Inauguration de l' »espace de recueillement » de Pérolles II: Une grande absence…

Une quarantaine de mètres carrés, du béton, des rideaux jaune-cocu, une déco de salle d’attente de cabinet de thérapeute canin et tout ce que le génie humain a su inventer pour faire asseoir les gens, étant entendu que l’intellectuel assis est le seul attendu dans ce refuge de la haute spiritualité de bazar: Des chaises, des escabeaux ‘Taizé’ et d’étonnants petits poufs verts comme autant de pétolles laissées là par une chèvre psychédélique.

Au milieu, offert à la contemplation, le paillasson de la niche de médor, surmonté d’une chandelle aux couleurs de la gay pride… du meilleur goût. Sur des paillassons secondaires on trouve même de petites graines toxiques qui sentent bon pour qui veut en finir avec la vie… De l’« abside » sortent de drôle de chiffons de couleurs genre chambre d’ado daltonienne en pleine crise depuis la séparation du groupe Kyo, et, sur le mur d’entrée, 4 posters traitant d’oeuvres d’art issues du christianisme (Fra angelico), de l’islam, du bouddhisme et du judaïsme, une plante verte à l’entrée, vous avez le tableau…
Coloré mais triste, rempli mais d’un vide sidéral, sans sens, sans orientation géographique qui puisse rappeler l’attachement au moindre repère, comme pour insister sur le déboussolement d’une société qui revendique le droit d’errer. Une salle d’attente pour cultiver la version new age du spleen 2006 et attendre un train qui ne viendra jamais, et surtout pas celui des "trois grands rois qui partaient en voyage".

Gaspard, Melchior et Balthazar dont la diversité ethnique fut instrumentalisée sans vergogne par le recteur Urs Altermatt pour "symboliser le cheminement de cette communauté plurielle qu’est l’Université". La multitude des nations réunie au pied d’un seul Dieu, réduite, pour l’occasion, en un bouillon de culture en arrêt, perplexe, devant une foule de divinités éparses.
Dans son discours, M. le recteur s’est appuyé sur les orientations du concile Vatican II pour arguer d’un retrait du milieu catholique, ses associations, ses partis, à compter des années 60. Autrement dit, vu qu’il est avéré que le catholicisme est toussotant et crachotant depuis une quarantaine d’année, pourquoi ne pas lui permettre enfin de "partir dans la dignité", de s’adapter voire de se fondre dans la soupe tiédasse que propose ce "machin" interreligieux.

Dans son intervention, Mgr Bernard Genoud a tout de même tenté de rappeler qu’Epiphanie signifiait "manifestation du Seigneur à toutes les nations". Pour lui, la cause est entendue il s’agit d’une inauguration et en aucun cas d’une bénédiction. D’ailleurs, que les choses soient claires s’il y a bien eu, entre les dithyrambes à la gloire de la Babel néo-spiritualiste, les violons (Mozart et Mendelssohn) et les petits fours une lecture allégée d’un passage de Matthieu et un "happening" pour demander au Seigneur de "travailler sans relâche à l’affirmation des droits humains", on n’a pas vu l’ombre d’une croix, senti le zéphire d’un signe de croix ou même la fraîcheur de la moindre petite goutte d’eau bénite, laquelle eût pourtant, dans l’aridité ce désert spirituel, l’occasion de porter tout son fruit.

Dans l’interview qu’il a accordé au BAF, l’évêque du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg, reconnaît que la décoration est "fruste" et n’hésite  pas à comparer ce qu’on trouve dans les sous-sols universitaires d’un pays catholique à ce que l’on rencontre en général dans les… restoroutes. "L’ouverture ne doit jamais être un prétexte à l’oubli de l’histoire. On pourrait parfois, sous prétexte d’ouverture, oublier une certaine tradition ainsi qu’une certaine majorité qui a le droit de garder ses racines", continue le prélat.
A la question de savoir s’il s’agissait d’une inauguration ou d’une bénédiction, Mgr Genoud répond sans hésiter: "Non, non, ça a été clairement dit, on nous demandait de venir inaugurer un lieu de recueillement et non pas de bénir le bâtiment de Pérolles. C’était une inauguration d’un lieu de recueillement, strictement. Je crois que c’est assez clair dans la volonté qui nous a été signifiée par le rectorat et, je pense, par l’université entière".

Avis partagé par Guy Deillon, président de la société d’étudiants La Sarinia, présente en drapeau et grand uniforme, et qui a soutenu publiquement le manifeste du comité estudiantin pour la bénédiction de Pérolles II. L’étudiant estime que l’inauguration du lieu de recueillement n’a "pas du tout valeur de bénédiction des bâtiments" et en conclut simplement que la revendication de La Sarinia tient toujours. Hors micro, M. Deillon nous confiera sa conviction que le rectorat est en train de faire fausse route… La vérité sortirait-elle de la bouche des étudiants?

Exit donc le petit tour de passe-passe de l’université pour noyer le poisson et maquiller ses mélodies en sous-sol en cérémonie religieuse, prestidigitation reprise allègrement, il faut le dire, par Mme Isabelle Chassot, directrice de l’instruction publique, de la culture et du sport, lors d’un contact téléphonique avec le BAF avant Noël. Guère étonnant, alors, que ces adeptes du dénominateur commun le plus bas du consensus politique ne puissent saisir que ce qui les satisfait si largement laisse tant de monde sur sa faim; question de valeurs.

Question valeurs et compromission, la communauté musulmane, qui n’en manque pas, a manifesté le prix qu’elle accorde à l’interreligiosité en la personne d’un de ses plus notables représentants, parti comme un lavement à l’instant même où pasteur et évêque entamaient de concert un "instant de prière".
M. Mohamed Ali Batbout, président de l’association faîtière musulmane, qui a eu l’avantage d’apporter un peu de jeunesse à l’ensemble et le courage de rester jusqu’à la fin, a, bien entendu, salué le geste effectué par les autorités de l’université.
"Toute terre étant un lieu de prière", M. Batbout ne voit pas pourquoi les étudiants musulmans ne profiteraient pas de ce lieu de recueillement pour satisfaire aux exigences de leur religion, mais reconnaît qu’il y a encore "des choses qui doivent être travaillées prochainement", à savoir les modalités de réservation dudit lieu. Questionné sur la façon dont il concevait la jouissance de l’espace, M. Batbout a déclaré sans ambages que sa conception était celle d’un partage séparé "en tout cas au moment de faire la prière, c’est clair et net, on a pas les mêmes rituels et ce serait un peu absurde de dire à un catholique ou à un juif de venir prier avec nous. Nous on s’incline, il y a des rituels à suivre très clairs et très déterminés, je me vois mal imposer ça à un catholique ou bien le contraire. Donc, on se respecte mutuellement dans notre différence, elle existe cette différence-là, on vit avec, mais il vaut mieux trouver les solutions pour pouvoir vivre dans cette différence, tout en reconnaissant l’autre dans sa différence. C’est cela que j’aimerais bien, et non pas créer un lieu où l’on peut se fondre dans une communauté ou une autre, ça serait un peu mal perçu, je pense, si on doit s’effacer ou bien l’autre doit s’effacer vis-à-vis de moi pour me satisfaire ou pour que le satisfasse, ce n’est pas le but". C’est logique, lorsqu’on a la foi, qu’on croit en Dieu, on ne dilue pas le culte qu’on Lui doit par des considérations bassement humaines, car "moi Yahweh, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux", lit-on, par exemple, dans l’Exode (20:5).

Mais si Dieu semble bien vivant dans la bouche de M. Batbout, il est mort ou en vacances pour M. Altermatt et ses acolytes; délocalisé, en absence, poste non repourvu, une fée Carabosse qu’il convient d’oublier dans les ténèbres des contes et légendes. Une chose est sûre, si les rois Mages s’étaient pointés à Fribourg en 2006, ils n’auraient plus rien trouvé; en désespoir de cause, on les aurait fait patienter dans cette étrange salle d’attente… mais pour attendre quoi?

Extrait du Discours de M. Urs Altermatt recteur de l’université

Interview de Mgr Bernard Genoud évêque du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg

Interview de M. Guy Deillon, président de la société d’étudiant la Sarinia

Interview de M. Mohamed Ali Batbout, président de l’association faîtière musulmane

Si vous avez manqué le début:
art. Baf 23.12.2005
art. Baf 03.01.2006

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