Depuis leur échec retentissant devant George Bush, les Démocrates ont amorcé un nouveau virage dans leur approche de la question de l’avortement tout en essayant de sauver la face vis-à-vis de leurs convictions originelles. Les penseurs du parti pensent pouvoir ménager une "troisième voie" entre progressisme effréné et respect des valeurs traditionnelles et sont convaincus que cette voie doit passer par "un changement de rhétorique".
Après être déjà parvenu à tempérer l’opinion démocrate sur les armes à feu, le think tank du parti démocrate concentre ses efforts à faire évoluer les mentalités en faveur du pro-vie. La situation est bloquée, selon lui, par une trop forte polarisation du débat, laquelle empêche de s’adresser à une grande proportion d’indécis. Cette volonté de changer de discours semble motivée, non par une conversion de l’aile démocrate encore favorable à l’avortement (il y a tout un groupe de démocrates pour la vie), mais surtout par les récents mouvements à la Cour suprême, lesquels sont plutôt favorables aux pro-vie pour le moment.
L’hebdomadaire Newsweek (pas franchement pro-vie), qui a levé le lièvre, a rapporté que, ce printemps dernier un linguiste de l’université de Berkeley, George Lakoff, s’est adressé aux activistes pro-avortement de Seattle sur cette question. Lakoff leur a expliqué que la rhétorique "pro-choix" était perdante et n’apportait aucune réponse satisfaisante en soi. "Ils ont constaté que le ‘choix’ ne fonctionnait pas très bien", a dit Lakoff à Newsweek. Le linguiste leur a dit, en outre, que leur problème venait d’une mauvaise compréhension des bases de thématique. "Pro-choix," leur a-t-il dit, provient d’un vocabulaire consumériste, tandis que "vie" vient de la morale.
La stratégie de Lakoff pour tourner l’argument à l’avantage des Démocrates et mettre la mort des enfants non-nés sur le compte de la politique économique républicaine a déjà connu un tour de chauffe: En juillet, la démocrate Louise Slaughter s’est fendue d’une dénonciation de la "pollution" des "enfants non-nés", une tirade qui a surpris les spécialistes au courant de son engagement à 200% derrière les directives de la NARAL (association faîtière pro-avortement aux USA).Une façon détournée de passer pour les défenseurs de la vie à naître…
Même le Planning familial essaie de se défaire de son image militante: "Nous nous sommes un peu éloignés d’une communication venant du coeur", admet Karen Pearl, présidente par intérim.
Le mois dernier, le président du parti démocrate Howard Dean (photo) a rencontré, ensemble avec le groupe des Democrats for Life, une organisation de membres du parti essayant de faire abandonner à celui-ci son soutien en faveur de l’avortement et d’opérer un retour "aux racines d’avant 1960". Dean a précisé toutefois qu’il ne voulait pas changer la position du parti démocrate, qui est de faire en sorte que l’avortement reste disponible. Il a dit néanmois vouloir changer la façon d’aborder cette thématique afin de la rendre "de goût plus agréable" (palatable). Steve Grossman, un ancien de la direction du parti, a ajouté: "Il a dit qu’il voulait sortir le mot "avortement" du lexique politique".
Lakoff, que Newsweek qualifie de "gourou officieux pour démocrates cernés", a suggéré que la nouvelle approche à l’avortement parle de "réduction de grossesses non désirées" et emploie l’expression "liberté personnelle". Cette suggestion a été plébiscitée par la NARAL, qui a présenté sa nouvelle stratégie de campagne publicitaire en utilisant l’expression "culture de liberté et de responsabilité"… qui sonne vaguement "culture de vie" pour quelque chose qui signifie exactement le contraire.
Les spécialistes rappellent que l’expression "culture de mort," trouvée par le défunt pape Jean Paul II a porté un coup très dur à la cause de l’avortement dans cette guerre des mots.
Une responsable du NARAL, Celinda Lake, a déclaré en revanche que l’emploi du terme "prévention" pour parler de contrôle des naissance à base d’abortifs puissant du genre pilule du lendemain s’était "bien vendu" auprès de la population.
lsn