Eric Zemmour : Quand les socialistes perdent leur jouet préféré

UN SEUL être vous manque et tout est dépeuplé. Les socialistes sont orphelins. Il n’est pas mort, mais c’est pire : devenu inutilisable. Ce ne sont plus les chênes qu’on abat mais les menhirs. Impossible de le diaboliser, de le hitlériser, de le meinfüheriser, Jean-Marie Le Pen est rentré amer et désabusé à Montretout. Plus possible de venir sur les plateaux de télévision, le rouge au front, la voix tremblante d’émotion, défendre la liberté et l’égalité et la fraternité, avec d’autant plus d’audace et de courage que les chars allemands sont depuis longtemps à la casse. Le Pen, à 10 % c’est pour la gauche une incongruité, un drame, un couteau sans lame.

Décidément, ce Le Pen n’est plus ce qu’il était. En 2002 déjà, il avait eu l’outrecuidance d’éliminer le socialiste. Cela ne se fait pas. Pas correct. Pas prévu. Mais cet imprévu avait quand même permis de beaux défilés de gosses qui ne connaissaient pas l’Histoire, conduits dans la rue par leurs profs qui ne la leur avaient pas apprise. Tous croyaient fièrement avoir fait mieux que leurs ancêtres : arrêter Hitler ! Cette fois-ci, c’est pire encore. La fin d’un monde. Pierre Bérégovoy avait naguère dit tout haut ce que les socialistes pensaient tout bas : « Le Front national est la chance historique de la gauche. »

Plus profondément, Le Pen a permis à la gauche bien-pensante de gagner la guerre idéologique : le patriotisme était devenu infamant, la nation montrée comme un objet d’horreur. Et le peuple – ces ouvriers sanctifiés lorsqu’ils votaient pour le Parti communiste – étaient devenus des soutiers du fascisme. Ils n’étaient plus des victimes, mais des salauds.

Sans Le Pen, la gauche semble perdue. Par réflexe, certains, comme Montebourg, accrochent le grelot à Sarkozy, dénonçant « sa frontnationalisation ». Sarkozy a compris que, pour attirer les électeurs populaires, il faut tenir compte de leurs valeurs, de leurs besoins. Comment oublier que François Mitterrand avait appris à parler « la langue marxiste » presque sans accent ?

On se croit ainsi revenu en 1988. Sarkozy applique à fond la stratégie de Pasqua des « valeurs communes avec le Front national » que Chirac ne jouait qu’avec un bras dans le dos. Ségolène Royal tend à nouveau les rets de « l’ouverture » au centre de son maître Mitterrand. Mais tout est rendu plus compliqué, moins efficace, avec un Le Pen si affaibli. Tout fout le camp !->
PM

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