CHUV, chiffres et avortements: les petits trafics de la RTS

La RTS essaie tant bien que mal de divertir le malaise suscité par les velléités du CHUV de policer les intentions de prières dans sa chapelle œcuménique en faisant la promotion de sa politique en matière d’avortements. Une politique qui ferait baisser leur nombre au niveau suisse ; une allégation aux fortes allures de « post-vérité« .

Passons sur le fait que la Suisse dispose de la législation la plus libérale au monde en la matière, qui permet d’avorter jusqu’au 9e mois sur simple invocation de la « détresse« , pour nous concentrer sur l’argument principal de la propagande: La dépénalisation – appelée à tort légalisation – ferait baisser le nombre d’avortements. C’est tout simplement faux.

Le 2 juin 2017, au 19h30, la RTS se félicite d’un des taux les plus bas d’Europe et d’une baisse sensible depuis… les années 90, se basant sur les chiffres vaudois de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) du CHUV. Le CHUV, plus grand pourvoyeur d’avortements du pays ; pas vraiment une source indépendante.

 

Mode d’emploi

La grande question reste principalement celle-ci : Comment le CHUV fait-il pour disposer de données fiables 14 ans avant que celles-ci ne soient effectivement accessibles ? C’est simple, il les invente. L’IUMSP commence son monitorage en 1993 seulement, mais qu’importe, il remonte à 1990 aujourd’hui sur la base des formulaires de demandes d’avortement. Petit problème, d’une, ces formulaires ne comptabilisent que les demandes et non les avortements effectivement réalisés, de deux, ils étaient remplis par un médecin sans aucune autre mesure de contrôle institutionnel, de trois, ils concernaient aussi les femmes étrangères, ce qui représente une difficulté pour juger de l’évolution statistique en Suisse. Last but not least, ces chiffres ont été recoupés avec ceux de divers pays du nord de l’Europe pour juger de la distinction réelle entre demandes et réalisations. Certainement des données intéressantes, mais pas assez vérifiables pour conclure avec certitude à cette « cassure significative juste après l’introduction du régime du délai » à laquelle prétend l’IUMSP. En clair, pour la période 1990-2002, un sérieux problème de méthode et un léger penchant pour la science-fiction.

 

Après 2002

Mais rappelons qu’il ne s’agit là que des chiffres du canton de Vaud, sur lesquels la RTS se fonde pour appuyer une baisse généralisée au niveau suisse. Cette impression de chute vertigineuse par les vertus de la dépénalisation remonte à une légende tenace: Avant 2002, des milliers de femmes faisaient la queue dans les arrière-cours pour se faire avorter au couteau de boucher. Après 2002, l’envie leur aurait soudainement passé.

En 1973, le Prof. Heinrich Stamm publie une première statistique, qu’il fonde sur de vagues données récoltées dès 1966 dans certains cantons. Stamm ne fait pas mystère de ses opinions, qui fonde la nécessité de légaliser l’avortement, entre autres, sur le fait essentiel que les enfants non désirés font pipi au lit… Ses sources sont fantaisistes, sa méthodologie insoutenable. Elle ne tardera d’ailleurs guère à être dénoncée par la profession, ce qui n’empêchera pas les tenants de l’Union suisse pour décriminaliser l’avortement (USPDA) d’en faire leur source principale tout le long de leur campagne. C’est sur cette étude vieille de plus de 50 ans que la conseillère nationale socialiste bernoise Margret Kiener Nellen, le 17 avril 2013, en pleine session parlementaire, chiffrera les avortements entre 20’000 et 50’000 – observez la précision – pour les années 50 ou 60… Mais le plus beau est à venir.

A partir de 2002, les cantons ont l’obligation de fournir les chiffres des avortements. Certains rechigneront à s’exécuter pendant plusieurs années pour des raisons qui restent difficiles à déterminer. Mais, dans son communiqué du 5 novembre 2007, l’Office fédéral de la statistiques (OFS) établit que:

« Jusqu’en 2003, les données proviennent, pour une large part, des cantons et, pour une faible part, d’estimations de l’Union suisse pour décriminaliser l’avortement (USPDA)« .

Oui, vous lisez bien, les chiffres officiels de la première année de la dépénalisation, ceux-là même qui sont employés depuis 15 ans pour témoigner d’un effet de baisse par ‘légalisation’ ont été produits sur la base d' »estimations » d’une association militante pour décriminaliser l’avortement. Association tenue alors par une vieille dame seule, Anne-Marie Rey, titulaire d’un diplôme d’interprète et de trois ans de cours de danse… Scientifique donc !

 

Blocage statistique après 2002

Les chiffres actuels tiennent de la magie. Le compteur reste indéfiniment bloqué sur 10’000 avortements et des poussières, ce malgré une hausse de la population de près de 10% ces dix dernières années. L’OFS nous vend encore une baisse sensible dès 2011. Nouveau tour de passe-passe ?

En 2008, la loi autorise les avortements en cabinet. Les médecins sont toujours seuls responsables de la communication du nombre de cas. Le dernier renforcement de contrôle date de 2009, qui se limite à une obligation de transmission par fax. Une confiance aveugle au bénéfice des prestataires reste la norme. Le flou est total.

NorlevoUne autre donnée, enfin, semble plus difficile à comptabiliser, raison qui paraît propre à expliquer cette tendance ‘à la baisse’, celle des avortements médicamenteux. 94% des avortement se pratiquent aujourd’hui à la Myfegyne. La plupart du temps, ceux-ci se tiennent en milieu ambulatoire, font l’objet d’une surveillance de quelques heures et sont réputés comptabilisés, mais il arrive parfois que ces avortements aient lieu à domicile.
Reste la question des avortements médicamenteux par
Norlevo, abortif d’urgence jusqu’à 72 heures après la conception, présenté comme un contraceptif et qualifié le plus souvent de « pilule du lendemain« , ce qui explique que, nonobstant l’effet strictement abortif, celui-ci soit regardé ‘culturellement comme contraceptif. Sophisme subtil en l’occurrence, qui prétend faire œuvre de contraception, 72 heures… après la conception… Le fait est, en outre, que ce type de produit peut s’obtenir en pharmacie sans ordonnance et que l’OFS n’a pas fait la preuve d’une comptabilité précise des avortements conséquents à ce type de médication.

En 2008, Pharmasuisse démontrait, dans un calcul tendant à la baisse en raison du secret maintenu sur le chiffre réel des ventes en cabinet, que les ventes de Norlevo pour les femmes enceintes de moins de 16 ans avaient doublé en quatre ans (2003-2007) pour atteindre le chiffre hallucinant de 78’000 unités. Révélation qui fit bondir en son temps l’OFS. Reste la réalité du business : selon des sources industrielles autorisées, le chiffre absolu des ventes globales de Norlevo a augmenté de près de 250% ces dix dernières années.

S’ajoute à cela l’arrivée sur le marché de la pilule du lendemain EllaOne, efficace 5 jours après le rapport et qui aurait, selon une récente étude autrichienne, ensemble avec les produits répondants à la qualification de « pilule du lendemain« , ou « pilule d’urgence« , un taux d’avortement de près de 5%.

Voilà, sans doute, la seule origine logique de la « baisse » du taux d’avortement. Une contraception, ‘de secours’, abortive, est venue se substituer à la statistique des avortements classiques. Les avortements augmentent mathématiquement par voie de multiplication des moyens d’accès. Les offices statistiques gardent les œillères bien vissées sur tout ce qui ne ressemble pas à un avortement à l’ancienne.

La population s’accroît, la vente d’abortifs médicamenteux explose, mais la statistique d’avortement ne bronche pas. Autant d’éléments qui sèment un doute certain sur les chiffres étatiques battus et rebattus à longueur de décennies.

Une seule question subsiste ici réellement : Si l’avortement est un tel progrès civilisationnel, une telle avancée pour le monde, pour les femmes, pourquoi se réjouir de la baisse de ses occurrences ? Pourquoi donc maquiller sa modernisation en contraception ? Et si la vraie donnée manquante ici était l’impression que tout ça nous laisse à la longue ? Et si l’on imaginait le monde d’après ?

Noël Macé

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *