Les preuves françaises

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La France est jusqu’ici le seul pays à s’être risqué à présenter des preuves à charge du régime syrien dans l’affaire de l’attaque au gaz du 21 août 2013.

Le gouvernement français a dévoilé une note de ses services de renseignement qui indique notamment que l’attaque chimique du 21 août a bien été perpétrée par le régime de Bachar al-Assad. 6 vidéos ont été mises en ligne sur le site du ministère de la Défense.

 

Les vidéos

La sélection du site de la Défense permet de constater que les vidéos retenues sont précisément les plus sujettes à caution, celles montrant, par exemple, du personnel médical administrant des injections… à des cadavres.

video gas attack posted before

Le commentaire du gouvernement français ne fait que reprendre celui des médias à l’heure de la publication desdites vidéos, soit le constat d’absence de blessures corporelles, et semble tout ignorer du problème dedatation de ces même vidéos, certaines ayant été chargées sur Youtube plusieurs heures avant les faits incriminés.

La première de ces vidéos choisies par le renseignement français montre bien les deux infirmiers piquant les victimes, décédées, de l’attaque au gaz. Ce que les services de renseignement publient sans le moindre commentaire explicatif.

Les vidéos choisies insistent encore sur la symptomatique d’une intoxication au gaz, hypersalivation mousseuse, mouvements musculaires etc. La question de l’éventualité de l’emploi de produits autres que le gaz pouvant provoquer ce type de symptômes n’est même pas évoquée.

Le commentaire est le même sur toutes les vidéos, leur sélection est arbitraire, les éléments permettant de confirmer leur localisation et datation totalement absents. A noter encore que ces vidéos sont augmentées du titre pompeux de « renseignement déclassifié« , ce qui peut faire sourire quand on sait leur origine ouvertement publique.

Jusqu’ici, le gouvernement ne fait que montrer ce que le monde peut voir sur Youtube depuis dix jours et prétendre à la preuve flagrante; mais voyons la note:

 

La note des services de renseignement

Un document de neuf pages, page de garde comprise, soulignant en préambule que « la Syrie détient l’un des plus importants stocks opérationnels au monde d’armes chimiques« , ce qui est peut-être un peu vite dit mais paraît toutefois, officiellement, vraisemblable.

L’affirmation suivante, en revanche, n’est pas à l’honneur du service:

« Dans les combats engagés contre l’opposition au régime du Président Assad, Damas a déjà employé de telles armes, notamment du sarin, dans des attaques limitées contre sa propre population, en particulier au mois d’avril 2013. »

Accusation gratuite faisant écho à la première tentative d’intoxication médiatique, laquelle n’avait débouché sur aucune preuve tangible, mais, tout au contraire, sur les déclarations de Carla Del Ponte, le 6 mai dernier, selon lesquelles les « rebelles » étaient à l’origine de l’attaque. Déclarations que son employeur lui fit ravaler sans attendre.

 

– Attaques préalables

Plus loin, la note explicite les accusations d’attaques préalables du fait du régime:

« Les services compétents français ont récupéré des échantillons biomédicaux (sang, urine), environnementaux (sol) et matériels (munitions), prélevés sur des victimes ou sur les sites des attaques de Saraqeb, le 29 avril 2013, et de Jobar, à la mi-avril 2013. Les analyses conduites ont confirmé l’emploi de sarin. 

Le 29 avril, nous savons que le régime syrien a conduit une attaque contre la localité deSaraqeb, située à 30 km au Sud-Est d’Idleb. Un hélicoptère a survolé à haute altitude la ville et a largué sur les quartiers ouest de petites munitions diffusant une fumée blanche. Environ vingt personnes ont été intoxiquées et évacuées vers les hôpitaux, où des personnels médicaux ont été intoxiqués par transfert de contamination. Les analyses ont confirmé que l’agent employé avait été du sarin. »

 

– Historique de la « preuve »

Or, si notre mémoire est bonne, les services de renseignement français tiennent leurs échantillons… de journalistes du Monde.

Ces mêmes échantillons dont les journalistes en question précisent ne pas avoir:

« Eu la possibilité d’établir la provenance de tous les lots, en raison de la précipitation dans laquelle ils nous ont été confiés. »

A noter encore que l’utilisation d’un hélicoptère, vue par ces mêmes journalistes comme la preuve irréfutable de l’implication du régime, « la rébellion ne disposant pas d’aéronef« , n’est pas avérée mais a, semble-t-il, été rapportée par témoignage aux envoyés spéciaux du Monde, lesquels, rappelons-le, n’étaient pas sur place au moment des attaques.

L’on se souvient encore des précisions de la rédaction du Monde selon lesquelles:

« Les prélèvements rapportés par les journalistes du Monde ont été récupérés côté rebelle. »

Rédaction qui ajoute au passage l’argument qui, outre la mention de l’hélicoptère, fonde sa conviction:

« Et la miniaturisation d’un gaz de combat aussi dangereux nécessite des moyens dont seul dispose un Etat. »

Une interprétation que semble faire sienne la note des services de renseignement, qui reprend dans le détail la composition de l’arsenal chimique syrien et des divers moyens de propagation, comme si la seule capacité du régime excluait de fait toute capacité adverse. Comme si les rebelles, en somme, ne bénéficiaient d’aucun appui international:

« Nous estimons enfin que l’opposition syrienne n’a pas les capacités de conduire une opération d’une telle ampleur avec des agents chimiques. Aucun groupe appartenant à l’insurrection syrienne ne détient, à ce stade, la capacité de stocker et d’utiliser ces agents, a fortiori dans une proportion similaire à celle employée dans la nuit du 21 août 2013 à Damas. Ces groupes n’ont ni l’expérience ni le savoir-faire pour les mettre en œuvre, en particulier par des vecteurs tels que ceux utilisés lors de l’attaque du 21 août. »

Et… c’est tout. C’est d’ailleurs là la conclusion du document. Après avoir glosé sur les vidéos et les déclarations de Médecins sans frontière, mentionné des « renseignements crédiblesde plusieurs partenaires » faisant « état de préparatifs spécifiques les jours précédents le 21 août » ainsi que le fait que « les restes de roquettes observés à cette occasion, comme lors de certains précédents ponctuels, se prêtent à l’emploi d’agents chimiques« , les renseignements français useront des mêmes conclusions et arguments que les journalistes du Monde pour le cas précédent du mois d’avril. « Preuves » que la communauté internationale avait d’ailleurs écartées avec ennui en raison de leur faiblesse, sinon avec gêne après l’impair de Mme Del Ponte.

Pas un mot, bien sûr, sur les images satellites russes démontrant le tir de roquettes depuis des positions en mains des « rebelles« . La note de Matignon n’est en somme qu’une ode au journalisme français et n’avance comme seule et unique preuve, fondée sur une succession de projections pour le moins hasardeuses, que l’incapacité matérielle présumée des rebelles; une sorte de preuve par élimination en quelque sorte.

Ecumer le net, prendre dictée de la presse, publier un catalogue d’arsenal probablement pompé aux Américains, mentionner quelques témoins épars, c’est là toute la raison du gouvernement français d’entrer en guerre.

A l’heure de la NSA, de Prism, des écoutes mondialisées et des satellites orbitaux, pas une image, pas un son, pas un nom à l’appui de cette théorie.

Si la vérité est ailleurs, il est tout en cas certain qu’elle ne se trouve pas là.

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