Droit « moral » à l’immigration ?

A quelques mois de votations qui vont définir notre droit concernant l’accueil de requérants d’asile et l’arrivée d’étranger sur notre territoire, il nous semble nécessaire de préciser certaines choses concernant le soit disant devoir moral des Suisses à accueillir toute la misère du monde. Nombre d’associations socialisantes et leurs valets de la droite gauchisante essaient de nous faire avaler que ces lois sont scélérates et violent notre tradition d’accueil. Même certaines autorités ecclésiastiques se lancent dans la défense de droits « moraux » qu’auraient ces nouveaux venus et cela au détriment même de nos propres lois.

Contester la misère profonde et la situation réellement scandaleuse dont souffrent nombre d’immigrés présents chez nous, n’est pas l’apanage de la gauche. La vérité oblige à dire ici que la promotion du bien commun appelle à donner une priorité absolue à l’intégration des immigrés déjà présents, ce qui obligerait chacun à se poser en conscience la question de ses bases politiques, économiques, sociales et culturelles. Il est utile de commencer par préciser à quel niveau se situent les obligations morales auxquelles on se réfère. On évoque le « droit de l’étranger », et plus encore le « devoir moral d’accueil » érigé en principe directeur de l’action publique dans le domaine de l’immigration. Dans son enseignement, l’Église catholique a toujours fait coexister les droits et obligations corrélatifs de parties prenantes, dans une combinaison très éloignée du manichéisme que la gauche et certains groupes religieux nous rabâchent à longueur de débats. De ces droits et obligations, le paragraphe 2241 du Catéchisme de l’Église catholique donne un résumé substantiel et clair :

"Les nations les mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. Les autorités politiques peuvent, en vue du bien commun dont elles ont la charge, subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges."

Ce paragraphe se trouve dans la deuxième section de la troisième partie, consacrée aux dix commandements. Il est précisément rattaché au quatrième commandement : "Honore ton père et ta mère", au sein du chapitre sur l’amour du prochain. Il fait partie de la série de prescriptions qui concernent les "devoirs du citoyen". Il est ainsi situé dans une perspective précise :

1) Le droit personnel de migrer, dérivé du droit d’aller et de venir, n’est pas absolu et ne confère certainement pas celui de s’installer n’importe où selon son bon plaisir et en violation des lois du pays où l’on se rend. Il est même clairement assorti d’une triple obligation (respect de la loi, respect du patrimoine et contribution aux charges du pays d’accueil) dont l’exécution est susceptible, a contrario, de conditionner l’exercice. A cet égard, n’est pas sans pertinence la distinction à faire entre l’émigré, qui part de son plein gré quelles que soient ses raisons, et l’exilé, auquel on peut assimiler le véritable réfugié politique, qui est chassé de son pays contre sa volonté ; le fait que les motivations du premier puissent être fortes ne change pas la différence de statut moral, conférant au second un droit plus grand à être accueilli là où il trouve refuge. Aussi ne devrait-on pas mêler les deux statuts dans un même débat; mais l’usage souvent abusif de celui de réfugié pour habiller une émigration "économique" n’a pas contribué à clarifier les choses.

 2) L’obligation d’accueil s’adresse d’abord à chacun d’entre nous, là où il habite et envers les étrangers qu’il côtoie, pour être pratiquée de façon concrète, avant que de constituer le principe directeur d’une politique publique. C’est le sens que revêtent les documents pastoraux émis par le magistère sur ce sujet. L’accent qu’ils comportent sur cette dimension s’explique tout simplement par le fait qu’ils s’adressent en priorité aux communautés ecclésiales des pays d’accueil. Mais faire bon accueil à l’étranger qui est là ne préjuge ni de son droit antérieur à s’installer, ni des conditions qui pourraient lui être imposées à juste titre. Les trois choses ne se situent pas sur le même plan.

3) Enfin, quant au rôle de l’État, lorsqu’il encadre l’immigration, s’il ne doit pas attenter aux droits fondamentaux de la personne humaine ni soumettre le candidat à des tracas humiliants ou indûment discriminatoires, il a également le devoir de veiller à ce que ce même candidat ait une chance raisonnable de s’intégrer dans la communauté nationale par son travail et par sa capacité à participer à la vie commune, et ceci, tant du point de vue de l’intéressé que de celui de la société dont il doit apprécier la capacité à s’ouvrir dans de bonnes conditions. De plus, il n’a pas moins l’obligation de prévenir par des dispositifs préventifs adéquats, puis de réprimer si nécessaire, les abus ou les trafics auxquels les mouvements migratoires peuvent donner lieu. À ce dernier titre, il ne lui est donc pas interdit de limiter l’usage de certains droits afin de s’assurer qu’ils ne seront pas détournés de leur finalité propre et ne s’exerceront pas au détriment de la communauté tout entière, et par conséquent des immigrés eux-mêmes.

Ceux qui s’élèvent au nom de la charité que l’on doit au plus démuni devraient commencer par venir en aide à nombre de nos compatriotes qui eux en ont également besoin. Comme l’a très bien dit un évêque français : « La Charité c’est comme un feu, il commence par transmettre sa chaleur aux personnes qui lui sont proche ! ». Alors, je réponds simplement aux apôtres du politiquement correct et de la culpabilisation d’arrêter dans leur élan soudain de charité mal ordonnée, d’accabler les Suisses, qui eux sont contraints de respecter la loi. En reprenant des éléments du catéchisme de l’Eglise catholique l’on peut constater que la pseudo charité et le « devoir moral » que prônent la gauche et certains représentants de la droite molle ainsi que les éléments les plus gauchisants des églises chrétiennes de Suisse, n’est pas tout à fait conforme au principe de Charité. Ceux qui n’ont à la bouche que le mot « démagogie » lorsque une idée leur déplaît, feraient bien de balayer devant leur porte, d’éviter la dérive sentimentale, et rester dans le domaine du raisonnable. A bon entendeur.

Alexandre Cipolla

L’avis du Cardinal Biffi sur la question

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