Oskar Freysinger: Art. 261 bis: Autocensure démocratique

Le degré de démocratisation d’une société se mesure à la liberté d’expression qu’elle accorde aux citoyens. Si l’Etat est vraiment solide, il est en mesure de gérer toutes les opinions, des plus critiques aux plus farfelues. J’irais même plus loin en affirmant que c’est précisément cette possibilité offerte aux citoyens de débattre librement de tous les sujets, sans exception, qui rend cet Etat fort.

Ceux qui y voient, au contraire, une menace pour la société ou un affaiblissement des institutions n’ont que peu de confiance dans la démocratie ou veulent au fond l’abolir.
Quels sont, en effet, les motifs qui poussent certains à réclamer à corps et à cris une muselière légale  ?

Ceux qui sont honnêtes craindront une réalisation dans les faits de ce qui est exprimé verbalement. En interdisant l’expression et, comme ils disent, la banalisation d’un fait, ils espèrent en empêcher la matérialisation dans la vie réelle. En tuant le verbe, ils espèrent en quelque sorte qu’il ne prenne vie dans la réalité. En extirpant l’idée monstrueuse on cherche à avorter le monstre lui-même.

Les malhonnêtes, eux, voient dans la loi muselière une possibilité de faire taire des opinions contraires à leur propre vérité. Or, l’interprétation que les générations futures font de l’histoire est fluctuante et dépend souvent plus du présent que du passé tel qu’il s’est réellement déroulé. Voici pourquoi O’Brian peut affirmer, dans «  1984   » de George Orwell, que celui qui maîtrise le passé, maîtrise le présent.

Dans le cas du jugement autorisé ou non de l’histoire par les générations futures,   seuls les historiens disposent de l’instrumentation scientifique adéquate pour aborder certains chapitres délicats. Vouloir, à travers un moyen juridique, diriger le résultat de leurs recherches dans une direction ou dans une   autre en fonction de la pensée dominante, représente une trahison de la science, un obstacle intolérable à la recherche de vérité.

On se retrouve très vite dans une situation à la Galilée, dont les thèses astrologiques paraissaient tout aussi absurdes aux hommes de son temps que ne paraît aujourd’hui l’affirmation que le soleil tourne autour de la terre. A l’exception près que le temps a finalement donné raison à Galilée et que cela ne saurait arriver à celui qui voit toujours la terre trôner au centre de l’univers.

Pourtant, personne, actuellement, ne chercherait à jeter en prison une personne affirmant que la terre est une assiette ou que ne sais-je d’autre. Pourquoi en serait-il autrement de l’histoire  ?

L’interdiction, c’est bien connu, crée des tabous et par là-même le désir de leur transgression. En empêchent une opinion, serait-elle la plus absurde qui soit, la démocratie se ridiculise elle-même, plus encore, elle remet en question ses propres fondements en utilisant un instrument qui est l’apanage des dictatures. En faisant cela, non seulement l’Etat de droit accrédite-t-il involontairement les thèses qu’il interdit, mais il se retrouve pris dans une contradiction inextricable par rapport à ses propres valeurs.

Là où l’argument d’autorité remplace l’argument de raison, il y a, soit une faiblesse, soit une malhonnêteté inavouable. Un juge n’est pas un historien et ne doit en aucun cas avoir autorité sur le résultat d’une recherche historique sérieuse, quelle que soit l’intention louable qui l’anime. Car les faits historiques ne sauraient être acceptés ou réfutés selon une appréciation morale. L’analyse historique doit être neutre, l’interprétation du résultat, par contre, permet un jugement subjectif. Or, même ce jugement doit pouvoir être exprimé librement dans un Etat de droit digne de ce nom.

Pour ce qui est des expressions racistes offensantes d’un individu envers un autre, l’arsenal juridique prévoit l’injure, l’atteinte à l’honneur et la diffamation, ce qui est bien suffisant. Que l’argument racial soit invoqué comme fait aggravant dans le cadre de cet arsenal juridique peut être accepté. Créer une juridiction parallèle condamnant le délit d’opinion, même s’il procède d’un racisme primaire concernant telle ou telle ethnie ou culture, revient à lisser la surface du problème sans que quoi que ce soit n’ait changé dans le fond. Un raciste ne devient pas moins raciste parce qu’on l’empêche d’exprimer son inimitié pour une race ou une culture. Par contre, sa frustration et sa rage vont croître à mesure que la censure autour de lui va augmenter.

Ceci d’autant plus lorsqu’il se verra insulté par une minorité étrangère qui, elle, pourra le faire à loisir, étant donné que la loi antiraciste ne concerne que les minorités et ne peut être invoquée par la majorité. Ainsi, affirmer que les «  noirs sont des fainéants   » est condamné par l’article 261 bis du code pénal, le fait de dire que les «  suisses sont des racistes   » ne l’est par contre pas. Or, les deux affirmations sont des généralisations de type identique et aussi inappropriées l’une que l’autre.

Ce que la loi muselière empêche, par contre, est un débat honnête et ouvert sur le multiculturalisme, la cohabitation entre les ethnies et les religions, les problèmes divers liés à l’immigration comme la criminalité et certaines formes d’extrémisme religieux.
A force de museler les citoyens, on fait le nid de l’intolérance. On croit protéger des groupes minoritaires et on les jette en définitive en pâture à leurs propres fractions extrémistes, car plus personne n’ose fustiger certains comportements incompatibles avec notre constitution et les valeurs fondamentales qu’elle exprime.

Ainsi, à l’ombre de la forêt des bonnes intentions et sous la protection des lois dites «  antiracistes   » les conflits vont continuer à couver, à prendre de l’ampleur, comme le pus qui n’a pu être extrait d’une blessure qu’on a vite recousue sans la désinfecter. En cherchant à éviter de nettoyer la plaie en profondeur, c’est la gangrène que l’on favorise.

Oskar Freysinger
Conseiller national    

2 réponses à Oskar Freysinger: Art. 261 bis: Autocensure démocratique

  1. FLY-TOX dit :

    Nos évêques, Sa conférence (et sa syndicale oecuménique,payé par le denier du culte !!!),devrait s’imprégner du bon sens de la famille et de sa protection, énoncé par Mr.Oskar Freysinger,qui connait mieux que vous les réalités de la vie.

  2. ajm dit :

    Excellente analyse!

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