Francis Richard : La parole est au mouton noir dénommé Blocher

francois-cherix.jpgDans « L’Hebdo » du 4 septembre dernier François Cherix avait fait l’inventaire de 33 infractions imaginaires, commises par Christoph Blocher contre la collégialité du Conseil fédéral et les institutions helvétiques. Il avait dressé cet acte d’accusation fallacieux pour détruire l’image de Christoph Blocher et de son parti, l’UDC, avant les élections fédérales. Il fallait à tout prix diminuer leur influence. Eh bien c’est raté !

Dans la dernière livraison de « L’Hebdo », datée du 22 novembre 2007, François Cherix  persiste et signe : Christoph Blocher a opéré des entorses à la collégialité et des attaques contre le parlement  et c’est dangereux – vous noterez qu’il ne parle plus d’infractions . Non seulement, mais il en rajoute. Le ridicule ne tue pas. Sinon ce procureur amateur, par ailleurs membre du parti socialiste vaudois, serait déjà mort et enterré.

En effet un examen des prétendues violations systématiques commises par le Conseiller fédéral UDC montre qu’elles n’existent que dans l’esprit chagrin de ce conseiller en communication. Aussi bien, au cours de l’émission Infrarouge du 4 septembre dernier, Christoph Blocher ne s’est-il pas moqué de l’article 177 de la Constitution fédérale et des articles 4 et 12 de la loi régissant l’organisation du gouvernement, comme feint de le croire François Cherix, il s’est tout simplement moqué de ce juriste dérisoire et de ses assertions.

François Cherix ne se contente pas d’accuser dans le vide, il phantasme dur : «(La) destruction (de la collégialité) constitue (…) un préalable à l’instauration d’un régime autoritaire dans un système qui ne permet pas d’être élu à la fonction de président de la république ou de chancelier ». Et revoilà la silhouette du Duce évoquée malencontreusement par Pascal Couchepin…

Dans « Le Principe Blocher » (Meier Buchverlag Schaffhausen, 2007), interrogé par Matthias Ackeret, Christoph Blocher exprime sa position sur le principe de collégialité : « Pour moi cela signifie que l’on doit se tenir aux choses que l’on a décidées, même si l’on a perdu lors du vote. Je n’ai aucune difficulté à m’y plier, Même si j’ai peut-être défendu un autre point de vue, je représente ensuite celui de la majorité du gouvernement. Une fois que la décision est prise, l’avis personnel n’intéresse plus ».

Mais Christoph Blocher ne cache-t-il pas mal quelles sont ses positions ? «Les personnalités ayant des opinions très tranchées, répond-il, ne peuvent bien sûr pas cacher si elles soutiennent une cause de leur plein gré, avec intime conviction, ou si elles le font par devoir. Ce n’est d’ailleurs pas grave. Mais je n’ai jamais pris à contre-pied les décisions majoritaires du Conseil fédéral. »

Il ajoute : « Avant toute décision sur des sujets qui ont une incidence lointaine et à propos desquels rien n’est encore arrêté, l’avis clair d’un conseiller fédéral n’est pas une atteinte au principe de la collégialité. Les conseillers fédéraux ne sont pas des eunuques politiques ». 

François Cherix accuse Christoph Blocher de pratiquer un antiparlementarisme virulent. Entre autres il l’accuse de manipuler les Chambres et à l’appui de cette accusation il écrit par exemple : « Christoph Blocher ne craint nullement de mentir devant une représentation nationale qu’il tolère sans la respecter ». Selon toute vraisemblance l’essayiste, qui ne sait pas transformer, fait allusion à l’affaire des Albanais.

Une fois n’est pas coutume donnons la parole au mouton noir dénommé Blocher, qui ne se laissera pas égorger facilement. Toujours dans « Le Principe Blocher », Christoph Blocher explique : « Je fais un discours à l’Albisgüetli. La presse reçoit un texte écrit et je prononce mon allocution en dialecte. J’ai parlé oralement « d’Albanais criminels », et on trouvait la formulation correcte dans la version écrite : deux « Albanais accusés de meurtre ». Dans le discours prononcé, la nuance « criminels présumés » avait effectivement sauté. Plusieurs semaines plus tard, un conseiller aux Etats du PS (FR : tiens, tiens, du même métal que François Cherix !) m’a posé de manière inattendue des questions devant le Conseil des Etats. Il voulait savoir pourquoi j’avais traité les deux personnes mentionnées de criminels. Pensant que j’avais exprimé oralement le même texte que la version écrite, j’ai répondu que j’avais dit « criminels présumés » parce que j’avais la version écrite en tête. J’ai ensuite fait vérifier l’affaire et j’ai remarqué que la version orale différait effectivement du manuscrit sur ce point précis. Voilà pourquoi j’ai regretté publiquement cette maladresse. Il ne s’agit pas dans ce cas-là d’un mensonge – donc d’une fausseté proférée volontairement. Et d’ailleurs pourquoi mentir ? Tant la version écrite que la version orale de mon discours pouvaient être consultées en tout temps et peuvent encore l’être à l’heure actuelle ! »

Autre exemple. Parmi les infractions commises par Christoph Blocher, François Cherix avait relevé sa critique de la norme pénale antiraciste en Turquie qui serait une remise en cause de la loi. Il faut rappeler au préalable que les relations entre la Turquie et la Suisse sont refroidies depuis qu’un professeur d’histoire turc réputé est poursuivi en Suisse en vertu de cette même norme. Il l’est parce qu’il a soutenu la position turque selon laquelle les atrocités commises contre les Arméniens en 1915 ne constituent pas un génocide. Les Turcs ne comprennent pas que d’une part le Conseil fédéral, en 2000, ait recommandé à la Turquie de faire débattre de la question du génocide par une commission internationale d’historiens et que d’autre part les autorités judiciaires helvétiques poursuivent leur historien.

Christoph Blocher donne donc des éclaircissements sur cette infraction toujours dans « Le Principe Blocher » : «Pour la Suisse il n’est guère crédible de reprocher à la Turquie, de manière professorale, de ne pas prendre au sérieux la liberté d’expression sans garantir parallèlement cette dernière. Ce ne sont pas les autorités de poursuite judiciaire que l’on doit critiquer ici, mais la loi qui ordonne les poursuites ».

Quelle est donc l’attitude de Christoph Blocher lors de son voyage en Turquie ? « Face au ministre turc de la Justice, j’ai confirmé que les juges allaient trancher, mais que mon département allait vérifier l’article antiraciste. Parallèlement, je lui ai expliqué les tenants et aboutissants de la loi. Grâce à cette clarification des conditions juridiques, la situation s’est nettement détendue. Le ministre turc a remarqué que je ne réclamais pas la liberté d’expression qu’en Turquie, mais également en Suisse. J’appelle cela la diplomatie par l’exemple, par opposition à la diplomatie de mise à l’index, malheureusement de plus en plus pratiquée en Suisse ».  

J’ai volontairement fait ces longues citations pour montrer à quel point on fait flèche de tout bois, et que l’on simplifie les choses de manière caricaturale, quand il s’agit d’abattre Christoph Blocher et surtout de l’empêcher d’être réélu au Conseil fédéral.

Dans une précédente chronique ici (celle du 1er novembre) j’avais cité Andreas Ladner, professeur de sciences politiques à l’IDHEAP de Lausanne, interviewé par « Le Temps », qui, exemple à l’appui, celui de l’exclusion de socialistes du Conseil fédéral, avait déclaré que les propositions de l’UDC étaient « sous-représentées » dans les média ou qu’elles n’étaient pas « toujours rigoureusement présentées ». François Cherix en est le triste exemple et « L’Hebdo » le triste support. 

Francis Richard