La Ville de Sion interdit ses archives aux chercheurs

Plus secrète que celles du Vatican, les archives de la Ville de Sion restent closes pour la recherche académique. Depuis plus de deux ans, un doctorant fait le pied de grue pour consulter des documents, une décision a été demandée, la Ville ne veut rien entendre et se bat même becs et ongles pour interdire tout accès. Secrets d’Etat, données sensibles ? La réalité est plus banal et, surtout, beaucoup plus « sédunoise »…

Tout était parti pour bien se passer, le 25 janvier 2018, la Ville de Sion édite un règlement flambant neuf pour garantir les conditions d’accès : « Les Archives de la Ville de Sion sont ouvertes à tous les citoyens » assène l’article 3. Et bien le fait est que… non.

Un an plus tard, jour pour jour, un chercheur se présente au guichet pour consulter les archives des Agettes, petite commune alpine récemment fusionnée. Les documents recherchés se situent entre la fin du XVIIe et les années 70, soit rien de protégé (art. 4). Coline Rémy, l’archiviste communale, est très embêtée, les archives croupissent en tas dans un réduit à Salins et elle ne dispose pas des ressources suffisantes pour s’en occuper. Le requérant, également archiviste, propose alors son aide, totalement gratuitement, rien n’y fait ; on lui suggère d’écrire aux autorités de la commune.

Kafka bureaucrate

Il faut attendre le mois de mai pour une réponse, négative au prétexte que le demandeur aurait réclamé un accès aux « locaux d’archives », lequel serait interdit, seul celui en « salle de lecture » étant autorisé. On lui fait clairement reproche d’avoir offert son aide. Il répond alors n’avoir jamais demandé un tel privilège et se contenter bien volontiers de la salle de lecture. La Ville s’enferre alors dans le déni, répétant à chaque correspondance que le requérant exige un accès au dépôt, ou bien alors, sans rien savoir de ses recherches, que les documents qu’il espère trouver n’existent tout simplement pas. L’étudiant aura beau faire la preuve de correspondances soutenues, dénichées dans des fonds privés, avec la commune des Agettes et, par conséquent, de la présomption d’un fonds des plus prometteurs, il aura beau encore répéter la salle de lecture lui convient très bien, la Ville de Sion rabâche à l’envi que rien n’existe et que l’accès au dépôt est impossible. Un mur.

La surveillance des communes s’est saisie de l’affaire il y a neuf mois déjà. La Ville de Sion, tout en se refusant catégoriquement à produire un catalogue ou un registre, fût-il sommaire, des archives en sa possession, comme la loi (art. 41 LIPDA) lui en fait pourtant obligation, continue cependant, on vous le donne en mille, de nier que les documents en relation avec des recherches dont elle ignore tout puissent exister. Un panaché remarquable d’incompétence et de mauvaise foi.

Sur son site internet, la Ville de Sion se gausse de son entrée à pieds joints dans le troisième millénaire et de l’érection de son campus dédié à la « recherche scientifique ». Ce qu’elle ne dit pas c’est que les chercheurs qui se laisseront prendre s’enliseront bientôt dans le marais bureaucratique de cette bourgade d’un provincialisme crasse et aux habitudes d’un autre âge.

NM