X, 21 ans, privé de formation parce que d' »écône »

  Il y a quelques semaines, X se présentait à l’entretien d’admission de la haute école santé – social du Valais (HEVs2), à Sion. S’occuper des autres, un rêve.

Au cours de l’entretien, X est censé commenter son "autobiographie". Pendant l’exercice, certains élèments mettent la puce à l’oreille de l’un des membres du jury, la question tombe: "Vous êtes d’ "écône ?"", les préjugés suivent, l’éducateur s’engage dans une critique en règle de ce milieu "peu ouvert", "très structuré, une famille où les deux parents vivent ensemble", qui ne saurait convenir au genre de profession auquel le jeune homme se destine.

Le 27 mars, X reçoit une lettre signature: Il est refusé. L’autobiographie qui, selon X, avait été commentée positivement par l’un des membres pendant l’entretien, y est durement critiquée. On retrouve, en outre, au milieu de ces critiques, quelques éléments saillants qui apportent un début de réponse quant aux raisons réelles du refus: "Votre histoire personnelle [est] trop développés par rapport au reste"; "les liens entre votre histoire personnelle et votre projet professionnel manquent de pertinence". Le reste est un monument de langue de bois, dans la veine de: "Votre choix professionnel n’est pas suffisamment clarifié"; de toute évidence, il fallait trouver quelque chose.

Autre chose, on lui reproche en outre de ne pas avoir effectué les 12 semaines de stage obligatoire avant l’entretien, grief que l’on retrouve dans la lettre du 27 mars, dénonçant son manque d’ "expériences professionnelles" et d’ "informations en lien avec les professions sociales"; or, surprise, ces 12 semaines ne sont plus du tout obligatoires…

Abattu et "en colère", le candidat rejeté en deuxième passage se dit convaincu d’avoir été écarté en raison de ses "convictions religieuses". "Les visages changent, nous confiera-t-il hors antenne, quand les gens apprennent que j’en suis".

La lettre laisse l’étudiant sur le carreau, seul recours possible, un téléphone au responsable… inatteignable.

Interrogé par le Baf, l’ "éducateur", un certain George Mahot, habitant rue d’ "écône" – ça ne s’invente pas – dans le Valais central, commence par tout nier en bloc: L’intéressé est convaincu de ne pas avoir prononcé le mot "écône", puis de se reprendre subitement "je ne crois pas". Confus, stressé et visiblement très ennuyé d’avoir à subir à son tour un entretien, M. Mahot s’enferrera dans son déni. Confronté à d’autres versions qui corroborent celle de X, M. Mahot commencera par reconnaître que le sujet a été évoqué, mais par X exclusivement, pour finir sur :"Je n’ai pas porté de jugement", comment aurait-il pu puisque, à l’en croire, il n’a rien dit et il ne s’est rien passé. Devant l’évidence de ses contradictions M. Mahot se taira et ne reprendra la parole que pour nous accuser de le "menacer" et dénoncer le père de X pour "avoir agressé Mme Schwarzen". Accusation que ladite Mme Schwarzen démentira sans la moindre hésitation, il s’agissait d’un autre père.

Renseignements pris, le ci-devant Mahot a commencé sa carrière d’éducateur social chez les Père du Saint-Esprit, à l’époque même où le supérieur général de l’ordre était un certain… Mgr Marcel Lefebvre, ça, non plus, ça ne s’invente pas… A croire que le milieu catholique traditionnel n’est, en fin de compte, pas si mauvais qu’on le dit pour la formation.

Mme Nicole Schwarzen, enseignante à la HEVs, beaucoup plus tempérée, à la conversation plus directe et professionnelle, a reconnu sans difficulté que la question avait été abordée, et ce par M. Mahot lui-même. "Ce n’est pas un drame, ajoute-t-elle, ça n’a aucune influence sur l’évaluation… on n’a pas fondé notre refus là-dessus du tout, donc, je ne vois pas du tout le rapport… On a demandé des choses, pour préciser des choses, c’est tout"…

Interrogée sur la pertinence de la remarque de M. Mahot quand à l’ "empêchement" que pourrait représenter un milieu familial équilibré : "On peut se poser la question", admet l’enseignante, qui insiste cependant sur la liberté de chacun à choisir sa croyance.

Mme Schwarzen, qui reconnaît que X était devenu particulièrement nerveux au cours de l’entretien, tente néanmoins de minimiser la portée de sa décision: "Voilà, c’est malheureux pour lui, après un deuxième passage, mais il a une troisième chance, après encore une année"; c’est faux, la lettre le précise bien, le nombre des canditatures est limité à deux, "au maximum".

Nous avons demandé à X, pour conclure, s’il ne pensait pas qu’il y avait peut-être du vrai dans le fait qu’une enfance heureuse, ou, du moins, dans un milieu protégé, puisse représenter une lacune pour affronter le domaine social: "Ce sont des préjugés, il me semble qu’il faudrait quand même évaluer les candidats sur leurs compétences sur le terrain. Un traditionaliste ou une personne d’écône peut très bien réussir dans ces domaines, je ne vois pas pourquoi elle serait plus incompétente dans ce domaine que d’autres, donc, dans tous les domaines, les traditionalistes, logiquement,  devraient pouvoir travailler, et il me semble qu’il y a des domaines, dont l’Education, qui ferment vraiment leurs portes, où l’on n’est plus accepté parce que, apparemment, notre façon de penser dérange".

"Socialement, j’ai quand même vécu. Ce monsieur m’a reproché de ne pas pouvoir me faire une idée juste des problèmes que pouvaient rencontrer les personnes avec qui je serais appelé à travailler. Comment pouvais-je être conscient de la drogue n’ayant pas vécu le phénomène de la drogue, puisque, à Ecône, on ne peut pas du tout rencontrer ce phénomène-là. J’ai un beau-fère qui a vécu pendant huit ans dans la drogue et qui est allé jusqu’aux drogues dures même, j’en ai énormément parlé avec lui, j’ai un frère aussi qui a eu des problèmes avec la drogue, donc, je ne vois pas ce qui m’empêche, à ce niveau-là, même si je ne suis pas passé par la drogue, d’en parler et de pouvoir faire du bien à quelqu’un qui en souffre".

X se sait "grillé" dans le landernau, l’avenir est un peu sombre, en Valais en tout cas, mais il ne veut pas désespérer et compte bien trouver un métier qui lui permettra de vivre "pleinement selon mes convictions et mes principes sans avoir à en rougir".

Bref, de toute évidence, la chasse à l’éconard, au catholique et au conservateur en général est ouverte, la battue peut commencer. Des méthodes qui semblaient réservée à certains établissements hospitaliers, le CHUV par exemple, où le Professeur De Grandi envoyait les "objecteurs de conscience" réviser leur classique dans des cantons plus tolérants envers la dignité humaine. Le phénomène s’étend à l’ensemble de la sphère professionnelle sociale, dans son travail de recherche, le Baf a eu l’occasion de rencontrer plusieurs personnes, des jeunes essentiellement, qui se savent victimes, ou susceptibles de le devenir, et renoncent à ce que justice leur soit rendue, parce qu’ils savent leur choix de vie en contradiction avec une conception de "normalité" qui ne cesse de se réduire comme peau de chagrin et de peser chaque jour plus lourd sur des épaules toujours plus jeunes. Hier la peau, aujourd’hui les croyances, bienvenue dans un nouveau siècle de rejet. 

  Le témoignage de X

–  Réaction de la directrice de l’HEVs2, Mme Anne Jaquier-Delaloye: "L’école est laïque, l’aspect de l’appartenance religieuse n’est, en tout cas, pas un élément qu’on a à savoir ni à évoquer". "Si la neutralité des évaluateurs n’était pas avérée, le recours pourrait  être accepté", a déclaré la directrice sans prendre trop de risques, le recours étant traité par elle-même sur la base d’un nouveau rapport… des mêmes évaluateurs. Mme Jaquier s’est déclarée "absolument certaine" de la présence d’un "certain nombre" de "traditionalistes" dans le "domaine de la santé", tout en exprimant un doute sur leur représentation dans les HEVs

– Réaction de Claude Roch, chef du Département de l’éducation: "En principe les règles sont claires, les critères de sélection sont strictement scolaires et basés sur les compétences du candidat".
Le Conseiller d’Etat a promis de prendre connaissance du dossier et a invité X à lui écrire…

10.05 – Discrimination – Affaire X: Suite aux articles du Baf, X a enfin obtenu une entrevue avec les autorités de la HEVs2, lesquelles lui ont offert une nouvelle chance de se présenter à l’examen d’admission ainsi qu’une place de stage.

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