Pérolles II: Mgr Genoud critique la non-bénédiction

L’évêque du diocèse s’associe aux étudiants catholiques qui demandent que les nouveaux bâtiments universitaires soient bénis. Il donne également son avis sur l’affaire des caricatures de Mahomet
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UPDATE: le serveur de la LIBERTE connaît quelques ratés, nous nous permettons de reproduire l’interview de Mgr Genoud ci-dessous.

Mgr Genoud critique la non-bénédiction

Pérolles 2 · L’évêque du diocèse s’associe aux étudiants catholiques qui demandent que les nouveaux bâtiments universitaires soient bénis. Il donne également son avis sur l’affaire des caricatures de Mahomet.

Patrice Favre et Pascal Fleury

La non-bénédiction de Pérolles2 ne passe décidément pas inaperçue. «Je ne comprends pas comment un recteur peut s’arroger le droit de faire des choix aussi essentiels sur l’identité de l’Université», dit Mgr Genoud, évêque du diocèse. «La Constitution fribourgeoise reconnaît clairement la place et le rôle des Eglises dans les écoles publiques. C’est une volonté du peuple fribourgeois. La bénédiction de l’Université n’aurait donc pas été déplacée, bien au contraire!»
 
Interrogé sur les caricatures du prophète (voir ci-dessous), Mgr Genoud élargit sa réflexion aux nouveaux bâtiments universitaires de Pérolles. Ils ont été inaugurés le 28 octobre, sans eau bénite. En décembre, un groupe de signataires où figuraient deux conseillers nationaux – la PDC Thérèse Meyer et l’UDC Jean-François Rime – regrettaient l’absence de tout geste religieux lors de cette manifestation.

 

«On appauvrit l’homme»
 
Samedi dernier, le pasteur Michel Lederrey relevait dans «La Liberté» qu’une bénédiction aurait introduit «un peu de dialectique humaniste» dans une approche purement économique de la réalité. «Le refus de bénir l’Uni appauvrit l’homme», disait l’ancien président du Conseil synodal de l’Eglise protestante fribourgeoise.
Aud début janvier, le rectorat avait tenté de calmer le jeu en procédant à une cérémonie oecuménique dans un «espace de recueillement interreligieux» qui a été prévu dans l’enceinte de l’Université. Mais les étudiants protestataires ont dénoncé le «néant spirituel» de l’endroit et la «déchristianisation injustifiable» de l’Université. A la fin janvier, le rectorat recevait les étudiants et leur signifiait son refus d’entrer en matière: l’Université étant une institution étatique, les rites confessionnels en sont bannis par la Constitution («La Liberté» du 31 janvier).
Mgr Genoud ne l’entend pas de cette oreille: «Sous prétexte de respecter une minorité, on en vient à manquer de respect pour la majorité. L’Etat m’a invité à bénir une autoroute, mais on refuse que je bénisse les étudiants d’une Université qui doit énormément aux catholiques de ce pays… Oser dire, comme le fait le rectorat, que la chapelle de l’Université est une «dérogation aux règles constitutionnelles» et qu’elle est juste «tolérée», il faut le faire! Faudra-t-il bientôt enlever les clochers de nos églises?»

 

Une croix, un croissant
 
Mais la neutralité des bâtiments scolaires n’est pas une invention du recteur Altermatt, elle s’appuie sur un arrêt du Tribunal fédéral qui justifie l’interdiction des crucifix en classe. «Je connais la position des juges fédéraux, dit Mgr Genoud, mais je ne la partage pas. L’école relève des compétences cantonales. Les cantons ont une certaine liberté par rapport aux règles fédérales. Au lieu d’interdire, il faudrait plutôt multiplier les symboles religieux dans les écoles. Pourquoi ne pas y mettre une croix, un croissant islamique, un chandelier juif à sept branches?»
Et pour celui qui ne croit pas? «Qu’on laisse un mur blanc! Il y a assez de murs dans une classe. Je ne vois pas pourquoi on couperait toute une classe de ses traditions religieuses, sous prétexte que l’un ou l’autre est incroyant. C’est encore une fois un non-respect de la majorité, une forme de lâcheté démocratique. Mais j’avoue que nous tous, chrétiens, avons sans doute manqué de courage dans cette affaire».
L’évêché va-t-il alors s’associer aux étudiants qui demandent la bénédiction des locaux? «Je n’exclus pas d’entrer en matière, en effet. Comme on peut s’interroger sur l’opportunité de trouver une autre répartition de la quête faite parmi les catholiques en faveur de l’Université. Il y a d’autres Facultés de théologie dans le pays.» I

 

«J’ai aussi été blessé par des caricatures»

Comment réagissez-vous à la colère des musulmans face aux caricatures de Mahomet?
 

Mgr Bernard Genoud: – Je désapprouve la violence de leurs réactions, mais je comprends qu’ils soient blessés. Ils ont une sensibilité extrême à l’image. C’est une autre mentalité, qu’il faut respecter.
 

Donc il ne fallait pas publier ces caricatures?
 

Je les trouve déplacées. La liberté d’expression n’inclut pas le droit d’insulter les autres. C’est une dérive qui provoque la montée des intégrismes, y compris chez nous. J’ai moi-même été plusieurs fois blessé par des caricatures sur la maladie de Jean-Paul II.
 

Vous voulez la censure?
 

Non, mais on a des comités d’éthique en médecine, ils devraient exister aussi dans les médias. Et ce n’est pas qu’une question de religion, mais de respect de l’homme. L’humour ne justifie pas la méchanceté, le dénigrement, le cynisme.

 

Peut-on encore caricaturer le pape?
 

Oui, mais avec un minimum de décence, tout comme nos hommes politiques sont en droit de l’attendre. Montrer une politicienne prise en sandwich entre deux hommes, comme cela a été fait, est une atteinte à la dignité de la personne. 
 
 

Donc, on peut montrer le pape mais pas le prophète?
 

L’islam a une sensibilité particulière sur ce point, respectons-la. Sinon, j’ai peur qu’on alimente le fameux «clash des civilisations». Et pourquoi cela? Pour empêcher l’adhésion de la Turquie à l’Europe? Je ne suis pas un politicien, mais je constate qu’on est en train de torpiller la candidature de ce pays, à qui on a fait des promesses et qui a fait des efforts.
 

A vous entendre, l’Occident doit respecter l’islam, mais l’islam n’a pas besoin d’évoluer?
 

Oui, bien sûr, mais on ne les aidera pas à s’ouvrir en les insultant. L’insulte ne fait que bloquer l’autre sur ses positions. Au contraire, se dire les choses avec amitié permet d’évoluer ensemble et de comprendre que la tolérance doit être réciproque.
 

Une fois de plus, on constate que «la religion engendre plus la passion que la raison», comme dit le Français Odon Vallet…
 

Je ne suis pas du tout d’accord! La foi a quelque chose de suprarationnel, mais elle défend l’homme dans ce qu’il a de plus précieux, donc sa raison. Dire que la religion suscite la violence, c’est faux.
 
Ce sont les religions manipulées par les systèmes politiques, par d’autres idéologies, qui basculent dans la violence. La violence n’est pas le propre de l’islam. Jean-Paul II, dans un célèbre message pour la paix, a bien dit qu’il est «blasphématoire» d’utiliser Dieu pour justifier la violence.
 

Cela dit, certains régimes musulmans prônent ouvertement la violence. Devons-nous simplement tendre l’autre joue?
 

Non, je crois au dialogue et à l’éducation, chez nous comme chez eux. La violence découle de la peur de l’autre, qui est souvent un effet de l’ignorance. Dans nos immeubles, quand on sait que les voisins sont d’une autre religion, on s’en méfie. Quand on les connaît mieux, ils deviennent des amis, et la peur s’efface. L’aide au développement dans ces pays devrait aller en priorité à l’éducation.
 
 Propos recueillis par
 PF et PFy

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