EXCLUSIF: La Chine va-t-elle augmenter ses effectifs au Liban ?

On sait que ce pays, qui reste une dictature communiste, avait joué la carte du Hamas en 2005. On sait aussi qu’il joue la carte de l’Iran dans la fabrication de son arsenal nucléaire, comme il l’avait fait pour le Pakistan. On devrait donc s’intéresser de plus près à sa présence militaire dans la région libanaise. Les photos de l’armée rouge en uniforme, présente au Moyen-Orient sont rares.

En voici une de ces casques bleus où l’on distingue bien le drapeau rouge aux étoiles jaunes sur leur bras gauche. Au cœur de la présence chinoise au Moyen Orient, le rôle d’un acteur incontournable mérite d’être rappelé. Il s’agit de Gong Xiaosheng, officiellement "chef du bureau de représentation de la Chine en Palestine" (si si, comme si le pays existait déjà). En poste à Ramallah depuis 2002, il dispose aussi d’un bureau à Gaza, "Beirut street", ça ne s’invente pas. Il peut être joint au 00972-7-2825068 ou par email:  chinaemb_ps@mfa.gov.cn pour ceux que ça intéresse.

On le voit à droite sur la photo, tout sourire avec Hanna Nasser en janvier 2005 et Yao Kuangyi. Il devait se faire remettre peu après la médaille palestinienne "Star of Jerusalem", tout un programme.

Selon des sources françaises non démenties, il a été formé par le China Institute of Contemporary International relations (CICIR) dont la section Moyen-Orient est notamment animée par un certain Jin Ruikun, spécialiste de la région, et Chen Shuanqing, expert des relations israélo-palestiniennes. En tant que diplomate il dépend du ministère des affaires étrangères mais en tant « qu’agent stratégique », il dépendrait du Guojia Anquanbu, la sécurité de l’Etat chinois.

C’est lui qui a organisé l’invitation faite au ministre palestinien des affaires étrangères, le Frère Musulman Mahmud al-Zahar, de se rendre fin mai 2006 à Pékin, à l’occasion du 2e China-Arab Cooperation Forum, l’Eurabia chinoise.

A cette occasion le gouvernement chinois a déclaré: "China thanks the Arab states for supporting China in Taiwan and human rights issues and will as always support the just cause of the Arab states and people" (La Chine remercie les Etats arabes pour leur soutien dans les affaires de Taïwan et droits de l’homme et soutiendra toujours la juste cause des Etats et des peuples arabes). Donnant donnant. Par ailleurs, sans doute à l’instigation de Gong Xiaosheng, la presse chinoise a donné beaucoup d’importance à la récente décision du Front populaire de libération de la Palestine (le vieux FPLP marxiste léniniste créé en 1967 par Georges Habache) de rejoindre le gouvernement du Hamas. Or on sait que l’axe de rapprochement entre les chiites d’obédience iranienne du Hizb-Ullah et les sunnites d’obédience égyptienne du Hamas (service action des Frères musulmans) est stratégique. Les Chinois démontrent qu’ils le soutiennent politiquement. Est-ce tout ?

Le 18 avril 2005 un contingent chinois remplace le contingent ukrainien de la Finul de 600 hommes. Certains comptent seulement 187 militaires chinois à ce jour dont 80 ingénieurs. En pleine guerre contre Israël, ce sont les chinois qui réparent au plus vite les routes et les ponts que l’aviation israélienne a détruits afin d’empêcher le réapprovisionnement en armes via la Syrie : « hier, [24 juillet] un contingent d’ingénieurs chinois de la FINUL a réparé une route principale entre Tyr et Naqoura, qui est désormais ouverte à la circulation ». Très diligents les chinois, alors que le jour même, un rapport de la finul fait état d’un attaque directe d’un convoi de la FINUL par le Hizb-Ullah à l’arme automatique, entre Kunin et Bint Jubayl, genre d’information non reprise par les agences de presse.

Manque de chance, Israël lâche une bombe le 25 juillet sur le casque bleu d’un « observateur » chinois de l’armée rouge à Khyam. On ne nous dit pas si son « observation » ressemblait à celle des diplomates de Belgrade bombardés par l’OTAN en 1999 et qui fournissaient de l’info satellite militaire, ni si son poste était équipé façon chalutier russe mais on imagine. Pour ceux qui ne le savaient pas, le militaire chinois tué lors du raid israélien s’appelait Du Zhaoyu. Trois autres furent blessés le 6 août près dans la région de Tyr, plus précisément à 10 km au sud, dans le village de Henniyé, au cœur du Hizb-Ullahland, où le contingent chinois a installé son quartier général, fort de 150 hommes. Pas de chance, ce fut à cause du tir raté d’un obus de mortier du Hizb-Ullah. Un tir ami?

Aujourd’hui, les chinois déminent les UXO (unexploded ordnance) autour d’Al Qantarah nous dit une dépêche officielle de la Finul du 18 août. La veille, selon les mêmes sources officielles, ce sont les médecins du contingent chinois qui soignaient les blessés de Hennyé, le bastion du Hizb précité. Fort bien. Lorsqu’on sait que la Chine refile son armement israélien dernier cri au Hizb-Ullah (drones notamment), on peut se demander comment elle arrive à faire comprendre à son bataillon local qu’il est casqué bleu-neutre. Peut-être que Madame Calmy-Rey a su leur expliquer?

Louis Bordenave