Francis Richard: La trahison des C

Hier encore le PDC faisait mine de vouloir respecter la concordance. L’UDC avait droit à deux sièges. Le PDC ne réclamerait un deuxième siège qu’à la prochaine vacance. Tous les candidats sortants, à l’exception de Christoph Blocher, seraient soutenus par le PDC. Cependant le groupe PDC ne soutiendrait pas pour autant le candidat des Verts, Luc Recordon, qui se présentait contre le même Christoph Blocher. Il fallait faire croire au statu quo. Cette humilité feinte était suspecte, en définitive elle était hypocrite.

Formellement le PDC n’a pas menti, mais réellement il a trompé son monde avec la volonté de nuire, ce qui, pour les chrétiens qu’ils se targuent d’être, avec leur fameux C, n’est pas spécialement reluisant, ou relève d’un jésuitisme du plus mauvais aloi. Aussi bien sont-ce toujours les donneurs de leçons qui commettent les pires bassesses. L’UDC avait droit à deux sièges. Le PDC a donc tenu parole, mais il lui a permis de les avoir en choisissant lui-même, contre son gré, le deuxième candidat, qui est d’ailleurs une candidate, sans l’être officiellement, une candidate sous le manteau en quelque sorte.

Madame Eveline Widmer-Schlumpf aura été élue sans une voix UDC et ne représentera donc qu’elle-même si, écoutant les sirènes de la gauche rose-verte, et désormais démago-chrétienne, elle accepte demain matin son élection contre la volonté de son propre parti. Je n’aimerais pas être à la place de cette dame si elle s’est vraiment prêtée à cette combine, indigne de la fille d’un ancien Conseiller fédéral. La soif d’une place bien au chaud dans le Saint des Saints ne justifie pas tout.

Je ne suis pas surpris que le procédé par lequel ce résultat a été obtenu réjouisse la gauche qui a fait sous elle ce matin, sans retenue, devant les caméras. Car pour elle la fin justifie les moyens, même si elle parle à tout bout de champ de vertu en politique, que seuls ses adversaires doivent respecter à son égard, surtout quand elle s’avère elle-même de petite vertu. Je ne suis pas surpris non plus que les médias en fassent leurs choux gras. Depuis longtemps, par leur déformation systématique de la vérité, ils ont cessé d’être respectables. Ils applaudissent somme toute un procédé qui leur ressemble.

En revanche je suis surpris que des membres du camp bourgeois se réjouissent de cette pantalonnade, qui est peut-être démocratique dans la forme, mais ne l’est pas du tout dans le fond. Avant que Christoph Blocher n’arrive à l’UDC, elle ne représentait que 10% de suffrages. Aujourd’hui elle tangente les 30%, c’est-à-dire trois fois plus. Cette progression elle la doit essentiellement à Christoph Blocher. Evincer ce dernier du Conseil fédéral revient à renoncer à une véritable représentation au gouvernement de toutes les tendances politiques du pays, qui était jusqu’à présent une des spécificités de la Suisse et en faisait, dois-je le souligner, un modèle de démocratie.

Mais pire qu’une pantalonnade de l’ensemble de la classe politique, l’Histoire retiendra la véritable trahison de soi-disant chrétiens, qui se souviennent sans doute que Judas était l’un des disciples, mais oublient qu’il a fini par se pendre. Comment qualifier autrement que du mot de trahison cette connivence, avec la gauche rose-verte, du PDC, et de certains radicaux, affichée sans vergogne, cette éviction de Christoph Blocher préparée honteusement, en secret, secret d’ailleurs bien gardé, il faut le reconnaître, jusqu’au dernier moment ?

L’UDC avait donc raison quand elle parlait de complot contre Christoph Blocher. Ce n’était pas le fruit d’une paranoïa. Tous les moyens ayant échoué, même les plus vils, pour salir l’UDC et son ministre avant les élections fédérales, qui ont abouti au résultat inverse de celui escompté, c’était au Parlement de porter l’estocade en optant pour une concordance de façade. Mais les apparences ne sont même pas sauves et le parangon de démocratie, qu’est la Suisse, en prend un sacré coup.

Francis Richard