Michel de Poncins: L’APOLOGUE DES AMPHORES

Votre argent vous intéresse

l’économie de marché expliquée à tous 

Nul ne peut nier l’importance extrême des biens que l’on dénomme à juste titre : « biens culturels » dans la vie de tous les jours et, par voie de conséquence, dans la richesse générale. Lorsque l’on a suffisamment satisfait les besoins élémentaires de nourriture, de vêtements, de logement, il est clair que la vie culturelle concourt à l’embellissement de la vie tout court.

L’exercice du libre droit de propriété est absolument essentiel dans ce domaine comme ailleurs, d’où cette leçon sur la circulation des biens culturels faisant suite à celle sur la circulation des biens de capitaux.

Pour bénéficier de cette richesse il est absolument nécessaire de pouvoir faire ses choix en toute liberté : liberté d’acheter selon ses moyens et de vendre à qui on veut et au prix que l’on veut, liberté de visiter  l’exposition que l’on désire voir, liberté pour les gérants de musée de diriger leur musée comme ils l’entendent, afin de donner aux visiteurs le plaisir qu’ils en attendent, liberté de se livrer à toutes les recherches nécessaires.

Pour bien comprendre cela je vais citer quelques exemples.

En Suisse, à Martigny, se trouve l’un des plus beaux  musées du monde avec des expositions de très grande qualité, lesquelles se succèdent toute l’année. Ce musée vient uniquement d’une initiative privée grâce à un généreux mécène ; l’initiative s’est développée au fil des années et le musée  est géré d’une façon dynamique dans une totale liberté, à la suite du mécène qui avait pris les dispositions nécessaires à cet effet. Aux U.S.A., il en est de même pour un très grand nombre de musées, parmi les plus célèbres au monde.

Voici aussi l’exemple des amphores. Le commerce, dans l’Antiquité, à l’intérieur de la Méditerranée était tout à fait considérable;  les conditions difficiles de la navigation conduisaient à beaucoup de naufrages et, nécessairement, il se trouve au fond de la mer une grande quantité d’amphores. En France les recherches archéologiques sous-marines sont étroitement surveillées et nul n’a légalement le droit de rechercher librement ces objets et de les remonter pour les exposer dans son salon. Cette interdiction est absolument contraire au droit naturel puisque ces amphores ont été abandonnées par leurs légitimes propriétaires il y a parfois des centaines d’années ; elles sont devenues  « res nullius » et, selon le viel adage « en fait de meubles la possession vaut titre », le découvreur de ces objets devrait en être le légitime propriétaire.

Il est clair que cette prétention de l’Etat français, et de bien d’autres Etats, de mettre la main d’une façon injuste sur ces objets est contraire à l’accroissement de la richesse générale. Leur destination officielle est, en effet, d’être exposées dans des musées et que peut faire aux visiteurs blasés la contemplation de centaines d’amphores, alignées comme dans une parade ? Il faut, aussi, compter avec  les rapines inévitables dès lors qu’il y a un surplus de ces objets dans tous les musées et qu’elles sont souvent entreposées dans des réserves sans véritable contrôle.

En regard, se trouve le plaisir que trouvera à l’exposer dans sa salle à manger le  propriétaire légitime d’une seule amphore, qu’il l’ait obtenu par ses propres talents de découvreur ou par achat sur un libre marché. Parallèlement, la liberté multiplierait les explorations et donc les récupérations d’amphores pour le plus grand bien de tous.

Les entraves à la liberté en France et dans de multiples pays débordent largement le domaine des amphores et des recherches archéologiques sous-marines. Pêle-mêle on peut citer : les droits de préemption, l’inaliénabilité qui frappe la plupart des objets de musée, les interdictions de sortie (actuellement, en France, un tableau de Poussin fait l’objet de controverses car les musées nationalisés n’ont pas les moyens de le payer). 

La paupérisation est le résultat de toutes ces pratiques. Quand un propriétaire veut vendre un tableau frappé d’interdiction de sortie et malgré l’intervention d’experts pour son évaluation, il se vend aux pouvoirs publics à un prix bradé : personne, sur le marché, ne s’y intéresse vraiment, puisque l’on sait que la préemption jouera; c’est le même phénomène qui se passe dans le domaine immobilier avec le droit de préemption des maires. L’entassement dans les caves des musées d’œuvres que personne ne verra prive une foule de gens de la possibilité d’avoir chez eux des œuvres d’art.

Terminons par une remarque. Voir la Joconde cinq minutes dans sa vie et, le cas échéant, plusieurs fois cinq minutes est peut-être agréable mais les cinq minutes passent vite. Avoir chez soi une très modeste gravure achetée 1000 euros lors d’un voyage permet tous les jours de goûter, d’une façon  simple mais sûre, à la magie des belles choses: mais il faut, encore, avoir les 1000 euros, malgré la ruine générée par la politique à prétention culturelle de l’Etat !

Michel de Poncins

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