Francis Richard: Chavez jusqu’en 2013, ou les lendemains qui déchanteront

Ce n’est pas un référendum, perdu de justesse dimanche dernier, qui fera dévier de sa trajectoire le dirigeant vénézuélien. Il ne l’a d’ailleurs pas caché, même s’il a fait mine de prendre les choses avec sérénité. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la phrase d’Hugo Chavez commentant le résultat défavorable à son projet de réforme constitutionnel : «Pour l’instant, nous n’avons pas gagné». C’est en quelque sorte la version chemise rouge de la perte d’une bataille, qui ne signifierait pas la perte de la guerre.

En économie politique Hugo Chavez est un véritable dinosaure. Le référendum perdu, qui devait certes lui permettre de prolonger son règne indéfiniment – il durera tout de même jusqu’en 2013 – l’empêchera peut-être dans un premier temps de museler, sous le moindre prétexte, les médias qui lui sont hostiles, comme il en avait l’intention bien affichée, mais il n’empêchera pas la poursuite d’une socialisation du pays, dont on aurait pu penser que les exemples cubain et coréen étaient les derniers vestiges.

Chavez a en effet déjà nationalisé les secteurs pétrolier, électrique et téléphonique. Il a distribué des millions d’hectares aux paysans. Il a rendu les soins gratuits. Il a subventionné les produits alimentaires de première nécessité. Il a construit en masse des logements pour les plus démunis. Il a augmenté le salaire minimum, le plus élevé du continent. Il a diminué la durée de travail hebdomadaire de 44 à 36 heures. Bref il a tout fait, en prenant, en apparence, des mesures généreuses, pour que l’économie du pays s’écroule un jour faute de combattants et de production de richesses. Car il est faux de penser que l’on peut devenir plus riche en travaillant moins si la productivité n’augmente pas.

Le projet de réforme constitutionnel de Chavez lui aurait permis s’il avait été adopté d’aller encore plus loin, plus vite et de manière irréversible. Il prévoyait d’instituer un fonds de stabilité sociale pour garantir les retraites, les pensions et les congés maternité. La durée quotidienne de travail n’aurait pu excéder 6 heures dans le cadre des 36 heures hebdomadaires déjà adoptées. Il aurait été interdit aux employeurs de faire effectuer des heures supplémentaires. Il aurait été interdit de privatiser les ressources naturelles du pays. En somme l’Etat serait devenu le commencement et la fin de tout avec les conséquences qui en découlent automatiquement sur les libertés individuelles, et, consécutivement, sur des avantages facilement acquis, et qui auraient été aussi vite perdus.

Ces mesures ont donc été rejetées, pour le moment, freinant seulement l’inéluctable avènement d’un collectivisme antédiluvien à la mode bolivarienne. Il faut croire qu’Hugo Chavez ne s’était pas encore fait une clientèle, au sens romain du terme, suffisamment étendue. Ses promesses de paradis sur Terre, en partie tenues, pour l’instant, ne sont en fait rendues possibles que grâce à la manne du pétrole. Viendrait-il à manquer que ces dénis de réalité économique provoqueraient un véritable désastre. Car toutes ces mesures sont basées sur le refus de la propriété privée, qui est de plus en plus réduite à la portion congrue, et avec elle les libertés individuelles, sans lesquelles il est illusoire de vouloir créer des richesses. Les exemples soviétiques et chinois l’ont amplement démontré.

Il est une phrase de Hugo Chavez qui, à cet égard, est éclairante: « cette ambition d’accumuler de l’argent et des biens de capital est l’une des causes de la perdition de l’être humain ». Elle est révélatrice de l’ignorance complète du leader vénézuélien en matière d’économie politique et de son utopisme. L’accumulation de capital qu’il refuse ne permettra donc pas à son pays de faire les investissements nécessaires pour augmenter la productivité indispensable au paiement à long terme de ses prodigalités. L’être humain vénézuélien non seulement perdra son âme, mais sombrera corps et biens.

Aussi, quand le Vénézuela aura mangé son pain blanc grâce à l’or noir, les lendemains déchanteront-ils pour le peuple vénézuélien qui se retrouvera dans la même situation que la cigale face à la fourmi de la fable : il sera fort dépourvu quand le pétrole sera tari ou quand une autre ressource énergétique l’aura supplanté.

Francis Richard