Jean-Marie Bornet et la sécurité: insignifiance et naïveté

RCV

Le nouveau Rassemblement valaisan n’est-il que le décor monté en catastrophe par une ambition qui dépasse de très loin celui qui la nourrit ?

Passons sur la batterie de cuisine qui colle aux basques du ci-devant pour nous intéresser à ses idées et, surtout, à la façon qu’il a de les défendre.

Jean-Marie Bornet est l’homme d’une vision, comme certains le sont d’une seule femme, vision qui se veut résolument « ni-z-a gauche, ni-z-à droite » (dès -1.11.45) mais souhaite néanmoins « adopter une ligne politique claire, cohérente et sans langue de bois ». Forcément, avec une telle entrée en matière, les embûches ne devaient pas tarder.

Le fait est que le Rassemblement citoyen Valais aura au moins su rassembler, sur son site, une copieuse litanie de propositions – 83 en tout, en plus de la charte – ajoutée d’une détermination devant l’exercice du lieu commun qui force l’admiration. Il serait trop long de les considérer toutes, qui ressemblent plus, d’ailleurs, à l’accusation amère d’un ordre établi qu’il réprouve qu’à une véritable proposition de changement. Mais notre vision est certainement suggestive en cette matière ; des goûts et des couleurs…

Programme

Une brève lecture de ce programme tarde peu, cependant, à placer son auteur au rang des premières victimes de ses propres imprécations. Ainsi, le Jean-Marie Bornet de 2010, qui, rutilant sous l’uniforme, s’exclamait, plein d’emphase:

« On souhaite que la frontière soit bien tenue, car il faut pouvoir filtrer, au minimum, intelligemment les allées et venues de ces gens qui viennent avec des intentions délictueuses. » (NF 19.08.2010, p. 30)

Et bien ce Jean-Marie-là laisse peu de crédit à son pendant politicien de 2017, dont la conviction paraît avoir sensiblement chancelé, quand il affirme, avec tout ce qui lui reste d’énergie, vouloir:

« Mener une politique migratoire qui tient compte de la situation internationale et des possibilités d’accueil de notre canton, en y associant des mesures d’intégration, tout en exigeant le respect de notre réglementation et de nos institutions. » (charte)

Les praticiens de la langue de bois doivent trembler…

magouillesBéances

L’on nous accusera d’instruire à charge et l’on aura sans doute raison, mais, soyons francs, l’unique chance du personnage résidait en ses qualités d’homme de terrain. Avantages dont il semble vouloir à tout prix se défaire pour devenir, sur la scène politique, ce qu’il n’est pas, un leader charismatique.

Ce positionnement contestataire eût sans doute été le bon si Jean-Marie Bornet n’avait pas craint de dévoiler l’image, peut-être un peu crue, de l’agent d’expérience, du porte-parole des forces de l’ordre. Au lieu de cela, il réfléchit – et c’est beaucoup dire – le reflet maladroit de celui qui sait mais ne dit pas, pour toute une succession de pudeurs que notre époque ne sait plus comprendre. S’ensuit une schizophrénie à combustion lente, mâtinée de déclarations à l’emporte-pièce fleurant bon la démagogie mal assumée et les ferments d’une bien-pensance laborieusement digérée: « Pour en finir avec les magouilles d’Etat », « Visionnaire », « Décider », « Stop à la politicaillerie » et autres trouvailles du même tonneau. Il eût pu tellement mieux s’il s’était laissé penser.

Un exemple ? Le programme du RCV limite les questions de sécurité aux pompiers, à la montagne, aux centrales d’engagement, aux dangers sismiques et, ô surprise, à la longueur des procédures (voir pourquoi). Ni la charte, ni les 83 propositions du programme, ni même le site du RCV ne mentionnent une seule fois les termes de crimes, de criminalité, d’étranger, d’asile, de frontière, de migrants. Quand il évoque la migration, c’est pour regretter l’exode rural et la fuite des cerveaux. La dénonciation de la violence se limite, quant à elle, à proposer des programmes de prévention de type Patouch et à pleurer les « incivilités ». La protection contre ces mêmes violences ne couvre en somme que « les autorités, la police », les victimes civiles quotidiennes, elles, peuvent aller se rhabiller. Au comble de l’aveuglement, leurs auteurs ne sont pas désignés autrement que du terme de « quérulents », en bon français, vous et moi, tous ceux qui cherchent à se défendre contre les abus d’une justice que lui-même fustige. Tout va bien dans le meilleur des mondes, il n’y a pas de criminels de métier, seulement quelques quérulents pour importuner la maréchaussée et qu’il convient de dûment boucler avant de leur servir un discours enflammé sur les abus de Via Sicura. Une telle déconnexion sidère de la part d’un homme qui avait au moins pour lui d’avoir fait toute sa carrière dans la police.

La vision de l’action de cette même police est aussi très surprenante, qui se limite encore au 144, à l’éducation numérique en milieu scolaire, à la sécurisation sismique du bâtiment de la police cantonale et… c’est tout, ou presque.

Précocité

L’ensemble est un joyeux fourre-tout qui mêle éructation populiste – qui ferait bondir si prononcée par d’autres: « Penser le Valais de demain qui sera davantage métissé qu’il ne l’est déjà (à l’exemple des alpages 100% portugais qui sont déjà la norme) » -, à une démagogie à rebours qui croit décrocher la timbale avec des propositions lumineuses telles que celle d’un « Pacs hétéro ».

Etrange délire qui fait tout de même peine à voir, populisme mou, de gauche sur les questions morales, de droite sur celles de justice et d’économie, et qui se persuade d’être rassembleur en étant à la fois et l’un et l’autre tout en jurant de n’y point goûter. Perdu entre ses refrains indignés et ses certitudes caressantes, le RCV renvoie l’idée d’une formation égarée dans les limbes du mécontentement politique, sorte de rameau convulsé d’un PLR en décomposition, qui croit séduire en accumulant tous ces défauts des partis dont on ne se sépare jamais finalement qu’en disparaissant.

« Soit on se tait, soit on agit », martèle la charte avec assurance. L’évidence est là que l’on gagne parfois à ne pas laisser perdre une occasion de se taire.

Adrien de Riedmatten

Illustration: montage

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