’est, d’ailleurs, parfaitement logique parce qu’il n’y a pas de raison que l’organisation de ces  aides soit supérieure à celle des aides à l’emploi ou des aides au logement ou de toute forme d’aides étatiques. C’est le « trop plein » juridique.

La terrible confirmation vient d’être apportée par la publication d’un audit de modernisation consacrée à ces aides publiques. Le rapport évalue à 4 % du PIB leur montant. Il existe 6 000 dispositifs. Parmi les 6000, se trouvent  22 aides européennes, 730 aides nationales et 650 aides pour l’ensemble des collectivités locales de la seule région île de France. Il y a 220 dispositifs différents d’aide à la création d’entreprise et  seulement 10 % des entreprises qui se créent en bénéficient en pratique.

Le total représente 65 milliards d’euros en 2005, ce qui est un peu plus que le total du budget de l’éducation nationale, près de deux fois le budget de la défense, et dans le même ordre de grandeur que les dépenses hospitalières. Le désordre de l’État est tel que pour arriver à ce recensement il a fallu mobiliser trois corps d’inspection : finances, administrations et affaires sociales.

Le désastre pour les entreprises est complet et se traduit, en particulier, de la façon suivante : compositions de dossiers coûteux, perte de temps à l’étude juridique et économique des dispositifs, changement de stratégie imposée par des fonctionnaires ignorants de l’entreprise, temps considérable des services consacrés à la gestion de l’embrouillamini.

Les fonctionnaires, auteurs du rapport, ne proposent pas la seule vraie solution qui est la suppression de ces aides. Ils  veulent, au contraire, améliorer le système ce qui en France est impossible pour des raisons connues, même si d’autres pays voisins ont pu réaliser des améliorations. Leurs ambitions sont limitées à économiser 4 milliards d’euros et dans un délai éloigné ; même si cette économie pouvait être réalisée, elle laisserait subsister tous les dommages aux entreprises signalés plus haut.

Comme fréquemment lorsqu’il y a une calamité, il se profile la création d’un nouvel organisme qui serait un « comité permanent pour la régulation et l’évaluation des aides publiques aux entreprises (COPRA) ». Voilà un nouveau « machin » qui sera une nouvelle calamité en tant que telle.

Le plus surprenant est l’attitude des organisations patronales. Le moment était vraiment venu de dénoncer avec force les aides publiques aux entreprises et de demander leur suppression avec parallèlement la suppression de l’impôt sur les bénéfices dont le montant est voisin : c’eût été la création bienheureuse d’un vide juridique et une excellente pédagogie.  Tout au contraire, ces organisations patronales rentrent dans le jeu des fonctionnaires en souhaitant une simple amélioration. N’oublions jamais que les organisations patronales sont truffées de quasi fonctionnaires qui, à l’image des autres, s’alimentent à la « rivière argentée » des fonds publics : c’est l’une des raisons de la complicité de fait entre elles et les organismes étatiques ou para étatiques, ceci contre tous les principes de l’économie de marché.

L’économie de marché implique justement l’existence partout de vides juridiques et, au final, un vide juridique total. Chacun connaît alors la loi et peut, ayant l’esprit libre,  créer de la valeur en  s’adonnant à son métier, à sa famille, à ses distractions  ou aux œuvres de charité.

Pour terminer, posons une question : aurons-nous une réglementation quand nous accueillerons chez nous des amis sans les faire payer ? Cela pourrait sembler logique car, là aussi, il y a un vide !

Michel de Poncins