Comment mettre fin au terrorisme


par Daniel Pipes
New York Sun, 5 décembre 2006

Pour être efficace, une stratégie de contre-terrorisme doit se concentrer sur le fait que le terrorisme perpétré par des Musulmans au nom de l’Islam constitue la menace stratégique pesant sur les populations civilisées, musulmanes ou non musulmanes, de notre époque.

Au niveau le plus élémentaire, cette menace fait intervenir des individus isolés atteints par le syndrome du djihad subit et qui lancent des actions meurtrières totalement imprévisibles. Au plus haut niveau, elle revêt la forme d’une organisation criminelle telle que le Hamas, qui dirige le quasi-gouvernement de l’Autorité palestinienne, ou même les efforts d’Al-Qaïda visant à acquérir des armes de destruction massive. Ainsi, si le terrorisme des Musulmans était stoppé, ce serait un progrès majeur vers la victoire dans ce que certains appellent la Quatrième Guerre mondiale.

Est-ce possible?

Oui, et en partie aussi grâce à un contre-terrorisme conventionnel efficace. Les individus doivent être traqués, les organisations fermées, les réseaux détruits, les frontières surveillées, les transferts de fonds empêchés, les ADM interdites. Mais ces mesures ne combattent que les symptômes du problème, pas le problème lui-même. «Le problème lui-même» consiste en la motivation qui alimente les flambées de violence commises par des Musulmans au nom de l’Islam. Cette violence ne peut être contrée qu’en isolant la raison pour laquelle le terrorisme est devenu un aspect si marquant de la vie musulmane.

Cette agressivité ne résulte pas d’impulsions perverses dictant la destruction par elle-même; et elle n’est pas issue de la religion de l’Islam, laquelle n’inspirait nullement une telle rage meurtrière il y a encore une génération. Non, elle provient d’idées politiques.

Les idées ne jouent aucun rôle dans la criminalité ordinaire, qui ne poursuit que des objectifs purement égoïstes. Mais les idées, généralement de celles qui tendent à changer le monde de manière radicale, sont au cœur même du terrorisme et notamment de sa variante suicidaire. Contrairement à la plupart d’entre nous, qui acceptons généralement l’existence telle qu’elle est, les utopistes tiennent à édifier un ordre nouveau et supérieur. Pour y parvenir, ils s’approprient tous les pouvoirs, affichent un mépris glacial pour la vie humaine et nourrissent l’ambition de réaliser leur vision à l’échelle mondiale. Il existe plusieurs schémas utopiques de ce type, avec à leur tête le fascisme et le communisme qui ont tous deux fait des dizaines de millions de victimes.

Ces deux totalitarismes ont été vaincus en 1945 et en 1991, respectivement, l’un par la guerre (au cours de la Deuxième Guerre mondiale) et l’autre plus subtilement (par la guerre froide). Leur quasi-disparition incita certains optimistes à imaginer que l’ère de l’utopie et du totalitarisme était arrivée à son terme et qu’un ordre libéral l’avait définitivement remplacée.

Hélas, c’était sans compter avec un troisième totalitarisme en progression depuis les années 1920, celui de l’islamisme, que l’on peut résumer par la conviction selon laquelle «l’Islam est la solution» à tout, de l’éducation des enfants à la manière de faire la guerre. À la suite de la convergence de plusieurs facteurs – une rivalité historique avec les Juifs et les Chrétiens, une natalité effrénée, la capture de l’État iranien en 1979, le soutien d’États pétroliers –, les islamistes en sont arrivés à dominer le discours idéologique des Musulmans intéressés par leur identité ou leur foi islamique.

C’est ainsi que la loi islamique, en repli depuis deux siècles, fait son grand retour et avec elle le djihad, la guerre sacrée. Le califat, en fait éteint depuis plus d’un millénaire, est redevenu un rêve ardent. Les idées prônées par des penseurs et des organisateurs tels que Muhammad ibn Abd al-Wahhab, Shah Waliullah, Sayyid Abu’l-A’la al-Mawdudi, Hasan al-Banna, Sayyid Qutb et Rouhollah Khomeini se sont imposées contre les approches traditionnelles, modernistes et centristes de l’Islam. Les adeptes de ces utopistes recourent à la violence, y compris au terrorisme, pour promouvoir leur vision malveillante.

Ainsi, la forme la plus efficace de contre-terrorisme consiste à combattre non pas les terroristes, mais les idées qui les motivent. Cette stratégie implique deux étapes principales. D’abord, il faut vaincre le mouvement islamiste comme l’ont été les mouvements fasciste et communiste – à tous les niveaux et de toutes les manières, en usant de toutes les institutions, publiques et privées. Cette tâche incombe essentiellement aux non-Musulmans, car les communautés musulmanes n’ont généralement pas la capacité ou la volonté de purger leurs éléments islamistes.

En revanche, seuls des Musulmans sont en mesure d’accomplir la deuxième étape, la formulation et la propagation d’un Islam moderne, modéré, démocratique, libéral, convivial, humain et respectueux de la femme. Ici, les non-Musulmans peuvent apporter leur aide en se distançant des islamistes et en soutenant les Musulmans modérés.

Bien qu’il soit théoriquement réalisable, la faiblesse de ses avocats actuels fait paraître l’avènement d’un Islam modéré totalement hors de portée. Mais, malgré toute la fragilité de ses perspectives actuelles, le succès de l’Islam modéré est la seule forme efficace de contre-terrorisme. Le terrorisme, allumé par de mauvaises idées, ne peut être éteint que par de bonnes idées.

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