Bébé-mouette: Quelques petites corrections

Evidemment, le Bureau audiovisuel francophone se félicite de la décision du Kunstmuseum de Berne de retirer le bocal de l’installation Ruan contenant une mouette surmontée d’une tête humaine. Le symposium promis pour le 22 août correspond tout à fait à ce que nous espérions et la démarche portera, nous en sommes convaincus, des fruits nécessaires à la considération de l’éthique dans les milieux de l’art. Nous regrettons seulement que ce genre de mesure n’ait pas été prise avant et ne nous faisons aucune illusion sur la composition des membres dudit symposium. Une fois de plus, nous constatons que les responsables du musée sont seuls maîtres en la demeure et disposent d’une autorité et d’un pouvoir équivalent à ceux des mandarins, pour reprendre une image chinoise. On comprend ainsi mieux leur façon de nous considérer d’abord en misérables pékins, puis en criminels de lèse-majesté et enfin en briseurs d’idole.

Dans l’émission Forum d’hier sur la Radio Suisse Romande, Bernhard Fibicher, qui admet tout d’abord qu’aucune pression n’a été exercée pour le retrait de l’oeuvre, dit ensuite, à qui veut l’entendre, faire l’objet d’une "autocensure sous pression". Le discours ambigu adopté par les responsables du Musée de Beaux-Arts, qui ont d’abord nié l’éventualité d’un foetus humain, puis tergiversé en parlant d’un petit singe ou d’une tête en cire (il faut vraiment le vouloir pour ne pas reconnaître une tête humaine tant les détails sont précis), cherchent à présent à discréditer la partie adverse en parlant de menaces adressées en direction de l’oeuvre, histoire de nous ranger, sans avoir à se donner la peine de nous écouter, du côté des extrémistes violents et des censeurs. Couper la tête d’un foetus humain pour la coudre sur un animal et arriver encore à se faire passer pour victime… très fort! Nous avons beaucoup de mal à croire à ses menaces, si elles étaient réelles, le musée ne parlerait pas de replacer l’oeuvre dans deux semaines, "il faut que la situation se calme un peu", confesse Bernhard Fibicher; le musée cherche à gagner du temps. En conséquence, nous concluons que le comportement des responsables du musées des Beaux-Arts relève doublement de l’incompétence et de la mauvaise foi.

Quant aux assertions de l’artiste Xiao Yu, lesquelles d’ailleurs varient sensiblement d’un média à l’autre et servent à de nombreuses disculpations -le foetus, né dans les années septante hier après-midi, a pris dix ans en quelques heures, juste histoire de le faire naître avant la sanglante politique de l’enfant unique; hasard?- elles nous paraissent peu crédibles. Personnellement, nous n’avons qu’une confiance très relative dans les propos d’une personne qui occupe son temps à couper des têtes de foetus ou a coudre des souris vivantes pour s’amuser à les filmer. Nous retenons quand même que ledit foetus a sans doute été obtenu frauduleusement, ne sachant pas que les cadavres humains soient vendus à la criée devant les portes des musées pékinois. Nous sommes convaincus que la Justice bernoise saura trier le vrai du faux.

En outre, la direction du musée ne dit pas la vérité quand elle affirme que notre réaction devant l’"oeuvre d’art" est la première à sa connaissance. La BBC, citée par la Basler Zeitung d’aujourd’hui, parle de réactions assez émotives lors de la Biennale de Venise en 2001, la direction du Kunstmuseum a reconnu dans le Matin avoir entretenu une correspondance avec un médecin et, dans l’interview qu’elle a accordée au BAF le 3 août 2005, Mme Ruth Gilgen, porte-parole du musée, mentionne explicitement "une classe d’élèves qui sont venus avec leur professeur … la moitié de la classe est tombée en larmes et n’a pas supporté" ainsi qu’un visiteur "qui a vraiment demandé qu’on enlève ces objets". Cette soudaine amnésie porte, selon nous, un coup sévère à la crédibilité de la communication du musée.

Le Blick (Ringier!) d’hier (et Le Temps du 10.08 qui confond tout jusqu’aux dates) nous accuse d’avoir déposé la plainte avant d’avoir vu l’oeuvre; c’est inexact. Nous avons déclaré notre intention de poser plainte samedi après avoir étudié attentivement des photos très détaillées, avons vu l’oeuvre dimanche et avons déposé plainte lundi. En revanche, bon nombre de responsables des services culturels de la commune et du canton de Berne et des personnalités ayant accordé leur haut patronage à l’exposition ne l’ont toujours pas vue; ce qui semble ne déranger personne au demeurant.

La presse unanime se fabrique un étiquetage en retenant notre candidature aux élections au Conseil national 2003 sur une liste JUDCvr (sans appartenance au parti) mais, sans vouloir renier qui, ou quoi, que ce soit, ne se pose guère la question de notre peu de persévérance dans cette voie. Ce n’est pas par hasard que nous y avons été et que nous n’y sommes plus! Face à l’art il faut un ennemi "d’extrême-droite"; pour le feuilleton, il faut une blanche génisse et un grand-prêtre sanglant et caricatural.

On remarquera, pour la Suisse-allemande, mais plus dans les propos des responsables du musée que dans la presse, qu’à cette première étiquette UDC vient s’ajouter la dicrimination anti-welsch, où les allusions au fait que la Suisse romande n’est qu’une réserve d’indiens primitifs, gauchistes et décadents sont à peine voilées. Ce dernier point marche particulièrement bien avec le Valais où, d’ailleurs, à notre grand regret car le pays est magnifique, nous n’avons pas passé plus d’un tiers de notre existence.
Transformer un universitaire lambda, éduqué pour une bonne part à l’étranger, en Romand valaisan obtu, étroit et menaçant, roulant des yeux assassins, la matze devant la porte de la grange sur laquelle d’ailleurs une chouette est clouée; voilà qui est un brin exagéré. On a parfaitement le droit de ne pas être d’accord avec nous, mais nous ferons remarquer que la très grande majorité des critiques qui nous sont adressées concerne non pas notre démarche, que nombre d’intervenants continuent de considérer comme positive à de nombreux points de vue, mais cette personnalité éventuelle d’homme des bois de la culture contemporaine dont on nous a affublé.

Le comportement et les propos des responsables du musée sont très en-dessous de ce que tout un chacun est en droit d’attendre d’une société de gens instruits et, par définition, plus sensibles que la moyenne. Nous ne voulons pas d’un emplâtre sur une jambe de bois, nous ne voulons pas d’un symposium alibi, vite fait mal fait, pour permettre de se donner bonne conscience et de ne surtout rien changer. 
 
De plus, ledit symposium sera-t-il ouvert au public, pourrons-nous y assister, participer au débat? Le valaisan primitif aura-t-il droit de fumer le calumet avec le grand homme blanc de la culture bernoise?

Nous espérons avan tout que les responsables de la culture du canton profiteront de l’occasion qui leur est offerte de faire leur auto-critique et de s’interroger sur un développement durable de l’art dans un respect de l’éthique et de l’humain. Nous espérons sincèrement que ce genre d’initiative permettra à chacun d’avancer vers une conception toujours plus digne de l’art qui nous garantira, une fois pour toutes, de tout nouveau dérapage.

"Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité!"

Baudelaire traitant de l’art dans son poème Les Phares (Les Fleurs du mal)

1 réponse à Bébé-mouette: Quelques petites corrections

  1. aDR dit :

    allez vous caher vous nous faites pitié…

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