Genève – 40 ans de Nostra Aetate: « Le christianisme, une affaire juive »

EXCLUSIF: Interviews de SE le Card. Jean-Marie Lustiger et du Conseiller fédéral Pascal Couchepin (et un fake de la TSR!)

Hier, les autorités ecclésiastiques, rabbiniques et politiques célébraient, à l’initiative de MM. Grumbach et Gurfinkiel, de la Commission Intercommunautaire Contre l’Antisémitisme et la Diffamation (CICAD), 40 ans de dialogue interreligieux, dans le cadre somptueux de l’hôtel Crowne Plaza.

Au menu, des invités de marque: M. Pascal Couchepin, Conseiller fédéral, Chef du Département fédéral de l’Intérieur, SE le Card. Georges-Marie Cottier, le Grand Rabbin Itzhak Dayan, Grand Rabbin de la Communauté Israélite de Genève, le Professeur Alfred Donath, Président de la Fédération Suisse des Communautés Israélites, le Rabbin François Garaï, Rabbin de la Communauté Israélite Libérale de Genève, Mgr Amédée Grab, évêque de Coire, Président de la Conférence des Evêques Suisses et Européens, Me Philippe A. Grumbach, Président de la CICAD, le Grand Rabbin Marc-Raphaël Guedj, Président de la Fondation Racines et Sources, Mgr Kurt Koch, évêque de Bâle, Vice-président de la Conférence des Evêques Suisses et SE le Card. Jean-Marie Lustiger.

Nostra Aetate

Tout commence en Suisse, en 1947, à Seelisberg, où une série de conférences, auxquelles participera Alexandre Safran, aujourd’hui Grand Rabbin de Genève et présent hier soir, permet de déboucher sur un embryon de dialogue judéo-chrétien. Les dix points de Seelisberg feront date dans l’émergence de ce phénomène et influenceront les travaux du Concile Vatican II.

Le 28 octobre 1965, les pères du Concile votent à 2.221 contre 88, la Déclaration Nostra Aetate sur les rapports entre l’Eglise et les religions non-chrétiennes, la base de l’oecuménisme et du dialogue interreligieux.

La déclaration est courte et tient en 4 pages, les auteurs y développent subtilement les rapports de l’Eglise avec chaque religion. Arrivé au judaïsme, l’Eglise souligne le lien privilégié "qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham" et  reconnaît que "les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes". Le point primordial qui aura le plus marqué nos "frères juifs" – comme se sont plus à les appeler à plusieurs reprises les cardinaux présents lors de la commémoration anniversaire – est, sans aucun doute, la reconnaissance de la non-culpabilité du peuple juif concernant la mort du Christ:

"Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps [… ] les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Evangile et à l’esprit du Christ".

Dans son allocution, le rabbin François Garaï, de la Communauté Israëlite Libérale de Genève, dira la joie intense qui fut la sienne à la nouvelle de cette déclaration: "Je poussais un soupir et pensais… "enfin"". De son côté, comme le rappelera SE le Card. Lustiger, l’Eglise est convaincue de ne pas avoir crée une nouveauté mais d’être revenu à la lecture traditionnelle de l’Evangile, lecture toute d’amour et de charité. S’il est vrai que certains Pères de l’Eglise, St Augustin (5e et 6e lectures des Ténèbres du Vendredi Saint, dans la liturgie d’avant le Concile Vatican II), par exemple, désigne le peuple élu avec une certaine dureté, s’il est vrai que le Christ Lui-même, dans l’Evangile de Jean, reconnaît avoir été "livré aux Juifs" (Jn 18, 36 et 30), ces accusations ne désignaient, ainsi que le rappelle très justement la déclaration Nostra Aetate: "que des autorités juives, avec leurs partisans", et ne sauraient, par conséquent, être imputées à l’ensemble du peuple juif. Or, les attaques n’ont pas toujours fait cette distinction avec suffisamment de clarté, d’où la grande souffrance de tout un peuple, une souffrance à laquelle l’Eglise n’a pu rester indifférente.  Le Concile de Trente, au XVIe siècle déjà, rappellera le Card. Lustiger, "avait explicitement dit cela: On n’a pas le droit d’attribuer à tout un peuple ce qui est le fait de quelques uns […] Les Evangiles, eux-mêmes, continue le prélat, présentent la responsabilité de la mort du Christ comme solidairement portée par toutes les catégories qui constituent l’humanité". Une vérité reprise dans la déclaration Nostra Aetate en ces termes:

"D’ailleurs, comme l’Eglise l’a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s’est soumis volontairement à la passion et à la mort, à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut".

Il s’agit pour le cardinal de se fonder sur "la cohérence de la foi chrétienne" et de purifier, d’émonder, celle-ci de tout ce qui n’est pas la charité.

Nostra Aetate n’est pas une conclusion arrêtée, un point final, mais, au contraire, un début, une amorce, ainsi que l’écrit le Grand Rabbin Alexandre Safran, vers "une transformation profonde dans les rapports que l’Eglise catholique entretient depuis des siècles avec les Juifs".

40 ans après, la réconciliation est, certes, bien là, mais subsistent quelques pierres d’achoppement, quelques petits non-dits qui planaient çà et là comme un léger parfum de malaise et que certains des intervenants n’ont pas hésité à prendre à bras le corps, sans parvenir à les régler cependant, à notre sens en tout cas. 40 ans de statu quo, quelques problèmes et des solutions qui ne sont pas prêtes d’arriver.

Signe de contradiction

Ces problèmes résident essentiellement sur deux points: La primautée (revendiquée) de l’Eglise catholique et l’exclusivité du peuple juif. Certaines autorités rabbiniques ont exprimé leur croyance dans le fait que, par Nostra Aetate, l’Eglise catholique reconnaissait au peuple juif son statut de "peuple de Dieu", Israël, et, par conséquent un statut d’équivalence dans l’économie du salut. Or, la chose n’est pas si simple, l’Eglise croit que "nul ne peut venir au Père" s’il ne passe par le Christ, "la Voie, la Vérité et la Vie" (Jn 14, 6) [1], les Juifs, de leur côté, prennent le Christ pour un usurpateur.

Lors de la conférence de presse, le Grand rabbin Guedj a rappelé ce qu’on entend souvent à propos de Nostra Aetate, à savoir que "l’Eglise a reconnu […] qu’elle n’est plus Israël". Or si l’Eglise n’est plus l’unique peuple de Dieu, elle n’a plus l’exclusivité de la vérité ni de la voie qui mène au salut. C’est un point capital, le plus intéressant, à notre sens, discuté ce soir, sur lequel nous reviendrons tout à l’heure.
Ce raisonnement engendre logiquement l’affirmation selon laquelle l’Eglise s’est engagée, par Nostra Aetate, à ne plus chercher à convertir les Juifs, en ce qu’elle reconnaît la voie tracée par ceux-ci comme parfaitement équivalente à la sienne. Le 28 octobre dernier, lors des festivités du 40e anniversaire de Nostra Aetate au Vatican, le Rabbin David Rosen, directeur international pour les relations interreligieuses de l’American Jewish Committee, avait publiquement regretté "que le désir de convertir les Juifs n’ait pas totalement disparu de l’Eglise catholique".

Interrogé à ce propos par le BAF, SE le Card. Lustiger a qualifié l’intervention du rabbin Rosen d’"incident qui mériterait plusieurs angles de vue" et a mis en doute l’exactitude de la dépêche d’agence qui rapportait le fait. Questionné sur la possibilité de s’appuyer sur la déclaration de 1965 pour conclure à une renonciation partielle ou complète de la vocation apostolique, le cardinal a répondu: "Ca me paraîtrait très curieux une pareille renonciation, parce que la finale des Evangiles c’est: ‘Allez, de toutes les nations, en hébreu ‘goym’, faites des disciples’". Le Card. Lustiger a invoqué ensuite un autre document fondamental du Concile Vatican II, la déclaration sur la liberté religieuse, laquelle rappelle cette obligation de l’Eglise d’enseigner toutes les nations, enseignement qu’elle ne peut toutefois que proposer et non imposer, et qu’il ne "peut y avoir de contrainte en matière de Foi". En clair, l’Eglise doit convertir mais ne peut forcer personne. Une façon habile d’entériner le pacte de non-agression prosélyte signé il y a 40 ans, que beaucoup ont pris pour une renonciation pleine et entière; c’est sans doute à cela, principalement, que tenait le travail des Pères du Concile, que le cardinal qualifiera, dans son allocution, de "subtil". A leur défense, la paix était urgente à faire et la déclaration a, sans aucun doute, amené de grands progrès dans l’élabortaion d’un dialogue apaisé entre ces deux branches d’une même famille. 

Juifs et chrétiens se rejoignent dans l’espérance du règne de Dieu, SE le Card. Lustiger a rappelé, lors de son intervention, la prière chrétienne par excellence, "que votre règne arrive", Nostra Aetate rappelle que "l’Eglise attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et "le serviront sous un même joug"". Le BAF a voulu savoir ce qu’il fallait entendre par "Dieu":

Le Card. Lustiger répond: "Au moins entre Juifs et chrétiens, dans la mesure où nous croyons que la révélation du Sinaï est la révélation du mystère de Dieu, comme, selon une parole de Jésus qui dit expressément, dans saint Jean, dans la parole qu’Il adresse à la femme de Samarie, "le salut vient des Juifs, vous ne savez pas, vous les Samaritains, à qui vous vous adressez, nous savons, nous les Juifs, dit Jésus, à qui nous nous adressons" (Jn 4, 22). Et bien, s’il y a un seul Dieu, Il est le Dieu de tous, et la question des religions et de leur rapport au Dieu unique est une question vaste qui, là aussi, mériterait un exposé un peu plus détaillé; mais ce n’est pas contradictoire. Autrement dit, la victoire, n’est pas nous représenter comme une conquête ultime de fidèles par rapport à une clientèle dispersée, et jusque-là pas encore conquise, mais la vérité des coeurs et le secret des coeurs révélé par Celui qui sait tout et qui voit tout dans le secret".

La question de la divinité du Christ est difficile a évoquer ici. Dans le propos du conflit entre Israël et l’Eglise, "du second qui a voulu devenir premier", selon les termes mêmes du Grand Rabbin Guedj, le Card. Lustiger reviendra sur ce qu’il identifiera comme une contradiction:

 "Le christianisme, dans son apparition, c’est une affaire juive. Et donc le débat, car il y a un débat et une contradiction, un conflit même, un conflit à l’intérieur d’une connaissance, d’une identité juive religieuse commune de la part de tous ceux qui se disent, ou que les païens d’Antioche nommaient ‘chrétiens’, c’est-à-dire messianiques. Autrement dit, c’est un débat interne sur l’"espérance juive est-elle déjà accomplie et qu’est-ce que cela veut dire" et le conflit tout à fait fondamental auquel il n’y a pas de réponse, ou plutôt, nous pouvons convenir, je crois sans offenses les uns pour les autres, que seule la fin de l’histoire nous permettra de savoir la clé du conflit"

D’aucuns pourraient sentir ici un parfum léger de douce hérésie, le cardinal est, en effet censé avoir reçu la réponse et la clé de la vie éternelle, y croire dur comme fer, nonobstant la "fin de l’histoire", et être "tenu d’annoncer sans cesse" [1] que le Christ est "la voie, la vérité et la vie", entendre qu’il n’y en a pas d’autres. Nous préférerons, quant à nous, y voir la volonté charitable de l’Eglise d’avancer en direction de ses chers frères Juifs, mais c’est, sans nul doute, cette "concession" tacite qui est à l’origine de 40 ans d’entente et de malentendu.

Peuple de Dieu

Revenons à présent sur la remarque du Grand Rabbin Guedj concernant l’usurpation d’"Israël" par l’Eglise catholique.

Pour comprendre cela, il convient de passer tout d’abord par la conception juive de la voie du salut. Dans son brillant exposé, le Grand Rabbin Itzhak Dayan explique que la conception juive traditionnelle est une conception très ouverte. La tradition juive reconnaît une "étincelle de vérité dans les autres religions et une quête humaine de Dieu", elle reconnaît aussi, et c’est une surprise pour le néophyte, que "les chrétiens sont bons grâce à leur doctrine", qu’ils connaissent Dieu et que "leur communauté est durable", elle reconnaît encore que la Thora n’est pas "l’unique voie du salut" et à l’"éthique universelle" la capacité de sauver. Mieux encore, quiconque respecte les 5 lois noachiques [2] devient équivalent, en ce qui regarde ses chances de salut, au Juif qui respecte les 613 commandements. Itzhak Dayan ne veut y voir aucune tolérance, puisque le terme même de tolérance signifierait "l’acceptation de l’autre avec des réticences".

Le message de la tradition rabbinique est donc très clairement un message d’amour et de charité motivé par la conception juive de la justice de Dieu: "Tous les peuples marcheront au nom de son Dieu", cite le rabbin Dayan. Or cette dernière phrase prouve à quel point cette grande ouverture est d’abord la garantie de l’exclusivité juive en ce qu’elle la préserve et la garantit de toute incursion de l’extérieur. La tradition juive proclame l’exclusivité de sa nature, de son héritage et de son lien, son Alliance, privilégié avec Dieu. L’Eglise, quant à elle, proclame sa primauté, son droit d’"aînesse usurpé de ‘bon droit’" (voir les commentaires des Pères sur Esaü et Jacob se disputant la bénédiction d’Isaac (Gn 27)) sur ledit héritage.

Il est écrit qu’ Esaü jeta un grand cri, une plainte très amère (Gn 27, 34), cette plainte a ressurgi dans la bouche du Grand Rabbin Marc-Raphaël Guedj, qui, dans son allocution, a rappelé un passé "douloureux":

"Ce passé est douloureux parce qu’il y a eu des phénomènes de captation d’identité, des phénomènes d’usurpation d’identité. Quand l’Eglise s’est déclarée "Verus Israël", le véritable Israël, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que le chrétien regardant le Juif lui dit : "Toi tu n’es plus toi, maintenant c’est moi qui suis toi", et si le Juif n’est plus lui-même, il y a là une négation théologique de l’identité de l’autre. Cette négation théologique  a persisté à travers les âges et a été source de violence.

Le Concile Vatican II, à travers la déclaration de Nostra Aetate, a oeuvré pour que l’on reconnaisse les racines spirituelles du christianisme, racines spirituelles qui se situent au sein du judaïsme, il a oeuvré pour que l’on lave de l’accusation de l’illicite le peuple juif, il a oeuvré pour que l’on débarrasse de l’enseignement catholique la malédiction adressée au peuple juif, mais il reste encore, malgré tout, beaucoup à faire, car le conflit, ou le débat, entre l’Ancien et le Nouveau Testament n’est pas clos, ni même l’opposition entre l’ancien Israël et le nouvel Israël. Je cite une des phrases de Nostra Aetate: "S’il est vrai que l’Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits". Il y a là une affirmation qui reste présente: "l’Eglise est le nouveau peuple de Dieu", c’est-à-dire qu’Israël n’est pas tout à fait Israël.

Si le chrétien continue à dire au Juif: "Je suis ton accomplissement, je représente l’identité d’Israël accompli", dans cette optique le Juif n’est qu’un pré-chrétien. Et si, grâce à Nostra Aetate et les travaux qui ont suivi, le Juif est reconnu, actuellement, dans son altérité radicale – parce que depuis Nostra Aetate du chemin a été fait, depuis Nostra Aetate le discours du Verus Israël s’estompe – il devient alors impérieusement nécessaire que l’Eglise elle-même se redéfinisse ou redéfinisse le terme d’Israël qu’elle s’attribue, car, sans cela, l’on risque de retomber dans des conflits fratricides. Si l’Eglise considère, en d’autres termes, qu’Israël, le peuple juif, reste Israël, alors il va falloir cheminer pour redéfinir l’identité du christianisme et de l’Eglise en particulier".

Le judaïsme semble demander une équivalence de reconnaissance, équivalence que l’Eglise ne peut lui accorder, parce qu’Il est venu, Lui, Jésus-Christ, le Messie, qui n’est pas venu changer la Loi mais l’accomplir (Mt 5, 17). Le rabbin Guedj, qui reconnaît que le judaïsme est "un des vecteurs de l’accomplissement de l’humain", et non pas le vecteur, comme fait l’Eglise catholique, semble craindre une dissolution du judaïsme dans le christianisme par la voie du messianisme chrétien:

"Nous avons, nous chrétiens – je parle pour les chrétiens – reconnu les racines spirituelles juives. Mais en reconnaissant des racines juives qui nourrissent le tronc chrétien, il y a un danger. Le danger c’est que l’identité juive risque de se dissoudre dans l’identité chrétienne".

Le Cardinal Lustiger aura beau tenter de le rassurer par cette parole du pape Benoît XVI:

"Peuple de Dieu, c’est-à-dire, l’Eglise et le peuple d’Israël, Israël". En effet il faut savoir que, dans le Nouveau Testament, il n’y a que 7 mentions du peuple de Dieu et qu’elles désignent toujours le peuple d’Israël. En disant cela, le pape Benoît XVI n’a fait que ramener le language à la rigueur du langage biblique et Evangélique".

L’Eglise ne peut pas faire plus. L’Eglise ne peut pas faire plus et c’est pourquoi les Juifs ne se sentent pas récompensés de l’ouverture qui est la leur et qui promet le salut à tout homme nonobstant sa croyance et sa religion. Le principe est pourtant le même: Pour les Juifs, la Révélation déborde du peuple "élu" et retombe sur les Nations, pour les chrétiens, la Révélation déborde mais ne passe que par le Christ. Ainsi, tout homme, qui, entre sa compréhension du bien et du mal, choisit le bien au détriment du mal, peut se sauver, mais ce n’est qu’un "accident" de l’effusion intarissable de la grâce rendue par le Christ. Ainsi, l’Eglise ne saurait reconnaître l’accession au salut du non-chrétien que par le Christ (Eglise invisible), seule et unique Voie; le Juif sauvé, ou candidat au salut, ne saurait être alors autre qu’un "chrétien par défaut", un disciple du Christ qui s’ignore.

Inacceptable, évidemment, pour Marc-Raphaël Guedj qui rétorque au "deviens chrétien" de l’Eglise catholique un "restons Juifs, restons chrétiens" qui consacre une étrange paix des tranchées d’où l’une et l’autre partie s’observeront sans bouger jusqu’à la fin des temps et la "fin de l’histoire".

"Ce débat n’est pas un débat théologique indépassable", lance le rabbin Guedj comme une lueur d’espoir. Nous pensons qu’il a raison d’espérer, nous pensons qu’il y a de quoi espérer et c’est vraiment l’espoir ce soir-là qui marqua notre coeur. L’espérance et la charité d’un amour qui n’est pas mort et qu’il faudra retrouver. 40 ans d’espoir, d’attente, de marche dans le désert vers la Terre promise, la Jérusalem céleste, où tous, réunis dans le sein d’Abraham nous loueront Dieu d’une voix commune et d’un même amour infini.

Au coeur de cette soirée je me suis souvenu que la messe fut d’abord le culte du Temple, le culte de l’espérance de la venue du Sauveur, bien que le sang qui coule sur les autels ne soit plus celui des boucs et des taureaux (st Paul aux Hébreux 9, 12) mais celui de l’Agneau de Dieu, le Rédempteur promis à un peuple auquel Dieu ne m’a pas fait l’honneur d’appartenir sinon, pardon cher rabbin Guedj, par la grâce. Je me suis souvenu qu’en tant que catholique, ma foi, j’adorais et aimais de tout mon coeur… Un Juif, et que j’appellais ma Mère une jeune vierge juive de Nazareth, il y a 2000 ans. Je me souvenais de cette hésitation, ô combien justifiée, de l’apôtre Pierre, un Juif, lui aussi, de donner l’eau du baptême aux Gentils (Aa 10 et 11), hésitation surmontée pour le bonheur des Nations, mais par le seul effet de la grâce jointe à l’espérance millénaire du salut nourrie dans le sein du peuple juif. Je me souvenais que ma Révélation, mes prières avaient été dictées par Dieu dans la langue du peuple hébreu. Je me souvenais de l’ancienne Alliance, jamais révoquée, et des dons de Dieu qui, comme le souligne la déclaration Nostra Aetate, sont "sans repentance". Voilà pourquoi je prie et espère humblement que vienne la paix, que son règne vienne et qu’Esaü se change enfin en Siméon. Voilà pourquoi je crois, je veux croire, en l’amour, je veux croire en la charité !

CONFERENCE DE PRESSE Crowne Plaza, Genève, 29.06.06

Questions du BAF au professeur Alfred Donath et à SE le Card. Lustiger (mauvaise qualité du son, SE le Card. Lustiger avait une extinction de voix)

Réactions de Mgr Koch, du Grand Rabbin Guedj et Réponse de SE le Card. Lustiger

Interview exclusive de M. le Conseiller fédéral Pascal Couchepin
Anecdote, le Conseiller fédéral nous a… reconnu –  il faut dire qu’à l’époque nous avions fait chauffer son standard téléphonique – et néanmoins accueilli comme un père, ce malgré nos accusations répétées (lesquelle tiennent toujours, hum…) d’avoir parrainé le Bébé mouette (on est moins fier aujourd’hui de la verdeur de certaines de nos attaques). Le Conseiller a eu la bonté de s’intéresser à nos activités et nous a demandé comme une question s’il ne nous arrivait pas de faire un peu dans le journalisme "polémique"; nous l’avons bien vite rassuré. On vous a laissé le petit passage des retrouvailles entre Valaisans au début, pour le fun (et la gloriole, c’est vrai… être reconnu par un Conseiller fédéral, c’est, ma foi, une… reconnaissance !), les bafouillements du Conseiller au début, c’est le sandwich que ce vilain plumitif du BAF ne lui a pas laissé le temps de finir; non seulement on leur tape dessus mais on leur ôte le pain de la bouche !
Le Conseiller aura été plus que brillant, ce soir-là, souriant, drôle et éminemment sympathique; notre coeur est loin d’être conquis par le radicalisme mais nous devons confesser qu’il a fait une conquête. Voilà pour le coming-out.

Interrogé par le BAF, le Conseiller fédéral a expliqué en quoi les autorités politiques pouvaient se sentir concernées par la déclaration Nostra Aetate. Il a encore fait état de l’attitude de la Confédération envers les communautés du Moyen-Orient, évoqué les relations entre la Suisse et le Vatican et les "cicatrices" du Kulturkampf, et, enfin, admirablement évité nos questions les plus vicelardes en matière d’augmentation de l’antisémistisme au Parlement et dans certains quartiers d’immigration.

CELEBRATION DE LA DECLARATION NOSTRA AETATE Crowne Plaza, Genève, 29.06.06

Message de Bienvenue de M. le Conseiller fédéral Pascal Couchepin
Guerres de Villmergen et soupes de Kappel, amusant

Mgr Amédée Grab: Quel dialogue entre Juifs et Catholiques en Suisse, en Europe

Pr. Alfred Donath: Histoire et Perspectives du dialogue entre Juifs et Catholiques en Suisse

Mgr Kurt Koch: Histoire et Perspectives du dialogue entre Juifs et Catholiques en Suisse

"Nous les chrétiens, avons dû voir, en effet toujours plus clairement, que l’Holocauste avait été conçu aussi comme étape précédant l’extermination du christianisme. Les journaux de Goebbels, devenus accessibles d’une nouvelle manière, révèlent non seulement, sans aucune ambiguité, la haine hitlerienne face aux Juifs, mais aussi son aversion profonde contre le christianisme. Dans ces journaux, on peut et on doit lire: Le führer est profondément religieux mais totalement anti-chrétien. Il considère le christianisme comme symptôme de la décadence, comme rejeton de la race juive, comme absurdité dont il minera la position petit à petit, sur tous les plans. C’est surtout dans le catholicisme que Hitler voyait le cheval de Troie du judaïsme à l’intérieur du christianisme. C’est pourquoi il cherchait à détruire le christianisme dans ses racines abrahamiques.

La Tragédie de cette folle idéologie raciste, de conception néo-païenne, comme le pape Benoît XVI a appelé le national-socialisme lors de sa visite à la synagogue de Cologne, le 19 août, a eu toujours davantage pour effet qu d’anciens adversaires, les Catholiques et les Juifs sont devenus des compagnons d’infortune.

Même s’il faut juger insuffisante la résistance des chrétiens face aux atrocités commises envers les Juifs, même si l’on n’a pas combattu assez résolument l’antisémitisme, cette communion entre les Juifs et les chrétiens s’est révélée toujours plus clairement".

Grand Rabbin Marc-Raphael Guedj: Prospectives du dialogue entre Juifs et Catholiques

SE le Card. Jean-Marie Lustiger: Prospectives du dialogue entre Juifs et Catholiques

Rabbin François Garaï: De Nostra Aetate au Pape Benoît XVI Juifs et Catholiques: 40 ans de dialogue
Le rabbin Garaï évoque la question de la mention des Juifs "perfides" dans les oraisons du Vendredi Saint avant la modification effectuée par Jean XXIII. Un éminent latiniste m’avait dit en son temps que "perfide" signifiait per fide, qui est passé "par la foi", "au travers", sous-entendu sans s’arrêter, sans la retenir.

SE le Card. George-Marie Cottier: Hommage au parcours du pape Jean-Paul II

TSR: Interview du Cardinal Cottier
ENORME, cette interview est un fake, à 19h52, le Cardinal Cottier était sur la tribune de la CICAD (cf. photo 5). Ils ont dû enregistrer avec Rochebin (remarquez le " questions tout à l’heure à" et le petit geste classique de la tête et des yeux vers l’écran de table comme pour tout sujet classique, et, last but not least, la fin abrupte du sujet… Ils nous prennent vraiment pour des buses !) vers 18h15-18h30 et ils passent la cassette pendant le JT. Règne de l’illusion…

Tous nos remerciements vont encore à MM. Grumbach et Gurfinkiel pour l’excellence de leur accueil et la qualité de la programmation musicale (musique juive traditionnelle, un enchantement !)

Photos
1. Lustiger, Dayan, Garaï, Koch
2. Lustiger, Grab
3. Koch, Donath, Couchepin, Lustiger, Grab
4. Lustiger
5. Dayan, Grab, Guedj, Lustiger, Grumbach, Couchepin, Donath, Koch, Cottier, Garaï
6. Cottier

[1] "Elle [l’Eglise] annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est "la voie, la vérité et la vie"", souligne la déclaration Nostra Aetate.

[2] 5 ou 7 selon les traditions: Le commandement de maintenir la justice et l’interdiction de l’idolâtrie, du blasphème, du meurtre, des relations illicites, du vol, et de la consommation d’animaux vivants. Ces lois de base étaient censées être observées par Noé et sa famille. Noé avec qui Dieu a formé la première alliance. 

N.B. La mauvaise qualité du son vous agace? Faites un don pour nous permettre de changer le matériel !

Merci tout spécial à F&J R.

4 réponses à Genève – 40 ans de Nostra Aetate: « Le christianisme, une affaire juive »

  1. papalerebelle dit :

    Même Lustiger est Israelite !

  2. Anonyme dit :

    Bel exposé de la nouvelle religion noachide.
    Il est évident que si la relgion juive conduit au salut, pourquoi le Christ est-il venu ? Pourquoi a-t-il demandé d’enseigner TOUTES les nations ? Toujours le même signe de contradiction !

  3. Octave dit :

    Juifs et chrétiens attendent tous deux le Messie, les uns sa venue, les autres son retour…

  4. mcm dit :

    @Anonyme,

    Yehoshua ben Yoseph est juif, ces 12 apôtres sont juifs, les premiers chrétiens sont juifs, vous n’avez visiblement rien compris aux evangiles !

    N’avez vous pas compris que tous les inspirés juifs de l’AT ont prophétisé la venue du messie, et que tous le NT a relaté sa première venue dans le monde.

    Et que sa seconde venue n’arrivera pas avant que les juifs « se tournent en pleurant cers celui qu’ils ont percé ».

    Oui, en vérité, le salut commence par les juifs et finira par les juifs !

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