La Redevance, nouvel impôt sur l’information ?

Avec ses 7 chaînes de télévision, 17 de radio, 8 sites internet, 108 comptes Facebook, 54 Twitter, 32 Instagram, 42 chaînes Youtube, en dix langues 1, et une conception du service public qui va de la politique aux Coups de cœur d’Alain Morisod, en passant par la quatrième rediffusion de l’intégral des 31 saisons de Top Model, la SSR est-elle en train d’avoir la peau de la diversité médiatique dans notre pays ?

morisod mod. mourir jeune. jpgLe 14 juin 2015, le peuple acceptait, à 3’649 voix d’écart, la révision de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) imposant la redevance à tous les ménages, indépendamment de leur consommation. En réaction, un collectif de jeunes déposait l’initiative No Billag. Pour mémoire, la SSR absorbe 91% du 1,6 milliard annuel de la redevance et alloue des salaires pouvant aller de 557’434 fr. pour la direction à 125’000 fr. pour un simple journaliste 2. Redevance qui, rappelons-le, a connu une augmentation de plus de 60% en moins de trente ans.

Outre le fait qu’une redevance hertzienne convient peu à l’ère d’internet, la principale critique des initiants réside dans l’idée qu’une situation de quasi monopole n’invite guère la SSR à s’en tenir aux impératifs de neutralité que les consommateurs lui imposeraient si elle était soumise aux lois les plus élémentaires du marché. Certes, il n’est pas toujours souhaitable que le peuple dicte sa loi aux institutions, mais qu’il puisse donner de la voix dans les situations d’abus de pouvoir reste le principe même de la démocratie. En clair, une concurrence libéralisée permettrait de désenclaver un paysage médiatique où près de 70% des intervenants se reconnaissent ouvertement de gauche 3.

Taxe sur internet ?

Avant la réforme qui imposera, dès le 1er janvier 2019, la redevance « par ménage et par entreprise » (art. 68 al. 2 LRTV), la loi respectait le principe du consommateur payeur (« Quiconque met en place ou exploite un appareil destiné à la réception de programmes de radio et de télévision », art. 68 al. 1 LRTV ancien). Le citoyen pouvait donc manifester son désaccord en refusant de consommer et donc de payer. Cette liberté lui est enlevée au profit de la survivance d’un modèle ancien qui sait ne pouvoir soutenir la compétition d’internet.

Cette décision dérive d’une jurisprudence du Tribunal fédéral administratif qui avait assimilé ordinateurs et smartphones connectés à des appareils de réception. En clair, si vous avez internet, c’est uniquement pour consommer des produits de la RTS… Un véritable hold-up, ni plus ni moins, et un détournement du sens même de la publication d’informations libres sur la toile. En fin de compte, avec plusieurs années d’avance sur les plus sombres projections anglo-saxonnes, une authentique et inéluctable taxe sur le net, un impôt sur le progrès.

Du haut vers le bas

Il faut dire que l’immense liberté d’internet avait bien tôt alarmé de nombreux acteurs politiques, dont le Parti socialiste qui, en 2013 déjà, tirait la sonnette d’alarme, fustigeant un danger pour « la fonction d’intégration (de haut en bas) de l’opinion publique » 4.

Imposer une redevance à tous, consommateurs ou non (même aux sourds et aux aveugles), revient en somme à priver le souverain de son droit de refuser de financer un produit dont il ne veut pas et de réserver sa subvention à un autre. Même si vous soutenez un média qui vous semble plus juste et vous plaît, comme celui que vous tenez dans les mains, vous resterez contraints de pensionner son concurrent direct.

L’application du principe de proportionnalité devrait permettre au citoyen libre de continuer de décider ou non de consommer et de payer. Ce principe est d’ailleurs maintenu dans la loi actuelle. Il est possible de ne pas payer la redevance si vous ne disposez pas d’appareil de réception… mais pour 5 ans seulement (art. 109c al. 7 LRTV). Après, que vous le vouliez ou non, le poste s’allume et la liberté s’éteint.

Adrien de Riedmatten

NOTES

1 Réponse du Conseil fédéral du 08.11.2017 à la question n°17.1061 du CN Claudio Zanetti (UDC/ZH).

2 Le Temps, v. en ligne, 31.05.2015.

3 Etude SSR de la Zürcher Hochschule für angewandte Wissenschaften citée par le Tages Anzeiger du 12.11.2017.

4 « Pour un système médiatique compatible avec la démocratie », Document de position du PS Suisse du 21.06.2013.

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