Genève: la Ville invite les enfants à se faire « siroter la courge »

Aux confins d’un entrisme sans limite ?

 

Le 10 septembre dernier, le magazine gay et branché au titre évocateur, 360°, éditait, par le biais de son pendant festif, 360fever, une newsletter invitant tout un chacun, samedi prochain, à une « soirée de soutien à l’association » au thème censé rappeler avec entrain la fête prochaine d’Halloween: « Sirote-moi la courge« .

360 fever sirote-moi la courgeDesign étudié, on y voit la tête d’un Frankenstein changée en verre à cocktail, pailles et garniture flottant au beau milieu de sa cervelle. En-dessous de l’affiche, un appel à s’abonner au magazine 360°, plus bas, deux réclames pour l’association Totem. Plus bas encore, une liste de lieux divers, salon de beauté, de massage, de tatouage, bars, restaurants, saunas, soirées masquées pour messieurs et autres adresses « gay-friendly« .

 

Totem

L’association Totem, projet de la Fédération genevoise des associations LGBT depuis 2008, est:

« Un espace à Genève qui accueille les jeunes lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, transgenres (LGBT) et leurs ami(e)s jusqu’à 25 ans. Le groupe propose des rencontres, des activités, du partage, des rires, de l’écoute, des films, des débats et plein de choses encore! » (source).

ville-de-geneve soutienLe site nous apprend en outre que l’association reçoit le soutien financier de la ville de Genève, par le biais de la Fédération, laquelle touche, annuellement, la somme de 25’000 francs (contre près de 87’000 pour l’association 360). Somme à laquelle il convient de rajouter 6’000 francs versé par le programme Agenda 21 – Ville durable de la ville de Genève pour les activités exclusives de Totem (source ville de Genève).

 

But

Sur le bulletin du mois de septembre 2011 de l’association « Défense des Enfants International« , Nathaniel King, stagiaire à Totem, nous explique les raisons de l’existence de l’association:

« Totem, projet de la fédération LGBT de Genève, est né après l’étude « santé gaie ». S’il est avéré que c’est à l’école que l’intégration est la plus difficile, les associations ne peuvent toutefois pas y intervenir quotidiennement. Le réseau des alliés [réseau LGBT, ndlr] permet d’avoir un soutien parmi les psychologues, les travailleurs sociaux et le personnel médical en milieu scolaire.

[…] Le cœur du rôle de Totem est de briser l’isolement. La priorité est de permettre la création de liens, de favoriser ce fameux sentiment d’appartenance à un groupe. »

A la lecture du rapport d’activité 2012 de la Fédération genevoise des associations LGBT, l’on apprend encore que:

« Totem développe une approche participative, considérant les jeunes LGBT non seulement comme des bénéficiaires, mais aussi comme les principaux partenaires du projet. » (p. 13)

Les jeunes sont donc appelés à participer activement à la constitution de ce groupe.

 

Encadrement

Le même rapport d’activité 2012 nous dit que:

« Totem est encadré par une équipe de jeunes animatrices et animateurs bénévoles, qui sont là pour proposer diverses activités, mais aussi et surtout pour écouter et soutenir les jeunes qui s’identifient comme homosexuel.le.s, bisexuel.le.s ou qui s’interrogent sur leurs sensibilités, leurs attirances sentimentales et/ou leur identité de genre. » (p. 3)

« Les animateurs.trices sont volontaires et ne sont pas des professionnel.le.s Ils sont cependant formés aux thématiques LGBT, ainsi que, à raison de 2 à 3 formations par année, à la gestion de conflit, à la dynamique de groupe, aux IST et VIH, au suicide, etc. Un ou une animateur.trice doit entrer dans la tranche d’âge 25-35 ans, 25 ans étant l’âge minimum pour permettre une distance par rapport aux jeunes LGBT accueilli.e.s. » (p. 14)

L’équipe d’animation est structurée « autour d’une équipe d’appui« :

« Cette équipe d’appui est composée des délégué.e.s de la Fédération ayant une expertise des thématiques liées à aux LGBT-phobies et à leurs conséquences sur les jeunes LGBT. » (p. 15)

Mais ce n’est pas tout:

« Ces deux équipes sont soutenues par un ou une coordinateur.trice de Totem. La coordination a été assurée depuis la création de Totem par des stagiaires de la Haute Ecole de Travail Social (HETS), défrayé.e.s pour la durée de leur stage, parfois inférieure à une année complète. Ils ou elles étaient rattaché.e.s au poste d’un employé de Dialogai, employé qui faisait ainsi office de chef de projet. Depuis septembre jusqu’à décembre 2012 (et pour 2013), la coordination du groupe Totem a été rattachée directement au poste de coordination de la Fédération. » (p. 15)

 

Fonctionnement

« Totem fonctionne sur la base d’un site internet régulièrement mis à jour (www.totemjeunes.ch), une newsletter (la demande d’inscription doit se faire par le ou la jeune et à l’adresse info@totemjeunes.ch) et un groupe Facebook caché (un.e jeune ne sera ajouté.e que sur sa demande et après qu’il ou elle soit venu.e à une première soirée), géré et modéré par un des animateurs. » (p. 15)

groupe du projet totem

Le processus d’appartenance à la communauté devant être mené prudemment et par étapes.

Outre les activités, sur lesquelles nous auront l’occasion de revenir, les animateurs font encore la promotion de projets « de lutte contre l’homophobie et la transphobie […] dans les établissements scolaires. » (p. 17) [1].

L’école est un objectif pour le moins difficile et délicat. Lors des Assises contre l’homophobie « Avancées et perspectives » à l’université de Genève en 2011, Michael Hausermann, responsable santé de l’association Dialogai, explique l’importance de l’école pour la promotion de la cause LGBT:

« Il y a un double enjeu, c’est-à-dire que école primaire, cycle d’orientaiton et collège correspondent assez bien à l’apparition de ces troubles en santé mentale [tentatives de suicide, ndlr]. C’est d’un côté tragique, d’un autre côté, il y a un potentiel, car cela permet d’élaborer des programmes qui visent à la réduction des troubles qui sont connus, selon les âges. Il faudrait idéalement commencer à l’école primaire, si ce n’est pas déjà avant, mais avec peut-être des méthodes différentes.

Je précise pourquoi l’école est particulièrement importante dans la minorité LGBT : c’est qu’à la différence des autres minorités, un-e jeune LGBT qui est discriminé-e d’une discrimination transphobe, gayphobe, s’il en est victime, il ne va pas s’en ouvrir à ses parents, parce qu’il est quasiment sûr de les décevoir au moins, voire d’être rejeté-e. » (p. 45)

Entendre par là que les animateurs des associations homosexuelles seront toujours plus aptes à susciter ce « sentiment d’appartenance » que les propres membres de la famille du « jeune« .

Plus loin, une intervenante souligne les difficultés rencontrées « pour que les élèves aient accès aux flyers de Totem. » (p. 117)

 

Cible

Quel est l’âge des jeunes en question ?

Lors des Assises contre l’homophobie de 2009, Benjamin Huet, militant de Totem, nous apprend que:

« Totem se veut donc un lieu de rassemblement pour des personnes qui ont entre 15 et 25 ans. La tranche d’âge est une contrainte qui est flexible puisque nous avons accueilli des personnes qui avaient 12 ans mais également 30. » (122)

Lors des Assises de 2011, Michael Hausermann, dira encore:

« La plus jeune personne qui est venue avait 13 ans. » (p. 50)

Benjamin Huet, qui insiste beaucoup sur « la problématique d’appartenance à un groupe« , précise:

« Je pense qu’il est serait intéressant de parler non en termes d’âge mais en termes de jeunes LGBT, en termes d’éclosion, c’est-à-dire ne pas penser au moment où l’enfant est sorti de sa mère, mais au moment où le jeune s’est auto-expulsé du placard. » (p. 122)

soirée à poils et à vapeurs 3602 feverComprendre que le coming-out, la soumission au principe d’appartenance à la communauté, attribuerait de fait, sinon la majorité comme c’était autrefois le cas des jeunes femmes mineures qui se mariaient à 17 ans, du moins l’aptitude à la « création de liens » avec les membres de la communauté LGBT, dont notamment, des animateurs bénévoles âgés de 25 à 35 ans.

Quelle peut bien être la nature de ces relations ?

Le rapport d’activité 2012 rappelle que Totem est:

« Un espace neutre, de soutien, de liberté, où les jeunes ne ressentent aucune attente à leur égard, où ils se sentent en sécurité, bien encadrés, et où il n’y a pas de drague comme il pourrait y en avoir dans un bar. » (p. 19)

Précision qui surprend mais qui, sans doute, devait avoir sa place dans un rapport d’activité.

Benjamin Huet explique toutefois que :

« C’est de cela qu’il s’agit, en fait. Il faut s’acclimater au code vestimentaire, social, de relation amoureuse, etc. Cela signifie beaucoup de choses, bien plus du fait qu’à cet âge, ils sont jeunes. Il y a bien sûr beaucoup d’adolescents. Nos débats sur l’amour, sur les relations ne sont pas là pour rien. « Comment faire pour draguer ? Comment savoir si l’autre nous intéresse ? Suis-je vraiment amoureux ? ». »

 

Activités

Outre le débat, certainement nécessaire, Totem propose diverses activités. Les plus récentes à apparaître sur le site sont une soirée pizza et une autre « Relax!« :

« Pour apprendre à se faire du bien. […] bonheur, détente & bien-être pour le corps, le coeur et l’esprit. Une soirée toute en douceur, pour prolonger les vacances. N’oubliez pas de prendre des habits confortables. »

soirée à poils et à vapeurs 360 feverUne troisième mentionne une sortie aux bains des Pâquis, lieu de rencontre gay-friendly  selon le site gaymap.ch de l’association 360°, aussi membre de la Fédération.

Reste, bien sûr, les soirées festives organisées par 360fever et ciblant directement les jeunes de l’association Totem.

« Le point important à retenir est que Totem appartient au 360« ,

déclarait Benjamin Huet en 2009 (p. 122), mais cela était sans doute avant la reprise en main par la Fédération, laquelle craignait alors une disparition de 360 conséquente à la coupe de 50% dans les subventions qui lui était allouées.

Les subventions sont remontées depuis et les mailles du filet associatif sont plus tendues que jamais vers un but très précis: convaincre la jeunesse.

 

 

[1] L’association a encore pour mandat « la réalisation d’une bande dessinée de promotion de la santé mentale chez les jeunes. » (p. 34)

 

Illustrations:

– L’équipe de Totem devant la Maison verte.

– Clichés de la soirée 360fever du 25 ma 2013 « A poils et à vapeurs » (source Facebook).

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *