Le conseil genevois des droits des terroristes

L’ancienne Commission des droits de l’homme des Nations Unies a été remplacée par un Conseil des droits des terroristes. De facto. Comme le montrent à loisir les discussions de sa session extraordinaire d’hier sur l’accident de Beit Hanoun.

Dans cette assemblée, ce qui n’est de toute évidence qu’un accident (si Israël tenait à bombarder des civils palestiniens, il en mourrait des milliers tous les jours, toutes les heures), est efficacement présenté et traité comme des «violations flagrantes des droits de l’homme résultant des incursions militaires israéliennes dans le territoire palestinien occupé», comme le reprend le résumé officiel à l’attention des médias.

L’effet est inhérent à la nature même de l’organe, au sein duquel des instances qui se moquent royalement des droits de l’homme — par exemple tous les États qui priorisent la charia — sont autorisés à intervenir au titre de défenseurs de ces mêmes droits. C’est la porte ouverte à la mauvaise foi et à l’opportunisme politique, et les adversaires de la démocratie (le modèle authentique, qui inclut notamment les droits et les libertés individuels) ne manquent pas de s’y précipiter.

Ainsi, le Conseil suit tout naturellement une pente dictée par le déséquilibre entre des ennemis jurés d’Israël qui n’hésitent pas à parler de

«massacre(s)» (terme très prisé, souvent répété plusieurs fois dans la même intervention), «crime(s) de guerre» (souvent avec adjectif), «atrocités», «violations systématiques» (le plus fréquent, ad nauseam, avec tous les autres qualificatifs possibles), «tueries», «punitions collectives», «meurtres», «attaque(s)», «agression(s)», assaut(s)», «bombardement(s)» (parfois «abominables»), «crimes contre l’humanité», «génocide, délibérément planifié et mené à bien en tant que politique d’État» (de la part de Cuba, où on use aussi beaucoup du terme «atrocités»), «terreur», «horreurs», «destruction des vies de personnes innocentes», «utilisation disproportionnée de la force», «terrorisme d’État», «cycle d’agressions (…) qui s’est soldé par le décès de centaines de civils», «attaques terroristes», «recours disproportionné et aveugle à la force» et j’en passe,

et des gens raisonnables, en nombre fort restreint, qui tentent de faire valoir, mais avec discrétion et retenue, comme pour ne pas envenimer l’atmosphère créée par les invectives, qu’Israël n’est pas l’agresseur, mais l’agressé, et que ses dérapages doivent être mis en rapport avec une volonté délibérée de nuire, au risque, sciemment accepté par les Palestiniens, de pertes parmi la population civile, la leur comme celle d’Israël.

On laisse s’exprimer longuement des gens qui proposent un accident, qu’Israël a immédiatement reconnu comme tel et dont il a activement participé à limiter les conséquences (intervention sur place, soins médicaux), comme la preuve d’intentions génocidaires. On permet à des gens dont la mauvaise foi est si éclatante que personne, sur place, ne leur prête la moindre crédibilité, de peser massivement sur les décisions d’un organe qu’une presse châtrée veut croire arbitral. Et c’est ainsi que des textes aussi grotesques peuvent être donnés en pâture aux médias:

Par la résolution intitulée Violations des droits de l’homme résultant des incursions militaires israéliennes dans le territoire palestinien occupé, notamment l’attaque récente dans le nord de Gaza et l’attaque contre Beit Hanoun, adoptée par 32 voix pour, huit contre et six abstentions, le Conseil exprime son horreur devant le fait qu’Israël ait tué des civils palestiniens à Beit Hanoun alors qu’ils dormaient et d’autres civils qui fuyaient des bombardements israéliens antérieurs. Le Conseil condamne le meurtre israélien de civils palestiniens, parmi lesquels des femmes et des enfants ainsi que des médecins à Beit Hanoun et dans d’autres villes et villages palestiniens; il demande que les responsables soient poursuivis en justice. Le Conseil dénonce la destruction massive par Israël de maisons, de propriétés et d’infrastructures palestiniennes à Beit Hanoun. Le Conseil se dit alarmé par les violations massives et systématiques des droits de l’homme du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé par la Puissance occupante, Israël, et demande une action internationale urgente pour qu’il soit immédiatement mis un terme à ces violations.

Qu’un débat de ce niveau se déroule au café du coin, c’est dommage, sans plus. Mais qu’une telle gabegie intellectuelle soit considérée comme la source d’une opinion publique informée est tout simplement navrant.

Ou, pour reprendre les termes plus civilisés de Hillel Neuer, directeur de UN Watch, hier dans ce même chaudron, en observant que le Conseil des droits de l’homme a tenu davantage de sessions spéciales consacrées à dénoncer Israël que de sessions ordinaires consacrées au reste du monde,

(…) si les sessions spéciales dénonçant Israël sont plus fréquentes que les sessions normales (…), peut-être vaudrait-il mieux inverser ces définitions, et faire des sessions spéciales dénonçant Israël les sessions ordinaires du Conseil?

Mais, en examinant les activités de la seule session ordinaire du Conseil, tenue en juin dernier, il apparaît que la solution n’est pas aussi simple. En effet, premièrement, cette session ordinaire n’a adopté qu’une seule résolution contre un pays spécifique, Israël, entre les 192 membres des NU. Deuxièmement, cette session ordinaire fit également de la dénonciation d’Israël un objet permanent de l’ordre du jour de toutes ses sessions futures. (…) Troisièmement, dans sa résolution renouvelant les mandats d’experts, cette session ordinaire fit insérer une note concernant le rapporteur spécial sur la Palestine — qui admit ouvertement que ses instructions consistent à ne dénoncer qu’Israël — précisant que son mandat serait le seul à ne pas être expressément limité dans le temps.

De sorte que (…), après mûre réflexion, il semble que la seule session ordinaire consacrée à tous les autres thèmes de la planète n’ait en fait guère consisté qu’en une session spéciale dédiée à la dénonciation d’Israël.

Et cette situation persistera aussi longtemps que trop de pays démocratiques représentés dans cette salle continueront de faire preuve de faiblesse, de manque de fermeté, face à une zizanie organisée qui se révèle à la fois soudée et énergique; et aussi longtemps que certains s’entêteront à affirmer que la subversion actuelle du présent Conseil doit être célébrée comme la preuve de «sa capacité d’intervenir promptement en cas d’urgence» [citation tirée de l’intervention suisse]. (…)

Les pays soucieux de sauver le présent Conseil voteront «Non». Une quelconque autre position équivaudrait à accepter la destruction de ce nouvel organe.

Ni la Suisse, ni la France (c’était à prévoir) n’ont voté non. Et notre pauvre pays a même trouvé nécessaire de présenter des excuses pour n’avoir pas pu accepter cette lamentable résolution:

La délégation suisse n’a pas jugé possible de se rallier au texte qui nous a été soumis, qu’elle estime déséquilibré, en dépit des améliorations de dernière heure. Elle regrette que le Conseil des droits de l’homme, dont une des tâches est de dénoncer les violations des droits humains où qu’elles se produisent et qu’elles qu’en soient les circonstances, ait dénoncé les récentes attaques israéliennes dans le territoire occupé palestinien, sans dénoncer simultanément les tirs de roquettes provenant de la bande de Gaza contre la population civile israélienne. Pour cette raison, la Suisse s’est abstenue.

Oui, de facto, le Conseil des droits de l’homme est bel et bien devenu le Conseil des droits des terroristes. Avec la bénédiction claudicante de la Suisse.

ajm

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