Nouveau concept anti-terroriste:
une «nationalité islamique radicale »

Les improvisations sécuritaires des Etats-Unis
cinq ans après le 11 septembre
par Daniel Pipes
New York Sun, 5 septembre 2006

En rétrospective, les cinq années écoulées depuis le 11 septembre ont constitué une sorte d’atelier de travail permanent au sein duquel les Américains ont débattu de la nature de leur ennemi et des moyens de le vaincre.

Au cours de ce processus, ils ont commis beaucoup d’erreurs, de celle de l’ex-secrétaire d’État Colin Powell affirmant que les attentats du 11 septembre «ne doivent pas être vus comme les actes d’Arabes ou de Musulmans» à l’interdiction faite à un Arabe d’embarquer dans un avion parce qu’il portait un t-shirt orné d’inscriptions en arabe. Mais je suis impressionné par la manière avec laquelle les Américains ont su améliorer constamment, quoique lentement, leur compréhension de l’ennemi, comme le révèle d’innombrables éléments, de la rhétorique présidentielle à la sécurité aérienne. Une grande partie de cette évolution a été improvisée – en utilisant des instruments existants de manière innovante, en préservant les anciennes lois mais en adaptant leur application à de nouvelles circonstances.

Voici un exemple: Hamid Hayat, un employé agricole de 23 ans domicilié à Lodi, en Californie, a été reconnu coupable en avril 2006 d’avoir fourni un soutien matériel à des terroristes en participant à un camp d’entraînement paramilitaire au Pakistan en 2003-2004. Lors d’un interrogatoire de police, lorsqu’on lui demanda qui d’autre avait participé aux entraînements de terrorisme, Hayat désigna son cousin américain de 18 ans, Jaber Ismail, affirmant qu’«il y est allé, il y a peut-être deux ans». Jaber se trouvait-il dans le même camp que lui? «Je n’en suis pas sûr, mais je dirais qu’il a participé à un camp.» Par la suite, Hayat modifia sa version, déclarant qu’Ismail et un autre parent «ne m’ont jamais dit avoir été dans des camps ou quoi que ce soit. Mais, vous voyez, je suis sûr qu’ils l’ont fait (…) parce qu’ils ont mémorisé le Saint Coran.»

En fait, Jaber Ismail a passé quatre ans au Pakistan avec son père Muhammad, un Pakistanais de 45 ans naturalisé américain, sa mère et ses deux frères et sœurs. Comme il fallait s’y attendre, Jaber décrit son séjour au Pakistan comme étant parfaitement innocent: «J’ai appris le Coran par cœur parce que ma mère y tenait beaucoup.� Jaber et Muhammad étaient si proches de Hayat qu’ils le mentionnèrent comme contact en cas d’urgence dans leur passeport.

En revenant à Lodi depuis le Pakistan, le 21 avril 2006, la famille Ismail dut changer d’avion à Hong Kong. Trois membres de la famille purent poursuivre leur voyage, mais Jaber Ismail et son père furent stoppés et durent retourner au Pakistan. Lors d’une nouvelle tentative deux semaines plus tard, ils apprirent que, sans pour autant faire l’objet d’aucune inculpation, leurs noms figuraient sur la liste de terroristes présumés du gouvernement américain et qu’ils ne pourraient revenir aux États-Unis qu’après avoir obtenu une «autorisation» de l’ambassade américaine au Pakistan. Cela impliquait de subir un interrogatoire par le FBI et un test au détecteur de mensonges, ce qu’ils refusèrent.

Le 9 août, l’American Civil Liberties Union (ACLU) porta plainte contre le Département américain de la sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS) affirmant que les Ismail avaient été privés de leurs droits civils. L’avocate de l’ACLU, Julia Harumi Mass, déclare qu’«ils veulent rentrer chez eux et ils ont le droit absolu de le faire. Ils ne peuvent pas être obligés de renoncer à leurs droits constitutionnels sous la menace d’un bannissement.» Michael Barr, le directeur du programme de sûreté et de sécurité aérienne à l’université de Californie du Sud, qualifie de «vraiment sans précédent» que des citoyens américains soient rendus apatrides de cette façon. Usama Ismail, 20 ans, se plaint de ce que son frère et son père sont traités «comme des étrangers, quoi».

L’exclusion des Ismail est-elle légale?

Pour obtenir un avis autorisé sur la base légale des agents fédéraux, je me suis tourné vers William West, ex-chef de la division de Sécurité nationale des services d’immigration (Bureau of Immigration and Customs Enforcement) de Miami, en Floride. «C’est une décision rare, mais elle reste dans le cadre légal», m’expliqua-t-il.

«L’article 1185 de la loi sur l’immigration et la nationalité, USC Titre 8, permet le ‹contrôle des voyageurs› à l’arrivée et au départ des citoyens. Les citoyens américains n’utilisent leur passeport que dans le cadre des règles, des dispositions de régulation et des proscriptions telles qu’elles sont édictées et arrêtées par le président. Les restrictions aux déplacements des citoyens américains sont des moyens rarement utilisés (et généralement pour empêcher la fuite de criminels ou de suspects menaçant la sécurité nationale). Mais la loi permet aussi de contrôler l’entrée dans le pays.»

West s’attend à ce que les Ismail «finissent par être autorisés à revenir dans le pays. Mais pour le court terme, le DHS dispose d’une base légale suffisante pour les exclure.»

Le DHS ne se contente donc pas de surveiller des islamistes potentiellement dangereux – ses actions indiquent même une percée conceptuelle d’envergure, suggérant que le gouvernement américain considère la «nationalité» islamique radicale comme étant incompatible avec la citoyenneté américaine. Ainsi, par l’improvisation, les Américains font des progrès constants dans leur guerre contre le terrorisme.

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