L’apathie de la défaite

C’est le titre de la dernière réflexion de Mark Steyn parue dans le Western Standard (abonnement). Extraits:

Il y a toujours eu un marché pour les déçus d’eux-mêmes dans les sociétés libres: après tout, la plus efficace des idées antioccidentales était elle-même une invention de l’Occident, élaborée par Karl Marx dans la salle de lecture de la British Library. Le défaut le plus patent du communisme est son aspect décrépi et triste, qui ne lui laisse qu’un attrait limité. Le fascisme aussi trouva de nombreux adeptes dans les milieux culturels occidentaux souffrant de déficience politique — en Europe continentale –, mais il ne conquit qu’un soutien minimal au coeur de l’Occident politique — le monde anglo-saxon. Alors, les anti-tribalistes inventèrent quelque chose de plus subtil et de plus souple que le communisme et le fascisme — le plus savonneux des ismes.

La grande force du «multiculturalisme » est de ne pas constituer une critique de l’Occident mais de court-circuiter toute possibilité de critique. S’il n’y a aucune différence entre la Common Law anglaise et les guérisseurs des brousses, les collecteurs de fonds des Tigres tamiles, les mariages homosexuels et la charia, que reste-t-il à discuter? Le simple souhait de débattre met celui qui l’exprime du mauvais côté du fossé. Oui, comme le dogme fondamental du multiculturalisme consiste à admettre que rien ne peut être discuté, que toutes choses sont également bonnes et agréables, le fait de favoriser un débat honnête vous place, par définition, parmi les extrémistes.

Je suis sûr que mes collègues du Western Standard se sont déjà trouvés dans des situations analogues, lors de débats télévisés ou publics. Vous faites valoir, par exemple, qu’il existe très peu de sociétés musulmanes «libres ». Et votre interlocutrice répond: «Ce n’est que votre opinion. » Alors, vous avancez quelques faits à propos du PIB par habitant, de la liberté de religion, de l’espérance de vie, des droits de la femme, etc. Et vous vous voyez répliquer: «Vous ne faites qu’imposer vos valeurs à ces sociétés. » Et alors, vous réalisez que le grand avantage du relativisme culturel est de rendre toute discussion impossible. Il n’y a tout simplement plus suffisamment de consensus sur la réalité. C’est un peu comme de jouer au tennis avec un adversaire qui pense que votre ace n’est qu’un artifice social. (…)

Bernard Lewis, le grand érudit occidental de l’Islam, travailla pour les services de renseignement britanniques aux pires heures de la Deuxième Guerre mondiale. «En 1940, nous savions qui nous étions, nous savions qui était l’ennemi et nous connaissions les dangers et les problèmes en présence », déclarait-il au Wall Street Journal il y a quelques mois. «Aujourd’hui, il en va autrement. Nous ne savons pas qui nous sommes, nous ne savons pas quels sont les problèmes et nous ne comprenons toujours pas la nature de l’ennemi. » (…)

Je laisse le mot de la fin en anglais:

If you’re a genuine cultural relativist–if you really believe our society is no better or worse than any other–you’re about to get the opportunity not just to talk the talk but to walk the walk. Good luck.

Peut-être le plus grand défi auquel font face les penseurs d’aujourd’hui consiste-t-il à définir des valeurs humaines communes et pouvant être reconnues comme telles par-delà les idéologies et les croyances.

ajm

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