Problème de crédibilité à la RTS ?

sébastien-faure-3-448x293Lors de conflits armés, des batteries d’un genre inconnu se mettent en place pour conquérir le bon droit des justes causes. Cette conviction ne s’acquiert plus par la raison mais par l’émotion. Cette émotion est transmise au monde par la télévision.

La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité. Rudyard Kipling

On ne peut pas avoir vécu le mensonge des couveuses du Koweït, le trafic des photos Reuters et le scandale du Green Helmet sans chercher à se montrer un tant soit peu critique devant le pilotage des journalistes occidentaux par les services de communication des factions en place.

Leçons du passé

En 2006, un journaliste de CNN, Anderson Cooper, dévoilait les techniques de propagande de la “com” du Hezbollah, insistant sur la nécessité pour celui-ci de compter un maximum de victimes civiles dans les médias occidentaux; ce point aura son importance tout à l’heure.

La TSR, sans doute entraînée par l’opinion de certains de ses journalistes, prenait fait et cause pour le Hezbollah contre Israël, notamment par un Temps présent à la gloire de Soha Bechara – terroriste libanaise emprisonnée suite à une tentative d’assassinat sur la personne d’un général de l’armée du Sud-Liban, Antoine Lahad – ou des sujets de téléjournal tendant à présenter unemanifestation pro Hezbollah sur la Place fédérale comme pacifique et apaisée, se félicitant de l’absence de banderoles aux couleurs de l’organisation chiite libanaise, et ce contre toute évidence.

Léger bémol, toutefois, dans le concert de louanges, le 30 juillet 2006, le correspondant Roger Auque expliquait au JT comment le « Hezbollah avait gagné la guerre des images » et évoquait, le 5 août, la surveillance constante des journalistes par ce même Hezbollah. Ce genre d’évidences pour le moins flagrantes suscita une analyse sans concession des techniques de guerre médiatique utilisée par la milice libanaise dans l’émission Nouvo.

Un raisonnement qui ne parvint pas jusqu’à la rédaction du téléjournal: Le 20 août 2006, Raphaël Guillet et Jon Björgvinsson ramenaient un sujet parfaitement calibré, où la camera de la TSR filait sagement le train à un député du Hezbollah dans les décombres de Beyrouth, le journaliste n’osant qu’une timide question sur le financement de l’organisation.

Le JT de la TSR entretint un suivi quotidien du conflit pendant plusieurs mois. Mis à part les rarissimes exceptions mentionnées ci-dessus, l’angle de présentation fut quasiment toujours celui du service de presse du Hezbollah. Sans le moindre esprit critique, la TSR propagea de la milice armée une vision de groupement populaire, héroïquement résistant face à l’ogre impérialiste, volant au secours d’une population victime de bombardements ciblés d’Israël et les dédommageant allègrement à grands coups de liasses de billets. La maîtrise du Hezbollah fut totale, jamais, du début à la fin du conflit, l’on ne put apercevoir ou filmer le moindre milicien les armes à la main.

Rebelote

La multiplication des pseudo-soulèvements populaires conséquents à ce que la presse occidentale a cru judicieux de qualifier de Printemps arabe et la modification des techniques de bataille moderne semblent avoir prévenu, sur internet du moins, un certain public quant à une vision par trop simpliste des rapports de guerre contemporains. Après l’intervention de l’OTAN en Lybie, la presse d’influence n’a plus pu éviter la question d’une implication étrangère en Syrie. Qu’à cela ne tienne, ce facteur intégré, rien n’empêche la propagande de reprendre la même partition que lors du conflit de 2006: une population innocente seule face à un pouvoir inique, surpuissant et aveuglément destructeur, des victimes civiles, des femmes, des enfants, des gémissements.

Le message

Le message doit toujours être rapide et simple, compréhensible par toutes les classes sociales en un temps record. Sébastien Faure, de retour d’Alep, le résume en une phrase au guichet de Darius Rochebin, le « Président [Bachar al-Assad] attaque son peuple »; comme s’il n’y avait que le « peuple » en ville. Le but, demander une zone d’exclusion aérienne et l’intervention des «Occidentaux », comme en Lybie.

Nimbé de l’aura de l’aventurier au grand coeur, Sébastien Faure ramène dans ses valises un reportage thématique complet de 13’40 sur la situation aleppine, diffusé dans l’émission Mise au Point du 7 octobre dernier et cosigné par Jon Björgvinsson, le même qu’à Beyrouth en 2006.

Le but du présent article est d’analyser ce reportage. Le postulat de base est de considérer, à la lumière des témoignages de certains journalistes présents lors du conflit israëlo-libanais de 2006, l’éventualité d’informations préparées et formatées à l’intention des reporters, l’existence de circuits de visite (hôpitaux, ruines etc.) et la production de témoins, voire de figurants, devant les caméras.

Les auteurs du présent article n’ont certainement pas l’intention de nier l’expérience ou la bonne foi des réalisateurs de ce reportage. Leur argumentation se basera uniquement sur l’appréciation générale que permet l’information disponible sur internet, une expérience personnelle de la région antérieure au conflit et, pour l’essentiel, les images mêmes diffusées par la RTS.

Analyse

En préambule, il convient de considérer que Sébastien Faure et Jon Björgvinsson donnent au moins deux clés de lecture permettant d’appréhender le caractère de leur travail. Ces deux concessions au devoir d’informer semblent, toutefois, ne pas devoir suffire à la perception dudit reportage au titre quasiment d’oeuvre de propagande. Nous y reviendrons. Nous n’insisterons pas sur le ton, les musiques ou les termes employés pour augmenter ou atténuer le pathos, à moins, bien sûr, que cela n’ait quelque importance pour notre propos.

Visa

Ne débarque pas en zone de guerre qui veut. Le présentatrice de Mise au Point nous apprend, au moment de lancer le reportage, que les deux journalistes, devant le refus des autorités syriennes de leur délivrer un visa, ont opté pour la filière turque. Une infiltration en territoire syrien, qui plus est en temps de guerre, ne s’improvisant pas, il n’est pas permis de douter qu’ils ont, dès lors, été pris en charge par le service de communication de l’Armée syrienne de libération (ASL) pour un « tour ».

A la frontière d’Azaz (Killis), tenue par les « rebelles », leur chauffeur présente un sauf-conduit (00:34), aucun contrôle d’identité, le passage de la douane semble aussi compliqué que le péage d’une autoroute sur le chemin des vacances. Les deux reporters sont ainsi pilotés à l’intérieur de la zone médiatique de combat par un « tunnel » dûment organisé. Le circuit commence d’ailleurs par l’exposition de carcasses noircies de chars de l’armée syrienne régulière. La voix off reconnaît d’ailleurs que le premier guide, Ahmed, impose des détours en raison de la présence de l’armée syrienne. Reste que la voie est libre, l’entrée dans la ville offre le spectacle de blocs détruits par des tirs de roquettes. Notons qu’aucun des « passeurs » n’acceptent d’être filmés.

Le guide

Abdallah sera le guide de nos deux reporters (01:23). Barbe rase du croyant, t-shirt noir, arme de poing à la taille et rangers, Abdallah sort d’un pick-up blanc marqué d’un graffiti rouge sur la portière.

Cette image fait curieusement écho à une photo d’Associated Press parue sur le Nouvelliste du 25 septembre (1) montrant les guerriers de l’Armée syrienne de libération, t-shirts noirs, pick-up blanc et barbe pour certains d’entre eux.

Sébastien Faure ne cache d’ailleurs nullement le rôle d’Abdallah, c’est la première de ces deux clés de lecture que nous évoquions plus haut, « Abdallah sera notre guide à Alep. Après avoir combattu aux côtés des insurgés, il est chargé par ceux-ci d’escorter les journalistes. Tout passe par lui et son réseau pour qui veut faire un reportage à Alep » (2).

Après un tel aveu, la seule chose raisonnable, le seul réflexe éthique, eût été de poser la caméra et de rentrer à Genève. Que nenni, c’est en pleine connaissance de cause que Sébastien Faure et Jon Björgvinsson vont continuer leur petite visite avant d’aller marteler le message des rebelles au 19:30. Désinformation ?

Vaste farce

A présent que la véritable nature de ce sujet exclusif de la RTS est acquise, l’analyse en devient plus aisée en ce qu’elle n’a plus qu’à se concentrer sur la facture de ce petit bijou de propagande militaire. Les techniques sont très proches du spectacle de ce qu’ont pu nous offrir les affidés du Hezbollah il y a 6 ans, à cette exception près de la visibilité des « rebelles ». La population civile est essentiellement composée d’enfants, de femmes et de vieillards, si tel n’est pas le cas, il s’agit forcément d’un commerçant ayant tout perdu, d’un homme ayant perdu sa femme. Tous sont victimes et partagent ce même constat, « le régime nous persécute ».

Montage

La femme

La femme d’âge mûr (01:51), icône maternelle de la culture arabe par excellence, est un must des témoignages spontanés de ce type de produits audiovisuels. De tout temps, c’est elle qui prend la parole et la tient le plus longtemps. Elle est mère et elle est victime. Autre constante, la femme est toujours voilée de noir. En 2009, date du dernier séjour de l’un des auteurs du présent article à Alep, les sunnites étant très loin d’être majoritaires en la ville, le voile et la robe noirs étaient de vraies raretés, du moins au centre-ville. Dans le sujet, la totalité des 6 femmes apparaissant à l’écran sont voilées, une seule (06:11) ne l’est pas de noir.

« Hannah vit seule, le reste de sa famille est partie à la campagne. Elle n’a pas de mari, personne pour rester à Alep surveiller l’appartement et éviter qu’il ne soit attaqué par les pillards ». Hannah pilote la caméra chez les voisins, prétendument anciens partisans d’Assad, ce qui permet d’accroître en authenticité, la récitation du message peut commencer: « Bachar ne devrait pas bombarder son propre peuple ». Deuxième clé de lecture, la voisine interviewée s’autorise un laïus des plus éclairants: « Les rebelles ne sont que des mercenaires payés par l’étranger » (03:19).

Il convient de préciser ici que le but de la communication des rebelles syriens est, depuis le début, de prétendre à l’existence d’un mouvement spontané d’origine populaire. En confirmant les informations démontrées par de nombreux médias, notamment anglo-saxons, selon lesquelles les forces rebelles sont composées de mercenaires étrangers, l’Armée syrienne de libération renonce à tenter de prétendre le contraire pour insister sur l’urgence de la situation de la population civile (civils qui, rappelons-le, n’ont pas quitté la zone de combat « pour rester à Alep surveiller l’appartement »…). C’est précisément ce genre d’arguments qui a fonctionné en Lybie et c’est à ce genre de concessions que l’on peut mesurer qu’à moins d’une intervention occidentale, les rebelles vont perdre.

En passant, Sébastien Faure reconnaît que ces femmes appartiennent à une tendance qui leur interdit d’ordinaire de s’adresser à des hommes (03:39). Une tendance extrêmement minoritaire dans la Syrie que nous avons personnellement connue; la Syrie n’est pas l’Arabie saoudite. Difficile alors de ne pas réaliser le lien entre cette tendance, Abdallah et les insurgés.

Hannah va reprendre le contrôle et faire monter la tension d’un cran: « Ils nous écrasent avec leurs bombes et, comme si ça ne suffisait pas, ils nous menacent maintenant avec leurs armes chimiques »; l’heure est grave.

L’hôpital

Sébastien Faure présente l’hôpital « Sha’ar » (04:22) comme un petit dispensaire. La grille de protection de la devanture à l’entrée, la disposition du comptoir et l’exiguïté des locaux laissent plutôt penser à une pharmacie. Il s’agit pourtant bel et bien d’un hôpital, l’hôpital Dar-al-Shifa (littéralement maison de soins), une clinique privée du quartier de Sha’ar, dans le nord-est de la ville, tenu par les rebelles.

Sébastien Faure avance (06:33) que l’hôpital a été « plusieurs fois bombardé ». Il s’agit là d’une information difficile à vérifier. Une femme voilée de noir dénonce un tir de roquette, alors qu’un médecin, présenté comme responsable, parle d’explosions à proximité. Médecin responsable que nous ne retrouverons d’ailleurs pas dans le reportage de la RTS. CNN penche pour une version mixte, mais pour le moins étrange: une explosion aux environs de l’hôpital aurait soufflé les vitres, des tirs de roquettes auraient percé les murs… Al-Jazeera écrira que l’armée du régime a « manqué » l’hôpital.

D’autres sources font plutôt état d’attaques à la voiture piégée (ici, ici ou encore ici, 1 tonne d’explosifs) contre trois hôpitaux et une école de la zone sous contrôle de l’armée régulière, à l’ouest de la ville. Reste que l’effondrement de l’un de ces hôpitaux, l’hôpital Al-Hayat, rappelle curieusement celui du bâtiment détruit apparaissant en début de reportage (01:11). Il y a par conséquent de fortes chances que ce même bâtiment ait subi un attentat à la voiture piégée plutôt que des tirs de forces aériennes, bien que la chose reste évidemment encore à démontrer.

Ceci étant dit, les diverses images de l’hôpital Dar-al-Shifa montrent des traces d’impact indéniables, seulement rien qui puisse s’apparenter à un bombardement ciblé ou à la pénétration d’une roquette; ce qui peut expliquer une certaine confusion.

Selon Voice of America (VOA), ledit hôpital est à destination des soldats de la rébellion mais soigne aussi des civils. Dans la réalité, le vestibule de l’hôpital, dont le drapeau vert (04:41), qui orne les montants, semble rappeler la tendance religieuse des maîtres de céans, est en fait la vitrine d’une souffrance civile scénarisée pour les télévisions de l’Occident, ainsi donc CNN (et ici), AFP, Euronews (très semblable au produit RTS), etc.

VOA semble, à l’instar d’Al-Jazeera, avoir pu bénéficier d’images à destination d’un marché autre qu’occidental, montrant des combattants le front ceint du bandeau des guerriers du Jihad, un symbole à forte valeur ajoutée dans le monde musulman, alors que c’est tout le contraire dans le nôtre. Le scénario est toujours le même, la présence d’une caméra semblant influer grandement sur le nombre de blessés civils arrivant en catastrophe. Nous écrivons cela sans cynisme, le sujet de M. Faure nous permettant précisément de justifier d’une semblable opinion.

Mise en scène

Le premier plan (04:19) montre un enfant blessé, assis sur un mauvais lit en dehors de l’hôpital, le dénuement total, blotti entre les bras de ce qui apparaît être son grand frère, peut-être tout ce qu’il lui reste de famille, et souriant timidement de toute la force de son petit courage. Le plan est magnifique et l’image particulièrement touchante. Le pauvre petit n’a pas eu de chance, il est blessé à la tête, au bras droit et au pied gauche, il est bandé de partout, mais personne n’a eu le temps de lui laver la figure (04:23).

« Cet après-midi-là, nous avons compté en moyenne l’arrivée d’un nouveau blessé toutes les cinq à six minutes », déclare Sébastien Faure sans le moindre étonnement. Et pour cause, ceux qui viennent d’être soignés sont ramenés d’urgence à l’hôpital: où l’on voit le grand frère de tout à l’heure porter son petit frère (même pyjama, mêmes bandages) avec précipitation à l’intérieur (04:34, noter l’angoisse sur son visage).

Si l’on revient à la première image, l’on voit bien l’attentionné adolescent dans la position de prendre son petit-frère dans ses bras pour le porter: c’est une mise en scène.

Sur une douzaine de blessés apparaissant à l’écran, l’on comptera 4 enfants (dont un deux fois), 2 amputés, 2 personnes âgées et un seul soldat, ce qui semble proprement invraisemblable à moins d’un réel acharnement du gouvernement contre les civils et les enfants. Cette proportion ne se retrouve absolument pas dans les images de VOA ou, cette fois-ci, les combattants sont indéniablement majoritaires.

Autre chose paraît encore étonnant, un homme d’une certaine corpulence fait son entrée sur un brancard (04:42), couché sur le côté, on pratique, peu après, (04:54) un massage cardiaque énergique, le bip frénétique d’une machine ajoute à la dimension dramatique, on le ventile, le porte-perfusion est lourdement chargé. On le retrouve (06:19), à nouveau penché sur le côté, sans la moindre perfusion visible à ses côtés. L’on pourrait prétendre à une erreur de montage qui aurait antidaté la scène de réanimation, mais alors que penser de l’urgence si l’on prend plusieurs minutes avant de lui prodiguer les gestes qui sauvent ? Il n’est pas impossible que le pauvre homme soit décédé depuis longtemps et n’ait été amené là que pour la photo, ce qui s’est déjà vu par le passé.

L’on se félicitera enfin que tous les enfants présents dans cet hôpital semblent ne devoir souffrir que d’une forte envie de pleurer. Pas de sang, aucun symptôme, un praticien bouche le nez de l’un d’entre eux (04:49) et s’en détourne tout de suite. On retrouve encore, sur CNN, dans le même hôpital, un enfant, certes sale, mais ne semblant souffrir d’aucun trauma.

Enfin, l’on évitera de se montrer trop dur envers un gouvernement qui semble avoir assuré le meilleur taux d’encadrement hospitalier au monde: l’on ne compte plus les médecins et infirmiers dans tout l’établissement, plus nombreux que les blessés. L’équipement, en revanche, laisse à désirer, un seul stéthoscope pour une vingtaine de membres du personnel.

A ce propos d’ailleurs, le personnel médical intervenant auprès du soldat blessé, dont la blessure semble bien réelle, jeune, bien mis, ganté, blouse blanche fermée, contraste avec d’autres personnages moins visiblement représentatifs de la profession. Il n’est pas à exclure que certains d’entre eux soient des aides occasionnels, voire des figurants, à l’instar de cet homme, en habits civils, qui cache son visage sous un masque médical (05:14).

La présence d’un service de sécurité est indéniable, l’on voit une crosse (04:45). Abdallah est présent tout au long de ce passage, qui fait les traductions. On voit même ses rangers (06:02) lors de la poignante tirade du vieillard blessé, pas même une main sur l’épaule pour ne pas gâcher la scène. La tendance des médecins prenant la parole, que l’on retrouve sur VOA, à montrer librement leur visage mais à ne pas donner leur nom de famille, n’est pas faite pour rassurer qui, loin de protéger leur famille, empêche surtout de vérifier leur appartenance à l’établissement.

Enfin, le plan du marbre du hall d’entrée baigné de sang (06:41) est un classique qui se retrouve ailleurs, sur CNN notamment, l’exposition des cadavres sur le trottoir attenant aussi. Notons, bien évidemment, que ces points-ci restent parfaitement vraisemblables, ils n’en sont pas moins des impératifs d’une certaine mise scène.

Conclusion

Le reste est du même tonneau, la visite chez les sympathiques héros de la révolution islamique,  « des rebelles affamés de démocratie et de religion » (07:53), la brève escapade de nuit sur le front, la course effrénée dans des rues apparemment désertes et sans danger, la ballade dans le souk, l’arrestation d’un improbable espion, la demande de censure, curieusement suivie d’aucun effet, les tirs à la Kalachnikov dans le vide, pour la galerie, tout cela sent définitivement le frelaté à plein nez.

En arriver encore à vouloir faire croire, dans un ultime accès d’exagération, que l’armée régulière syrienne, composée essentiellement de musulmans, aurait attaqué intentionnellement une mosquée « à coups de tanks » (09:02), relève ni plus ni moins que d’une gageure des plus farfelues.

Diffuser sans broncher des messages tels que: « Je tire pour protéger mon peuple » (11:57), alors que nous savons maintenant, grâce à ce même reportage, que les rebelles sont étrangers (03:19), laisser dire: « La Syrie appartient à toutes les religions et à tout le monde » à trois encablures de l’Irak, où l’on a bien vu ce que cette tendance a pu faire aux chrétiens ou aux variantes non autorisées de l’islam, ne semble pouvoir tenir que d’un parti pris délibéré.

Ces prétendus rebelles, qui commencent chaque phrase par « Allah akbar », ceignent leur front, portent brassards et drapeaux aux couleurs de la guerre sainte, se font filmer à la prière, parlent de paradis et se prennent pour des martyrs (07:42), ne sont ni plus ni moins que des jihadistes de fortune à la solde du Qatar ou de quelque autre employeur. La chose saute aux yeux ici, Sébastien Faure n’a pas su la voir là-bas.

La scène de l’enfant à l’oiseau, enfin, digne d’un Saint-Exupéry et qui vaudra sûrement à ces auteurs un prix d’excellence en Occident, n’a sans doute que le défaut de l’impossibilité de la vérification de la perte de sa mère.

Pour nous convaincre, M. Faure eût du promener sa caméra et sa candeur ailleurs que sous la bienveillante protection de mercenaires étrangers, lesquels sont, somme toute, la cause première des troubles que ce même M. Faure entendait dénoncer.

L’ensemble du reportage, surtout dans l’expression de la piété et de la défense de la foi des combattants, semble si bien correspondre à une captatio benevolentiae à l’intention d’un public exclusivement musulman, qu’on en viendrait à douter que MM. Faure et Björgvinsson en aient écrit la moindre ligne. A ce tarif, autant s’épargner le voyage, le service de presse local n’aurait pas fait différemment.

Les deux reporters semblent être devenus eux-mêmes, en fin de compte, les figurants de leur propre film, s’agitant dans le décor d’une idée qu’ils ne maîtrisent pas.

L’explication la plus favorable à cet échec d’information pourrait être la méconnaissance ou la naïveté, mais le degré devrait en être si grand que l’on ne peut concevoir une telle lacune, même chez un journaliste de la RTS. L’autre serait la connivence, mais elle ouvre alors des abîmes si profonds qu’il nous faudrait reconnaître que notre média d’Etat, notre Etat, servent des desseins qui ne sont pas ceux des peuples.

 

(1) L’article est une interview de Magda Caloz, chrétienne syrienne qui dit une chose très intéressante : « J’ai vécu de nombreuses années à Alep et quand les journaux télévisés montrent certains combats ou leurs résultats sur la ville, je ne la reconnais pas. Certaines des rues filmées n’existent pas à Alep. J’ai même reconnu des lieux qui se situent en fait dans la bande de Gaza ou en Irak. La chaîne Al-Jazeera relaie des images truquées pour venir en aide à la rébellion. Les télévisions occidentales les reprennent sans vérification, peut-être pour soutenir unilatéralement les rebelles ».

(2) Abdallah parle anglais (05:18), ceci expliquant sans doute cela.

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