Adoption homosexuelle: Analyse dialectique

Si les masques tiennent bon, les écrans de fumée se dissipent.

Un débat important a eu lieu sur les ondes de la RTS à Forum le 27 mai dernier, à propos de la décision que prendra mercredi le Conseil national sur l’ouverture ou non de l’adoption aux homosexuels; ce qui, soit dit en passant, contreviendrait au droit international.

Devant le silence et l’absence des partis dits «de la famille», les jeunes UDC ont annoncé leur intention de lancer un référendum en cas de oui à la Chambre du peuple.

Face au vice-président des jeunes UDC, Xavier Schwitzguebel, le parti Vert-libéral a dépêché sa conseillère nationale Isabelle Chevalley, en des qualités qui restent non déclarées.

Angle argumentatif

Dans les 10:09 minutes consacrées par l’émission Forum au débat, Xavier Schwitzguebel évoquera les problèmes objectifs de modifications continuelles du droit, des conséquences dommageables en termes de traçabilité de la filiation et, surtout, de tactique des lobbys homosexuels, qu’il accuse d’avoir «menti», en ce qu’ils avaient effectivement pris l’engagement, lors de la campagne sur le partenariat enregistré (LPart), en 2005, de ne jamais demander l’adoption pour les partenaires homosexuels.

Le jeune UDC dénonce cette stratégie sous les termes de «politique du salami» et s’interroge sur les revendications futures des lobbys concernés dans cette perspective. Autant d’arguments plausibles auxquelles Mme Chevalley ne répondra que par des impressions subjectives, fondées exclusivement sur une conception défaitiste d’un évolutionnisme irréversible de la société contemporaine. Impressions augmentées de spéculations sur la souffrance des homosexuels, voire des orphelins à qui importeraient surtout d’être adoptés, quelle que soit la nature de la «famille» d’accueil. Une pensée et quelques slogans sur lesquels il convient de revenir.

La politique du salami

Schwitzguebel, qui joue le premier coup, dit ceci: – «On a une politique du salami, avec cette possibilité, par exemple, d’avoir l’extension de l’adoption pour les couples homosexuels, qui fait que chaque minorité vient demander, met de la pression, fait du lobbyisme au Parlement, et, petit à petit, arrive à imposer son droit, un droit particulier qui est imposé à l’ensemble de la société, je ne pense pas qu’on doit accepter de faire des lois particulières pour quelques milliers de personnes».

– «Il faut refuser qu’elles [les minorités] nous mettent la pression, et encore plus quand ces minorités se permettent d’utiliser des outils, comme le mensonge, pour arriver à leurs fins».

L’accusation est lourde, l’engagement pris en 2005 était des plus solennels, les partisans de la LPart de l’époque accusaient d’ailleurs vertement de «mauvaise foi» quiconque osait remettre en doute la validité de leur parole.

Brouillage

Mme Chevalley ne relève pas et préfère se concentrer sur la relativisation des définitions des termes «lobbys» et «minorités»: – «Je crois que notre monde est fait de lobbys, monsieur, l’UDC est un lobby comme un autre, d’ailleurs. Je crois qu’il faut simplement pouvoir décider en son âme et conscience lorsque on fait des choix de société… Notre société est composée de minorités, il y a la minorité des catholiques, y a la minorité des femmes célibataires, y a la minorité des familles monoparentales. Si on regarde à quelque part, on trouve quelqu’un, puis somme toute, il fait, de toute manière, partie d’une minorité».

Si elle est fuyante, l’argumentation est habile. Sans jamais rien affirmer, Mme Chevalley surfe sur des impressions et tend à prétendre que diverses classifications religieuse et sociale (catholiques, mères célibataires) seraient en tous points équivalentes à l’action politique des lobbys homosexuels.

Il s’agit d’ailleurs de la vision typique de l’activisme gay, qui voit dans les catholiques ses principaux adversaires et une minorité comme une autre, et, dans le modèle d’union hétérosexuel libéré de la morale, chrétienne notamment, le meilleur argument de la prétention homosexuelle à une égalité de résultat, et donc, de fait. Parce qu’il parvient à faire aussi bien, ou du moins aussi mal, que le couple hétérosexuel «démoralisé», le couple homosexuel devrait pouvoir accéder à une totale égalité légale.

Stratégie de déception

Arrive le principal argument de Mme Chevalley, la fatalité d’une irréductible évolution des mœurs, à laquelle tout un chacun n’a d’autre choix que de se soumettre. Après la précision des définitions, Mme Chevalley s’en prend au premier moteur de la liberté, l’exercice de la volonté: – «Il ne s’agit pas de répondre ou pas à une minorité, il s’agit de répondre à une évolution de notre société. A un moment donné, notre société, elle est ce qu’elle est»; imparable.

Monter la présomption de persécution

La suite est plus complexe, qui prête au camp adverse des pensées, forcément discriminatoires et grotesques, qui ne lui seraient pas même venues à l’esprit, comme, par exemple, la peur subconsciente d’une «transmission» du caractère homosexuel par le canal de la «famille» homoparentale.

L’objectif est simple, faire passer le camp adverse pour un repaire d’homophobes reptiliens. Nous remarquerons ici que Mme Chevalley travaille exclusivement sur les impressions, jamais sur les définitions: – «Quelqu’un qui est homosexuel, il ne l’a pas été parce que ses parents… il y a beaucoup d’homosexuels qui ont des parents mixtes, donc on voit très bien que ça ne vient pas des parents, c’est simplement, la personne, elle est ce qu’elle est, et on ne peut pas aller contre ce qu’on est, il faut l’accepter simplement».

Ce passage est important qui souligne un virage dans le champ argumentatif du lobbyisme homosexuel, passé de la revendication, il y a quelques années, de l’exercice d’un libre choix, à une totale incapacité de s’arracher à la fatalité dont la nature a, à son corps défendant, accablé le sujet homosexuel.

Le saut dialectique est ici capital, qui met sur un plan d’égalité les conséquences de l’appétence sexuelle et celles des pratiques génésiques dans la société. Pour Mme Chevalley, la famille n’est plus un choix consenti mais une suite accidentelle de l’activité sexuelle. Ainsi, dans la mesure où la nature à donné aux homosexuels une sexualité non reproductrice, il convient à la société de réparer cette lacune par un effet du droit, sous peine de persécuter ces victimes de la fatalité naturelle.

Et pas un mot ici, bien sûr, pour cette lourde majorité qui ne se reconnaît pas dans les revendications lobbyistes, trouve le mariage bourgeois, ne voit pas l’intérêt de s’encombrer de moutards et, surtout, ne veut pas être réduite à son orientation sexuelle.

Parer

Xavier Schwitzguebel semble comprendre le danger, qui réitère sa captatio benevolentiae en direction des droits des homosexuels à être protégés, ce qui souligne, de fait, un droit inaliénable à l’intégrité physique, mais non un droit à toutes sortes de prérogatives que la nature, d’ailleurs, continue de réserver.

Et de jouer la répétition pour revenir à l’argument concret du mensonge et renvoyer celui de l’évolution à Mme Chevalley dans le sens d’un accroissement sans fin des revendications des lobbys homosexuels: – «Un point qui, pour moi, est très important, c’est le fait que les lobbys homosexuels nous ont menti, fondamentalement, en 2005. Et je crois qu’on n’est pas capable, enfin, en tout cas, moi, je ne suis pas capable en tant que politicien de faire confiance à des personnes qui viennent mentir à la population pour, ensuite, faire la politique du salami. En 2005, ils ont dit, lorsque le Pacs a été voté par le peuple, que ça n’irait pas plus loin.Aujourd’hui, sept ans plus tard, ils demandent l’adoption, ça veut dire quoi, dans cinq ans ils vont demander le mariage etc. etc. etc.».

Ne pas répondre

Second rappel, second évitement, Mme Chevalley est en boucle sur le mantra de l’évolution de la société, élan mystique qui lui fera commettre sa première erreur de fond: – «Encore une fois, le monde évolue. Est-ce que c’est mieux de laisser des enfants sans parents, sans rien, ou d’avoir une famille avec deux personnes de même sexe?».

L’objet du vote des Chambres étant de permettre ou non aux membres d’un couple homosexuel d’adopter l’enfant de leur partenaire, le postulat selon lequel il s’agirait de trouver une famille à des enfants abandonnés est essentiellement inexact. Mais sans doute que l’argument d’un remède providentiel à la misère orpheline était trop beau pour le laisser filer.

Le reste est du même tonneau, évolution et réitération du procès d’intentions dénigrantes de l’interlocuteur: «Moi je préfère qu’un enfant, il ait une famille qui l’encadre, qui lui transmette des valeurs, parce que même si on n’est homosexuel on peut transmettre des valeurs, ce n’est pas une question de sexe»; sous-entendu M. Schwitzguebel ferait l’affront aux homosexuels de leur refuser toute prétention à la moralité.

Et bis repetitam

Mme Chevalley tente encore une offensive d’un classicisme désolant, toute en émotion et en ressenti: – «Le monde juridique évolue avec notre monde… Comment est-ce qu’on peut s’appuyer simplement sur le fait que ça va complexifier notre système juridique, pour refuser l’évolution de ce monde. Moi, ce que je trouve un peu triste, c’est que vous êtes jeune, c’est que vous pensez comme quelqu’un de vieux. Moi, je connais des personnes âgées qui sont plus ouvertes d’espritque vous… Je trouve simplement triste de ne pas vivre avec son temps et d’accepter, ma foi, que les choses évoluent, la famille évolue»; affligeant, mais toutefois symptomatique d’une pensée se satisfaisant d’une perception subjective du sens du vent en guise de tout argument raisonné.

Riposte

Devant cette réponse hallucinée et fleurant bon les arguties de Balavoine dans les années 80, le vice-président de l’UDC a presque la part trop belle: – «Je ne pense pas penser comme quelqu’un de vieux, je pense penser comme quelqu’un de conservateur et je crois que j’en ai encore le droit… Cet argument que vous être en train de donner en ce moment, c’est exactement la logique dans laquelle vous êtes et la logique dans laquelle la loi va. C’est-à-dire qu’on n’aurait plus le droit de vivre de manière conservatrice, de vivre en tant que personne posée dans notre pays,parce qu’on vient nous imposer, de l’extérieur, une façon de penser, on vient nous dire: «ah vous êtes vieux si jamais vous refusez cette loi». Non, je ne suis pas vieux si je refuse cette loi, je suis simplement conservateur». Réplique systématique d’une génération foncièrement agacée par la dialectique qui a fait la loi dans ce pays ces vingt dernières années et dont le bien-fondé, malgré toute l’assurance avec laquelle elle peut être énoncée, n’apparaît plus aussi évident; si les masques tiennent bon, les écrans de fumée se dissipent.

La formule qui marche

Relancée sur la possibilité d’une revendication prochaine du mariage, Mme Chevalley commettra, dans son obstination à ne pas vouloir répondre, sa deuxième erreur: – «Le mariage, il faut savoir ce qu’on veut, est-ce que c’est juste un contrat? Est-ce que vous trouvez normal, lorsque votre partenaire est à l’hôpital, dans des conditions dramatiques, vous puissiez plus l’approcher, parce que vous n’êtes pas de sa famille, parce que pas, juridiquement, comme le dirait mon interlocuteur, marié? Moi, je trouve ça pas correct. Donc, si le mariage peut ouvrir certaines portes par rapport aux droits de succession, par rapport aux droits de visite, aux droits de pouvoir s’occuper de son conjoint, ça me paraît évidemment normal».

Faute grossière, la loi sur le partenariat enregistré assimile déjà en tout les partenaires enregistrés à des personnes mariées, adoption exceptée; mesure qualifiée alors par les partisans de la LPart de «raisonnable». L’invocation de la différence des droits date de la campagne de 2005. Le champ argumentatif des lobbys politiques homosexuels n’est, en fin de compte, qu’une ritournelle sentimentaliste et culpabilisante ne reposant sur aucun fondement exact ni concret. Seulement voilà, elle marche, il n’y a qu’à la resservir à chaque campagne.

L’histoire

– «Je crois que chez nous [les Verts libéraux], on a ce côté de libre, et donc on voit pas pourquoi est-ce qu’on mettrait des barrières aux gens alors qu’on revendique une certaine liberté. Donc je crois plutôt que notre parti est assez ouvert, bien qu’il en fait pas un dogme ou quelque chose comme ça. L’autre chose que j’aimerais dire, c’est que le monde s’accélère, le monde change, les cultures se mélangent, les gens se mélangent, c’est comme ça, vous ne pouvez pas aller contre l’histoire, le temps, le monde avance, je suis un peu triste d’entendre que des gens qui retiennent et, ma foi, c’est comme ça, c’est la vie».

La dialectique du slogan tourne à plein régime: ils sont libres, donc les autres ne le sont pas, le vent de l’histoire, et Dieu sait qu’il n’y a rien de plus changeant, est forcément dans leurs voiles. Pourquoi? On n’en sait rien, mais c’est comme cela, il faut l’«accepter», qu’on le veuille ou non.

Complexe de persécution répétitif et vision subjectiviste d’un monde dont la seule liberté est d’avancer; argument qui confine à l’absurde. Or il ne suffit pas d’avancer pour aller de l’avant.

Adrien de Riedmatten

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