Affaire Redeker : «La paranoïa est entretenue »

par Caroline Fourest .«Rester un esprit libre, c’est de plus en plus prendre le risque de recevoir des coups de tous les côtés. Je ne parle même pas du monde arabo-musulman, où nombre de régimes, à commencer par la Syrie et l’Iran, entretiennent délibérément la paranoïa de leur population afin de capitaliser à leur profit la mobilisation face à tout ce qui peut être ressenti comme une attaque de l’islam.

Même en Occident, l’espace de la critique se réduit et le climat devient lourd. Nous sommes passés d’une affaire Rushdie tous les dix ans à une affaire Rushdie tous les ans, voire maintenant quasiment tous les mois. A l’époque, quand l’ayatollah Khomeiny lança sa fatwa contre l’écrivain, la gauche était soudée pour défendre la liberté d’expression et le droit d’offenser les religions. Aujourd’hui, elle est divisée de peur d’apparaître islamophobe ou raciste.

Concrètement, cela veut dire aujourd’hui que, si vous êtes un intellectuel de culture ou de confession musulmane, toute critique envers le religieux vous vaudra l’accusation d’être un traître. Si vous n’êtes pas musulman, on vous soupçonnera ou on vous accusera de racisme, quand bien même vous travaillez sur tous les intégrismes. D’où une autocensure croissante.

A Charlie Hebdo, nous sommes en procès avec trois associations qui ont porté plainte contre nous pour avoir publié les caricatures de Mahomet. Si nous sommes finalement condamnés, je ne vois pas quel journal prendra après un risque similaire. Chez certains, il y a aussi la peur. Les embrasements de l’opinion arabo-musulmane sur ces thèmes ne sont jamais spontanés, comme on l’a vu lors de l’affaire des caricatures où la campagne a été menée pendant des mois par des groupes très structurés.

A l’époque de l’affaire Rushdie, il fallait qu’un dignitaire religieux de renom comme l’ayatollah Khomeiny entre en lice pour être entendu au niveau mondial. Maintenant, avec l’Internet, n’importe quel dingue peut émettre une condamnation qui sera reprise à son compte n’importe où ailleurs sur la Toile par un autre dingue. Dans de telles affaires, le blasphémateur ou celui qui a émis une parole provocante n’est jamais quelqu’un qui émet une parole avec laquelle on est entièrement d’accord, ni nécessairement quelqu’un de sympathique. Mais il faut les soutenir et tenir, car autrement l’autocensure ne fera que se renforcer encore.» (Libération)

1 réponse à Affaire Redeker : «La paranoïa est entretenue »

  1. Quand on connaît la dame, c’est intéressant de voir qu’elle est au moins un peu cohérente.

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