La prière et la malédiction comme sujet de thèse de droit?

La Justice allemande a pris récemment une décision de non-entrée en matière très intéressante mais pour ainsi dire totalement ignorée par la presse. Résumé: en mars dernier, le procureur d’Oldenburg déposa plainte contre l’exploitant d’un site islamiste allemand pour incitation publique au meurtre sur la personne d’un solide adversaire de l’Islam, Hans-Peter Raddatz (lire notamment l’interview qu’il accorda en avril dernier à la Weltwoche). Le Landgericht d’Oldenburg estima que l’incitation à commettre un acte criminel n’était pas suffisamment fondée. Voici le texte incriminé:

Lassen Sie uns doch gemeinsam folgendes Gebet beten: Wenn der Islam so ist, wie Raddatz es immer wieder vorstellt, dann möge der allmächtige Schöpfer alle Anhänger jener Religion vernichten ! Und wenn Herr Raddatz ein Hassprediger und Lügner ist, dann möge der allmächtige Schöpfer ihn für seine Verbrechen bestrafen und diejenigen, die trotz mehrfacher Hinweise auf die verbreiteten Unwahrheiten von Raddatz immer noch darauf bestehen, auch.

Et voici sa traduction française (la mienne):

Prononçons donc la prière commune suivante: si l’Islam est bien tel que Raddatz le présente systématiquement, alors que le créateur tout-puissant détruise tous les adeptes de cette religion! Et si M. Raddatz est un prêcheur de haine et un menteur, alors que le créateur tout-puissant le punisse pour ses méfaits, lui ainsi que ceux qui, en dépit de mises au point répétées, continuent de soutenir ses contrevérités.

Objectivement, le Landgericht a raison. Ce texte ne semble demander à personne de lever directement la main sur M. Raddatz. Mais pour quelqu’un qui a quelque connaissance du Coran, il est évident que cette «prière» va inciter les fanatiques à tuer M. Raddatz, ses éditeurs et ses lecteurs. En effet, cette prière reprend une «tactique rhétorique» usuelle dans le Coran qui consiste à confier au châtiment de Dieu (c’est-à-dire à maudire) ceux dont on souhaite se débarrasser. Puis, ailleurs dans le texte, le Coran recommande aux vrais croyants de tuer ces gens-là, ou de les assujettir. Les vrais croyants, ici, sont ceux qui veulent croire que Raddatz est un prêcheur de haine et un menteur, soit, en l’occurrence, un ennemi de l’Islam.

Le lien est certes délicat à établir, et sans doute juridiquement impossible, à l’heure actuelle, pour un tribunal occidental, mais il est évident à tous ceux qui entendent résonner dans leur esprit les chaînes d’injonctions coraniques, avec la tonalité si singulière de leur logique propre. Une fois ce lien établi, compris, il devient clair que l’auteur de la prière en question devait s’attendre à ce que M. Raddatz fasse l’objet d’attentats de la part de certains croyants. Et il savait que M. Raddatz le comprendrait parfaitement aussi. Il s’agissait donc bien à la fois d’une menace de meurtre, d’une incitation au meurtre et d’un geste d’intimidation. Cette prière, de facto, menace M. Raddatz.

Cet avis est d’ailleurs aussi celui d’une islamologue, le prof. Ursula Spuler-Stegmann, citée par PI:

Cet appel contre M. Raddatz constitue de toute évidence une menace de meurtre, emballée sous la forme d’une prière, enfin d’une soi-disant prière, derrière laquelle se cache une malédiction.

Mais pour que de telles subtilités puissent être jugées correctement par des tribunaux occidentaux, il faut permettre aux cours de comprendre le mécanisme de la foi islamique et d’en tenir compte. Il faut pour cela réunir des preuves objectives du fonctionnement de ce mécanisme. Or cela n’est possible que par l’examen des liens entre les textes sacrés et les lois de l’Islam. Il faut démontrer que tous les juristes qui se sont penchés avec une réelle érudition, une réelle attention, sur les textes sacrés islamiques, en ont déduit que certains péchés méritaient certaine peine.

Ce travail de mise à jour est indispensable. Et il peut certainement aussi être passionnant pour des juristes: il mêle en effet deux aspects fondamentaux de l’origine des lois – l’ordre divin et la codification logique. Et l’actuel retour en force de la charia dans de nombreux pays du monde lui donne une actualité brûlante.

ajm (sur precaution.ch)

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