Francis Richard : le courage de paysans vietnamiens et du bonze Thich Quang Do.

khieu_kien_-_ht_quang_do_2_-2.jpg Doris Leuthard vient de se rendre au Vietnam. A en croire Jean-Claude Péclet (Le Temps du 16 juillet 2007), elle a rappelé le 15 juillet dernier à ses hôtes vietnamiens que « la Suisse attache de l’importance à une mise en application des lois transparentes et identiques pour tous, à l’indépendance du pouvoir judiciaire et au respect des droits de l’homme ». C’est mieux que rien, mais c’est bien insuffisant. Il faudra faire pression.

La dictature communiste vietnamienne n’est pas une dictature de circonstances, susceptible de disparaître quand les circonstances exceptionnelles qui ont peut-être justifié un jour son instauration auront disparu. En cela elle ne s’apparente guère aux dictatures des généraux Franco ou Pinochet qui ont préludé l’une comme l’autre à un retour plus ou moins rapide à la démocratie. Non, il s’agit là d’une dictature destinée à durer parce qu’elle repose sur une conception totalitaire de l’état, dont l’une des caractéristiques est l’existence d’un parti unique, en l’occurrence le parti communiste vietnamien.

Lundi 16 juillet la Suisse a signé quatre accords pour soutenir le Vietnam, devenu membre de l’OMC en janvier dernier. Ce soutien, qui va progressivement remplacer l’aide au développement jusqu’alors consentie par la Suisse, est l’aveu de l’échec du socialisme vietnamien. Un réel développement économique ne peut avoir lieu dans un pays où les libertés fondamentales ne sont pas respectées, notamment la propriété privée, dans l’acception la plus large de l’expression.

Ces accords portent sur la protection de la propriété industrielle, « sur le transfert de savoir-faire OMC en formant des diplomates et des fonctionnaires », sur « un soutien aux autorités vietnamiennes de la concurrence », sur la réforme du système bancaire (Le Temps du 17 juillet 2007). Marx doit se retourner dans sa tombe du cimetière chic de Highgate, situé dans le nord de Londres…

Ce soutien est bien bel et beau, mais il n’a aucune chance d’être réellement efficace tant que les conditions juridiques auxquelles la Suisse, par la voix de Doris Leuthard, dit attacher de l’importance, n’auront pas eu un commencement d’application.

Alors que Doris Leuthard se trouvait au Vietnam, une manifestation commencée le 22 juin dernier, se poursuivait à Saigon, devant le bureau de représentation de l’Assemblée nationale. Les manifestants, au nombre de plusieurs centaines, étaient des paysans dont les terres venaient d’être expropriées. Les expropriations, de plusieurs centaines d’hectares chaque année, sont destinées à « la construction de zones industrielles ou d’autres projets d’infrastructure » (dépêche AP du 7 juillet 2007). Or ces expropriations sont indemnisées de manière très insuffisante. Il semblerait que les fonctionnaires en charge prélèvent leur « dû » au passage. La corruption va toujours de pair avec le totalitarisme. D’où la colère des paysans lésés.

Mardi 17 juillet encore, cette manifestation recevait le soutien du moine bouddhiste dissident, Thich Quang Do. Pour la première fois depuis 26 ans, ce vénérable bonze de 78 ans, leader en second de l’EBUV (Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam) prenait la parole en public et déclarait :

« Je suis venu ici pour partager vos difficultés et exprimer la profonde préoccupation de l’EBUV sur l’injustice dont vous souffrez. Tout comme vous, l’EBUV est victime de l’injustice ».

Thich Quang Do sait de quoi il parle, lui qui a été emprisonné à plusieurs reprises.

Il ajoutait :

« Il ne peut y avoir de justice dans un état à parti unique. Nous devons travailler ensemble jusqu’à l’avènement de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme pour le peuple vietnamien ».

Pour mesurer le courage de ce vénérable bonze et celui des centaines de paysans, il faut savoir que, pour ce genre de propos ou de manifestations, des dissidents ont été mis cette année en prison, jugés et condamnés à de lourdes peines de prison par le régime dictatorial communiste au pouvoir au Vietnam, en vertu de l’article 88 du code pénal vietnamien qui réprime « la propagande contre l’Etat de la République Socialiste du Vietnam ».

Dans la nuit du 18 au 19 juillet, le 19 était programmé la session de l’Assemblée nationale, un millier de policiers vietnamiens ont bouclé le quartier où se déroulait la manifestation depuis 27 jours. Ils ont brouillé les téléphones portables et embarqué les manifestants dans des autocars.

Selon un témoin :

« La police a tiré d’un coup sec vers le bas toutes les tentes, les bannières et les panneaux. Ils ont conduit des groupes de protestataires dans un autobus jusqu’à ce qu’il fût complètement rempli, puis ils ont fait remplir le deuxième autobus (…). Ils n’ont pas eu besoin de frapper qui que ce fût parce que personne n’avait plus la force de résister » (dpa 19 juillet 2007).

Pendant 27 jours des centaines de paysans avaient tout de même résisté à la mousson, au blocus empêchant le ravitaillement en nourriture et vêtement, aux harcèlements et intimidations policières.

Comment venir en aide à tous ceux qui, au Vietnam, luttent pour leurs libertés ? Il faut parler de ce qu’ils subissent là-bas et informer les dirigeants de nos pays pour qu’ils fassent pression sur les dirigeants communistes vietnamiens, soucieux de leur image à l’extérieur du pays. Sans cette image ils savent qu’ils risquent fort de ne plus recevoir aides, ou soutiens, nécessités, par la ruine que leur politique socialiste inflige à leur malheureux pays.

Ne croyez pas que c’est inutile. J’en veux pour preuve les récentes libérations de dissidents, tel que le journaliste Nguyen Vu Binh, condamné à 7 ans de prison le 31 décembre 2003 et libéré le 9 juin dernier sous la pression des Etats-Unis et de l’Union européenne, ou tel que l’avocat Le Quoc Quan libéré le 8 juillet après un séjour d’une centaine de jours en prison.

En guise de remerciement à tous ceux qui ont permis sa libération Le Quoc Quan dédie ce passage de la Deuxième Lettre de Saint Paul à Timothée :

« J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la Foi ».

Francis Richard

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