En finir avec la morale d’Etat

J’écoutais hier l’émission de Moati avec Le Pen et quelques autres, j’ai trouvé le menhir un peu fatigué et moins vindicatif que dans le temps, mais j’ai surtout été frappé par la médiocrité argumentative du peloton d’exécution de circonstance, en rang d’oignon l’un derrière son Messie d’ 1m40, fait du même bois que tous les autres mais qui devrait tout changer radicalement, promis juré, l’autre, ridicule, brandissant son Bayrou comme une icône révolutionnaire et Christine Taubira unissant le rouge et le noir (les couleurs de l’anarchisme donc) avec tant de maladresse qu’on ne pouvait s’empêcher de penser que le mélange des deux mène inévitablement au brun; faciloe, j’en conviens.

J’étais frappé dis-je, de voir à quel point le seul argument que l’on a contre Le Pen, c’est Le Pen lui-même ou du moins la légende quasi soviétique de croquemitaine ennemi du peuple à laquelle on s’est accrochée comme désespérément pour ne pas avoir à répondre, à penser, à certains de ses arguments. L’art de la formule est souvent enfant de la paresse.

Je ne suis pas Le Pen, loin de là, je ne suis même pas dans sa veine politique, mais je n’ai rencontré que cela tout du long de ma courte vie, des cerveaux prémoulés gavés d’idées précuites, des adeptes d’une religion exclusive qui criaient au sacrilège à chaque fois que j’avais le malheur d’oser un doute.

Le fait est sans aucun doute que nous devons la situation actuelle à cette « drôle » de révolution que fut Mai 68, mauvais remake de celle de 1789, et qui, comme son aïeule, détruisait tout sans proposer rien d’autre en fin de compte qu’une prise du pouvoir sans partage. Comme elle, 68 s’est attaquée de toute ses forces contre « la » religion, se hâtant au plus vite de sacrifier à la déesse Raison les cultes les plus dévots dans le but d’ajouter à l’emprise politique une emprise psychologique. C’est la naissance de la pensée de gauche, ou gauchisme, sorte de réflexologie pavlovienne qui affuble du titre de ‘raison’ un subjectivisme imposé par un ordre établi au détriment d’un raisonnement acquis par un esprit libre et libéré de toute entrave philosophique. Si les faits sont contre nous, disait Lénine, les faits ont tort.

Cette pensée a mené à la décadence du raisonnement, feue la verticalité se voyait remplacée par une horizontalité bancale, l’homme fait Dieu, ayant à peine appris à faire du feu, éclairait le monde de ses lumières vacillantes, la vérité cessait d’avoir besoin d’un fondement, ainsi assista-t-on à l’apparition « des » vérités, de l’oecuménisme, à savoir le syndicalisme des vérités comme vérité ultime, et le conglomérat des humanités et des nations, transcendées par leur union, comme nouvelle divinité. La référence ultime, l’esprit, ayant été culbutée, toutes les notions abstraites tombèrent en décadence: Le nouveau pris la place du beau et le phénomène ne fut jamais aussi visible que dans la chute de l’art, où ce qu’il est convenu d’appeler de la m… fut élevé au rang d’or le plus pur par les orfèvres de cette pensée mondaine qui allait devenir unique.

Des pensées libertaires joviales, exprimées en des slogans aussi originaux qu’amusants (il est interdit d’interdire) voire pataphysiques allaient bientôt devenir les dogmes incontournables du plus grand système répressif de la pensée que le monde allait connaître. N’ayant d’autre racine révélée que le contre-pied systématique de la pensée chrétienne réaliste, la pensée gauchiste, ses formules, ses convictions feintes, se dressait tel un serpent furieux avec toute la raideur d’un système imposé par la force, ou par l’inertie d’une société hypnotisée par la bête et anesthésiée par son venin. Tout ceci pour en venir au fait que la pensée gauchiste revêt tous les atours de la religion totalitaire – d’où, d’ailleurs, sa si bonne entente avec l’islam ces derniers temps – que ces petits ministres du culte socialiste, qui pullulent sur la surface de la terre, sont autant de bigots enivrés de libations fiscales et des mantras de la propagande officielle, slogans plus convaincants par la rime que par le raisonnement.

Contre-pied de la pensée chrétienne, la pensée gauchiste s’est fait anté-Eglise, ne pouvant atteindre l’infini que par la négation de la nature humaine, son origine, sa finalité, ses besoins.

Il faut se pencher un instant sur l’évolution de la pensée socialiste. Un socialiste, contrairement à un conservateur, ne pense pas les mêmes choses d’une décennie à l’autre, il n’est pas convaincu de la nécessité d’un certain nombre de règles élémentaires, intangibles, nécessaires au bien commun. Un gauchiste des années 50-60 serait certainement moins engagé dans le libéralisme actuel de sa famille politique et reculerait d’horreur devant certaines ‘avancées’ telles que l’adoption de petits enfants par des « couples » homosexuels. Le principe gauchiste n’est pas attaché à des règles mais à la négation de celles-ci, ou, principe révolutionnaire par excellence, à la contestation de celles-ci. La gauche a besoin de quelque chose à brûler pour continuer d’avancer et de dévorer pour continuer à se nourrir, c’est pourquoi, même au pouvoir, les systèmes gauchistes ont constamment dû trouver à contester pour alimenter un sentiment d’injustice que réparerait la Révolution. Ainsi, ne construisant rien, le socialo-gauchisme a dû toujours trouver plus à détruire, ce qui fait du gauchiste, quelle que soit son époque, un homme constamment sur la brèche pour arracher un pan du rempart lentement élevé par la nature humaine et sa sagesse millénaire.

La conséquence finale de ce système, on le conçoit aisément, c’est la destruction (lutte) finale, la mort. Pour maquiller l’évidence de cette conséquence, la pensée socialiste s’est érigée en religion, en culte (il n’y a qu’à voir à quel point les curés sont, encore aujourd’hui, considérés comme des concurrents), avec ses lévites, ses zélotes, ses litanies jaculatoires, le sacro-saint slogan, ses imprécations, ses indignations, ses dogmes et surtout, ses anathèmes fulminés. Sa hargne rageuse, l’absence de la patine élégante d’un ou deux millénaires passés au service des peuples et surtout celle, plus cruelle, d’un Messie pour donner sa vie et d’un saint Thomas pour lier le tout, a rangé les adeptes de cette nouvelle coterie au rang de milice bigote flanquée d’ordres divers, des béguines féministes aux frères prêcheurs de l’inversion, missionnaires d’un ordre final où l’homme, réduit à l’état de bête et jonché sur des monceaux de ruines connaîtrait enfin le bonheur.

89 fut d’abord une révolution de nobles et de hauts bourgeois, 68 fut une jacquerie de gosses de riches, le peuple, le vrai, ayant toujours été instrumentalisé et, finalement, toujours écarté du pouvoir. La classe émergente, fût-elle de droite, fût-elle conservatrice, est absolument incapable de nous sortir de là pour la simple et bonne raison qu’ils sont atteints par le phénomène et acceptent, par conséquent la tutelle de la gauche sur la pensée en politique. Une aubaine pour nous autres anarchistes chrétiens, éduqués dans le bain gauchiste mais récupérés in extremis par la pensée chrétienne, une occasion unique se dessine devant nous de laisser libre cours à l’instinct destructeur et révolutionnaire qui nous a été inoculé pendant le cursus scolaire publique et obligatoire, de détruire un ordre social et de tomber un ordre religieux dans le but parfaitement moral et satisfaisant de reconstruire une société et de remonter l’Église.

Je me sens personnellement contaminé par le gauchisme, le christianisme fournit certes quantité d’antidotes mais l’esprit garde une marque originelle qui survit à toute purification ultérieure. Ainsi je remercie Dieu d’être né à une époque étonnante où le rebelle, l’anarchiste et le vrai « révolutionnaire », celui qui choque, transgresse et fâche les bourgeois de la nouvelle moralité c’est le chrétien conservateur.

La tâche est aisée, la gauche a basé la vérité de sa foi sur un système de vaste extension de l’ignorance, d’où  la rapidité et l’énergie avec laquelle elle s’est emparée de l’enseignement et surtout de l’enseignement des « humanités », ces branches qui permettaient le mieux à l’homme en devenir de comprendre qui il était et quels pouvaient être ses buts. L’histoire, qui exposait les fruits qui permettaient de juger de l’arbre a été proprement kidnappée au profit d’un brouet sociologique qui causa moultes irritations à mon esprit d’enfant déjà fort revanchard. Il s’agissait paraît-il d’en finir avec l' »évènementiel »… formule !

Le monde a avancé, les barricades de 68 sont devenues des arrière-cours sordides d’où trônent les faquins qui se sont engraissés sur les déjections d’un monde en chute libre, la dernière chose qui soit libre d’ailleurs en ce monde. Renverser tout cela est facile: D’abord, reprendre le contrôle de son esprit, ce territoire sur lequel on doit avoir tout pouvoir et qui est le premier qu’on doit pouvoir convaincre. Puis refuser systématiquement la tutelle de l’idéologie gauchiste, refuser d’y accorder soi-même, fût-ce par inadvertance, le moindre crédit, refuser de sacrifier à l’idole, refuser qu’on vous serve les formules, les slogans, refuser impétueusement qu’on vous réprime dans votre droit à vous exprimer d’un revers de slogans ou d’un anathème factieux, refuser le rituel, l’indignation, l’imprécation, balayer tout cela. Pour cela, une façon bien simple, demander le plus calmement du monde une définition pour chaque terme, raccourci, concept ou formule utilisé, décrypter le novlang pour dévoiler la pensée, le gauchiste, même de bon niveau, s’apercevra alors qu’il a appris à penser comme on apprend le coran, par coeur et sans réflexion. Il n’en sera pas convaincu pour autant, c’est un gauchiste, mais l’éclair d’effroi qui traverse ses prunelles devant le spectacle que lui présente sa propre intelligence mérite le détour et récompense l’effort.

Même d’une mauvaise foi crasse, partez toujours du principe que le gauchiste est de bonne foi, le plus souvent on ne lui a pas donné les moyens de savoir autre chose. J’ai vécu le spectacle étonnant de harpies féministes, en position d’attaque devant notre stand d’information sur l’avortement, bouleversées par un un soudain appel d’air du raisonnement devant certaines photos d’échographies que nous montrions. Quant un raisonnement sauvage est libéré après 20 ou 30 ans de goulag socialiste c’est aussi beau qu’un troupeau de mustangs dans la pampa. Bref, le fait objectif, l’honnêteté intellectuelle portent, il suffit de s’en convaincre soi-même, il faut d’abord s’en convaincre soi-même. Le premier à libérer de la « matrice », c’est soi !

4 réponses à En finir avec la morale d’Etat

  1. Stat crux dum volvitur orbis dit :

    Merci pour ce très bon texte dans lequel je me reconnais à 100%

  2. Piotr dit :

    Très bon article. Mais il ne faut pas être un anarchiste chrétien. Au contraire, nous allons remettre de l’ordre, au moins dans nos propres têtes.

    Encore une remarque : condamner l’oeucuménisme est un peu court. Il en va de l’oeucumlnisme comme de beaucoup de choses : c’est une voie excellente et extrêmement dangereuse. L’unité de l’Eglise passe par l’oeucumnisme ou du moins par la discussion oeucuménique, mais cet oeucuménisme doit être une recherche de la vérité, un affinement et un renforcement du dogme (oui, du dogme, tout réformé que je suis, je reconnais la nécessité de l’affirmation et de la formulation claires de le vérité), et jamais un simple effort diplomatique pour flatter toutes les opinions.

    Bref, vous signez là un article très revigorant, enflammé et plein de bonnes choses. Merci de cet article et merci de cette page internet.

  3. « anarchistes chrétiens »
    pas mal, celle là !

  4. Déninquine Maïakovsky dit :

    Merci mon Ami.

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