Francis Richard : A qui profite le crime ? A l’UDC

Le 12 décembre 2007, en ne réélisant pas Christoph Blocher le Parlement a commis un crime. Lequel ? Il a tué, tout du moins au niveau national, la démocratie de concordance, née il y a trois quarts de siècle. En effet la concordance, dont le monde politico-médiatique veut nous faire croire qu’elle a triomphé mercredi dernier, n’en est plus qu’une caricature arithmétique.

Ce crime ne peut que profiter à l’UDC. Pourquoi ? Parce que, jusqu’au bout, elle aura justement défendu l’esprit des institutions, même en votant blanc, par exemple, lors des tours qui ont vu les réélections de Moritz Leuenberger et de Micheline Calmy-Rey, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien leur opposer un candidat. Mais cela aurait été s’abaisser au niveau de ses adversaires.

L’UDC a joué et perdu dans l’honneur, à visage découvert, en restant debout. La défense des valeurs lui important davantage que celle des personnes. Elle a été battue à la faveur d’une coalition de politicards, agissant dans l’ombre, baptisant du nom de stratégie ce qui n’est qu’une vulgaire combine.

Il est peut-être bon de rappeler ce qu’est la démocratie de concordance. Le « Dictionnaire Historique de la Suisse » en donne une définition qui fait ressortir, à la lumière du mercredi noir que nous venons de vivre, tout ce que la Suisse vient de perdre en un jour :

« Dans la démocratie de concordance, la prise de décision ne se fonde pas (comme dans la démocratie majoritaire ou « démocratie de concurrence ») sur le principe de majorité, mais sur la recherche d’accords à l’amiable et de compromis largement acceptés. Tous les partis importants sont impliqués dans le processus et se voient attribuer des fonctions politiques et des postes à responsabilité dans l’administration, l’armée et la justice, proportionnellement à leur force électorale.»

En ne donnant au premier parti de Suisse, l’UDC, dont l’aile la plus importante n’est plus représentée au Conseil fédéral, d’autre solution que de se retrouver dans l’opposition, les apprentis-sorciers du Parlement ont effectué un changement de régime politique majeur, dont il ne semble pas qu’ils aient mesuré toutes les conséquences. Tout cela pour se débarrasser d’un homme qui leur faisait de l’ombre et ne se résignait pas au déclin à long terme de son pays.

Ce crime profite dès maintenant à l’UDC. Une vaste partie du peuple est profondément choquée par ce crime commis par le Parlement, et surtout par la manière fourbe avec laquelle il a été commis. Il n’est donc pas étonnant que les messages de soutien et les adhésions affluent à l’UDC ces derniers jours. Même les médias commencent à s’en inquiéter, le premier moment de malsaine euphorie passé.

Dans une chronique précédente, je relevais qu’en gagnant quelque 2% de suffrages tous les quatre ans l’UDC ne résoudrait pas son problème de représentation lors de scrutins majoritaires. Sa mise hors jeu du Conseil fédéral en est la démonstration et ne peut que lui être salutaire, c’est-à-dire salutaire aussi pour le pays. Il y a fort à parier que, dans quatre ans, grâce à l’aveuglement persistant de ses adversaires, et à leurs erreurs criantes, elle devienne le nouveau Grand Parti, que fut jadis le Parti radical.

Francis Richard