Plainte contre Le Journal de la TSR — appel aux témoignages

Les premières réactions à la proposition de nouvelle plainte contre la TSR étant déjà encourageantes, malgré les vacances, j’ai rédigé un premier projet de réclamation à l’attention des signataires intéressés, afin que nous disposions d’une base de travail (voir plus bas).

Il contient les éléments mentionnés dans l’article original, un peu précisés et enrichis. Mais il constitue surtout l’ossature d’une démonstration plus large, qui permettrait de faire la preuve de l’habitude des émissions d’information de la TSR de favoriser la désinformation et l’antisémitisme par des omissions orientées systématiques. Je prie donc les personnes qui disposent d’éléments de preuve et/ou de témoignages significatifs à cet égard de bien vouloir me les soumettre, afin qu’ils puissent être intégrés à la procédure.

Pour mieux comprendre la démonstration que l’Autorité indépendante d’examen des plaintes (AIEP) attend de nous, il vaut la peine de consulter l’entier des directives de la jurisprudence de cet organe, dont voici quelques extraits marquants (je mets en gras):

Les émissions d’information doivent permettre au public de forger sa propre opinion sur les événements ou sujets traités. Il faut éviter tout compte-rendu unilatéral ou tendancieux. […] C’est la protection du public qui prime. […] Les faits essentiels doivent être soulevés. Le public doit pouvoir distinguer les faits des opinions. En plus d’une appréciation détaillée sur les informations diffusées, l’impression générale joue un rôle décisif. […]

La réclamation devra être envoyée le 11 janvier au médiateur de la TSR. Nous devrons alors, comme la dernière fois, disposer d’un minimum de vingt signatures de personnes âgées de 18 ans et de nationalité suisse, ou étrangère mais disposant d’un permis de séjour en Suisse.

Voici maintenant le texte, en progrès, de la réclamation:

Organe de médiation RTSR 
Monsieur Emmanuel Schmutz
Rue du Simplon 1
1700 Fribourg

Lucerne, le 11 janvier 2007

Réclamation
Le Journal de 19h30 du 24 décembre 2006

Monsieur,

Nous, plaignants au sens de l’art. 63 LRTV, vous prions de prendre acte du dépôt de la présente réclamation, au sens de l’art. 4 LRTV, à l’encontre de l’émission Le Journal diffusée sur les ondes de la Télévision suisse romande le 24 décembre 2006 de 19h30 à 19h51 puis sur Internet. Les deux rubriques incriminées de cette émission d’information – «Messe de Noël à Bethléem: des précisions avec Stéphane Amar, en direct [01:43 min.]» et «Les Chrétiens de Bethléem s’exilent massivement [02:11 min.]» peuvent être visionnées à cette adresse: 
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=500071&bcid=470227&format=450&vid=7381079

Nous estimons que les informations fournies
– ne reflètent pas équitablement la pluralité des événements et la diversité des opinions, 
– sont tendancieuses, et
– ne permettent pas au public de se faire une opinion équilibrée.

Dans la première des deux séquences consacrées à la ville de Bethléem, où allait se dérouler le soir même la messe de la nativité, on apprend que la situation de la ville est désastreuse car elle «souffre de la coupure avec sa voisine Jérusalem après la construction du mur de séparation voulu par le gouvernement israélien».

Aucune autre explication n’est avancée ou seulement évoquée pour expliquer «l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire» de la ville et le «climat de tension extrême qui règne en Cisjordanie». Puis la parole est donnée à un correspondant sur place qui parle de «l’union entre Chrétiens et Musulmans» «qui font la fête ensemble, qui fraternisent», de «petits garçons musulmans coiffés du bonnet de Noël» et de la visite prochaine de Mahmoud Abbas à l’Église de la Nativité.

Passage à la deuxième séquence: un reportage auprès d’une famille chrétienne de Bethléem. Le présentateur dit que la situation des Chrétiens de Bethléem «est de plus en plus douloureuse. Confrontés à une crise économique sans précédent» (dont nous venons juste d’apprendre qu’elle serait causée par le mur israélien), «victimes de l’occupation israélienne» et, en dernier lieu, «face à l’hostilité des Musulmans, ils s’exilent massivement».

Le commentaire indique une nouvelle fois les raisons de «la fuite des Chrétiens palestiniens»: la crise économique, à nouveau, mais aussi «ce conflit sans fin avec Israël qui les prive de leur liberté de circulation et menace leur sécurité» et «enfin, et c’est un sujet tabou ici, les relations de plus en plus tendues avec les Musulmans».

Pourtant, bien que le commentaire ne fasse mention qu’en dernier lieu des tensions avec les Musulmans et ajoute qu’il s’agirait d’un sujet tabou, c’est bien de cela que semble choisir de parler la Chrétienne interrogée, qui dit même de certains Musulmans qu’ils «semblent souffrir d’une sorte de maladie mentale», selon la traduction proposée (il n’est hélas pas possible d’entendre la déclaration originale de la femme interviewée).

Suit un bref reportage sur les efforts de l’Église franciscaine visant à offrir des logements bon marché à ses ouailles et des images d’un enterrement chrétien sur lesquelles nous apprenons que la communauté chrétienne, qui constituait 75% de la population locale en 1950, n’en forme plus aujourd’hui que 15%. Peut-être serait-il raisonnable d’ajouter aussi qu’il s’agit du taux le plus important, et de loin, pouvant être cité dans cette région: les Chrétiens constituent aujourd’hui moins de 1,5% de la population des Territoires palestiniens, alors que cette région est le berceau de leur religion.

Pas un traître mot sur le terrorisme, la propagande incessante niant la légitimité de l’État d’Israël, la culture de haine, la promotion du racisme et de l’antisémitisme, l’incitation à la guerre promue dans les écoles des territoires palestiniens. Sur tout ce qui a rendu vitale pour les Israéliens la présence de la clôture de sécurité. Ou faudrait-il vraiment que les Israéliens se privent de protection contre des tueurs suicidaires pour ne pas risquer de compromettre la santé économique de leurs voisins? Une santé économique qui dépend, rappelons-le, à peu près uniquement d’Israël.

Rien non plus de concret sur le phénomène dont semble pourtant vouloir parler la femme interrogée – sur la violence, parfois meurtrière (les sœurs Amre, en 2002, traitées de prostituées et assassinées à ce titre alors qu’une autopsie révéla qu’elles étaient vierges), sur les agressions («presque quotidiennes», clame le custode catholique de Terre Sainte, Pierbattista Pizzaballa) des Musulmans contre les Chrétiens, sur le harcèlement que subissent les Chrétiens dans les territoires sous contrôle palestinien.

Ainsi, à en croire la TSR, les problèmes des Chrétiens de Cisjordanie proviennent essentiellement d’Israël et semblent résulter d’un choix péremptoire, car non expliqué. Pour les gens qui prennent leurs renseignements à cette seule source, ou qui la considèrent comme une source particulièrement digne de confiance, et ce avec quelque raison, puisque la loi l’oblige en principe, en matière d’information, à proposer des programmes qui «représentent fidèlement les événements [et] reflètent équitablement la pluralité de ceux-ci ainsi que la diversité des opinions», il est évident que le problème de ces gens est Israël, et que les Musulmans causent tout au plus quelques désagréments.

Et comme cette attitude, ces omissions de la part du service d’information de la TSR ne sont pas des cas isolés, comme l’indique par exemple l’examen approfondi des convictions de hauts responsables de l’information à la TSR rendu possible par une procédure de plainte analogue visant une émission de Temps Présent consacrée au Hezbollah, il devient de moins en moins difficile, dans le public suisse romand, d’émettre des opinions défavorables à Israël et de plus en plus acceptable de faire certains amalgames entre Israéliens et Juifs.

Et c’est ainsi que, sans racisme conventionnel, sans discours haineux, sans diatribes assassines, simplement à force d’omissions de plus en plus subtiles, les médias apparemment les plus fiables contribuent à répandre l’antisémitisme moderne, aujourd’hui d’origine essentiellement musulmane.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *