Ada Marra et le négationnisme patriotique

L’internationalisme socialiste vomit le patriotisme – qu’il qualifie du terme, qu’il croit péjoratif, de nationalisme – mais ce n’est pas un sentiment spontané, c’est une stratégie. De tous temps les dictatures ont haï ce qui leur faisait obstacle, depuis sa naissance, le socialisme honnit ce qui fait l’homme libre.

Ce même jour, veille de la fête fédérale, le Conseiller national socialiste Ada Marra s’est une nouvelle fois fendue de l’une de ses saillies électroniques, qui ne semblent être à chaque fois présentées à un public consterné que pour donner à juger de la faiblesse de la philosophie qui l’anime. Le socialisme a pratiqué la terre brûlée dans les intelligences, persuadé qu’une fois vidées de toute instruction, les masses dociles ne trouveraient plus rien à rétorquer. Une version cynique l’Ecole des femmes, du Machiavel de Prisunic. D’ordinaire, une indifférence fatiguée suffit à répondre aux élucubrations de ces esprits tourmentés, mais là, c’est presque trop, jugez :

« LA (sic) Suisse n’existe pas. Ce sont les gens qui y habitent qui existent. Avec des idées et des opinions différentes. Avec des combats et des orientations différentes. Avec des priorités et des soucis différents.

L’histoire suisse comme toutes les histoires des pays du monde est faite de mythe et de récit national. Moi je sais que Guillaume Tell n’a jamais existé. Et que le pacte de 1291 n‘en est qu’un parmi d’autre (sic) et à un moment de l’histoire, il a été adopté comme un point de repère. C’est comme avec la religion les histoires des mythes nationaux : dès qu’on a plus le droit de les considérer avec un sens critique, c’est le début de la fin.

Ce qui existe ce sont nos différentes lois. Notre démocratie. Notre équilibre entre public et privé.

Tout cela n’est pas immuable. Nous avons le pouvoir de les faire évoluer. Chacun-e (sic) aime la Suisse différemment. Et il/elle (sic) a le droit. Et il n’y a pas de bons ou de mauvais suisses (sic). Pour moi il ne peut y avoir de définition du suisse (sic). Parce que la Suisse elle n’est pas composée que de tenant-e-s (sic) du passeport. La Suisse est composée de volontés qui s’expriment dans les domaines qu’elles souhaitent.

L’histoire est mouvante. Et ce que nous considérons comme éternel n’est en fait que la photographie d’un moment donné.

Ma Suisse à moi n’est pas la vôtre. Vôtre (sic) Suisse n’est pas la mienne.

Dieu que c’est beau de vivre dans un pays où on a le droit de penser de manière non-uniforme. C’est cette Suisse là (sic) que j’aime. Je sais qu’elle est en danger plus que jamais. Je me battrai pour qu’elle continue à vivre.

Bon 1er août à toutes et tous.« 

 

Chère Mme le Conseiller. La Suisse existe bien, et pour cause, c’est elle qui règle vos émoluments de parlementaire. Il y a donc bien quelque chose qui paie les factures – et Dieu sait que la facture du socialisme est salée -, et qui s’appelle la Suisse. C’est elle aussi, la structure voulue par sa démocratie, qui permet cette rencontre de diversités que vous ne saluez que pour l’opposer – sans craindre le paradoxe – à son essence propre :  une rencontre, une fédération des diversités. Mais, de toute évidence, de votre point de vue, certaines diversités sont plus égales que d’autres.

Les histoires nationales se nourrissent de mythes, soit, mais il n’y a vraiment que le socialisme pour se payer aussi bien de légendes. L’histoire est avant tout une science exacte, exacte dans son exigence, la seule qui s’enquiert des conséquences de la pensée sur l’homme, ce qui explique d’ailleurs la profonde défiance de votre coterie envers elle. Coterie qui croit gagner l’opportunité d’un nouveau règne en effaçant les réalités inévitables des manuels, en faisant interdire ce qu’elle n’a pu détruire. L’historiographie socialiste est mouvante – c’est d’ailleurs un marais où toute vérité objective finit un jour par sombrer -, l’histoire, en tant que volonté de connaissance, ne l’est pas.

C’est pourquoi, chère Madame, il est proprement insupportable que vous usiez de la faible compréhension qui est la vôtre de la controverse opposant le pacte fédéral de 1291 à celui de Brunnen, de 1315, au titre de traité fondateur, pour faire accroire à la mythologie relative de l’un et l’autre. Controverse pourtant résolue dès le XIIIe siècle déjà, par le travail des historiens.  Mais quelle importance, n’est-ce pas, tout ce qui ne sert pas le propos de votre petite idéologie sectaire ne pouvant atteindre au rang de vérité autorisée. Le fait est que la Confédération existe bel et bien, que la Suisse a été fondée par des hommes libres et déterminés et constituée en vue de protéger les libertés de tous ses membres, même de ceux, parmi ses représentants élus, qui en viendraient à nier jusqu’au bien-fondé de son existence. C’est cela qui est éternel et vous échappe, vous ne pouvez, tout au plus, que tenter de le salir. La schizophrénie qui vous tiraille, de toute évidence, entre votre foi et votre engagement en faveur des libéralismes gauchistes, vous aveugle aussi ; non, Madame, ni l’ « amour », ni les sentiments, ni Dieu sait quelle invention ne donnent le droit, le pouvoir, d’écarter les évidences.

Le pacte de 1291 existe, lui aussi, et il est le premier de son genre ; il est invraisemblable qu’un élu de la Confédération tente de mettre cela en doute. Admettre la réalité de ce qui existe, voilà la première, la seule, fonction du sens critique. Ce pacte, vous pouvez le voir encore au Bundesbrief Museum de Schwyz et le lire, en français, ici. Il parle, au nom de Dieu, de la façon de conserver la paix par une alliance défensive.

Vous cherchez  une définition du Suisse, elle est là, à cent lieues de vos œillères étriquées et pourtant sous vos yeux : le Suisse, d’où qu’il vienne, est un allié, l’allié de tout homme qui souhaite défendre sa liberté. Voilà la transcription authentique de la figure de Guillaume Tell – si vous vous étiez donnée la peine de la considérer -, que vous n’appelez mythe que pour en rabaisser servilement la symbolique. La représentation de la liberté vous gêne. C’est d’ailleurs la raison qui explique, fort logiquement, pourquoi vous ne pouvez ni voir ni comprendre la Suisse, la pensée qui fonde votre mouvement politique n’ayant été confronté à la liberté d’autrui que lorsqu’elle la faisait rouler sous les chenilles de ses chars.
C’est la volonté du Suisse qui fait la Suisse, vous avez raison, mais cette volonté a toujours été tournée vers ce seul but, la défense de la liberté. Le Suisse est le seul citoyen au monde à dresser des feux le jour de la fête nationale, et pour cause, le 1er août n’est ni plus ni moins que le test annuel du système d’alarme fédéral qui s’allumait sur nos monts et dans nos vallées à chaque incursion de l’envahisseur. Voilà, si vous la cherchiez, l’origine du malaise qui a suscité cette petite provocation puérile de votre part, et qui réside dans ce que vous sentez bien que tout ce qui fait la Suisse, au tréfonds de sa constitution, est voulu pour rejeter le parti, le corps étranger, de celui qui se montre hostile à cette formidable volonté de liberté.

Madame, il eût été plus simple, plus clair et plus honnête de dire simplement que l’entier de votre action et de celles vos pairs se résume à la destruction de toute idée de nation, et, par voie de conséquence logique, de ce qui en est l’essence, la famille. Toutes deux institutions qui garantissent l’indépendance de l’homme devant le pouvoir croissant de l’Etat, l’une et l’autre étant les meilleures défenses naturelles de l’humanité contre toute velléité hégémonique de l’internationalisme libéral.

Madame, enfin, voir un élu socialiste se congratuler de sa pensée non-uniforme nous montre bien à quel point ce danger imminent que vous craignez pour notre pays repose sur cet aveuglement téméraire, qui ne veut voir et aimer la Suisse qu’à condition que celle-ci cesse d’être ce qu’elle est. La Suisse est, depuis toujours, depuis son premier jour, une alliance défensive, le culte de la liberté individuelle au service d’autrui, la convergence de toutes les loyautés, de tous les patriotismes, l’union sans la négation, en un mot, le contraire du socialisme.

 

Adrien de Riedmatten

Joyeux et fier 1er août à tous, vive les Confédérés !

Buvez modérément et évitez les hymnes frelatés !

Un pour tous, tous pour un !

 

Source asin.ch, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

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