Francis Richard : A Lausanne débat Dolivo versus Freysinger

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Dans la Salle des Cantons, à la gare de Lausanne, hier soir, devant une salle comble, a eu lieu le débat attendu, organisé par SOS Racisme, entre Jean-Michel Dolivo, député au Grand Conseil vaudois, élu sur la liste d’« A Gauche toute », et membre de SOS Racisme, et Oskar Freysinger, Conseiller national UDC du Valais. L’objet du débat : « Vivons-nous dans l’insécurité ? Devons-nous craindre les étrangers ? ».

Tout oppose les deux  protagonistes. Jean-Michel Dolivo a l’allure et l’accoutrement caractéristiques de l’homme de gauche toute qu’il veut symboliser. Il porte chemise à col ouvert et la couronne de ses cheveux flotte en désordre autour de sa calvitie reconnaissable entre toutes. Oskar Freysinger est comme d’habitude inclassable. Il porte veste et cravate, tandis que ses cheveux fournis se réunissent, bien ordonnés, en une queue de cheval désormais légendaire.

La puissance invitante est SOS Racisme, qui a fait de l’anti-racisme son fonds de commerce. A la tribune se trouvent les deux intervenants, ainsi que Karl Grünberg, secrétaire de SOS Racisme, et Georges Pop, journaliste, qui assume très bien sa tâche de modérateur. La salle n’est pas tout entière acquise à SOS Racisme, ce qui incline à modérer les ardeurs anti-UDC pendant le débat et les questions.More...

Karl Grünberg regrette que l’anti-racisme ne puisse utiliser que la seule arme pénale, mais il relativise son utilisation en soulignant que les procès engagés en vertu de la norme pénale anti-raciste sont seulement au nombre d’une dizaine par an…

Jean-Michel Dolivo, après avoir visité le site perso d’Oskar Freysinger se livre à une attaque ad hominem en règle. Il dit à son propos qu’il a la « tonalité d’un patriote, mais en chemise noire ». Il s’en prend à l’initiative de l’UDC demandant l’expulsion des criminels étrangers. Elle se baserait sur des chiffres qui ne seraient que des indicateurs, à relativiser selon les dires mêmes de ceux qui les ont établis : « Les chiffres sont pour l’UDC ce que sont les lampadaires pour les ivrognes : un appui plutôt qu’un éclairage ». Image facile, mais efficace…à l’applaudimètre.

Oskar Freysinger a fait le test sur le racisme en vente à la Migros. Le test s’est révélé négatif. C’est pourquoi il ne comprend pas pourquoi il est l’objet de tant de haine et de tant d’opprobre. Il ne comprend pas non plus pourquoi tant d’étrangers viennent dans notre pays s’ils le considèrent comme une prison. Pour ce qui est des chiffres, ils sont têtus comme les faits. Il y a bel et bien 70% d’étrangers dans les prisons. « Si on refuse de voir un problème, on ne pourra pas le résoudre ».

Pour Oskar Freysinger l’Islam politique et juridique pose problème. Car dans l’Islam il n’y a pas de séparation entre le politique et le religieux. L’adoption de régimes particuliers pour complaire aux musulmans pose donc elle-aussi problème. Pour Dolivo les musulmans sont aussi divisés que les chrétiens. Toutes les religions sont d’ailleurs égales  pour ce qui est de recruter des terroristes et de citer le Liban chrétien, qui appréciera… d’autant que les deux gardes du corps du député UDC sont … Libanais. Pour Freysinger, dans nos pays occidentaux, tout texte, même religieux, peut être remis en cause. Ce qui n’est pas le cas avec le Coran, écrit pourtant deux cents ans après la mort du prophète.

A propos de l’affiche des moutons reprise par le NPD, Oskar Freysinger met « dans la même soupe » les extrémistes de droite et de gauche. Il considère la liberté d’expression comme l’un des fondements d’un Etat de droit et prône le respect des personnes. Jean-Michel Dolivo lui rétorque que le respect qu’il prétend défendre est en contradiction avec la fameuse affiche des moutons blancs et noir. Selon lui l’UDC adopte ouvertement une politique raciste dont les migrants sont victimes.

Oskar Freysinger réplique que Jean-Michel Dolivo ne connaît pas le Français. « Mouton noir » est une expression. Bientôt, à ce compte-là, il ne sera plus possible de parler de « boîte noire » ou de « pinot noir ». A l’entendre, Jean-Michel Dolivo chercherait surtout à défendre les criminels.

Plus tard dans la salle un auditeur racontera que dans sa jeunesse il était l’élément perturbateur de la classe et que son enseignant l’appelait « mouton noir »…

L’avocat Jean-Michel Dolivo fait alors un terrible procès d’intention. L’UDC penserait si fort que le « mouton noir » est un criminel à la peau noire que les personnes de couleur noire ne pourraient que se sentir visées et blessées. Oskar Freysinger revêtira désormais un scaphandre pour que sa pensée ne puisse plus ainsi lui échapper…J’ajoute que la gauche, depuis ses origines révolutionnaires et la loi des suspects, a la fâcheuse habitude de condamner ses adversaires en leur prêtant sans preuve, et pour cause, certaines façons de penser…

Les deux intervenants s’accordent sur la nécessité de l’intégration des étrangers. Là où ils divergent c’est sur la question des droits des étrangers que Jean-Michel Dolivo met en avant en se gardant de parler de devoirs, ce qu’Oskar Freysinger tient à souligner. Tandis que Jean-Michel Dolivo affirme que l’UDC s’attaque aux étrangers d’une manière générale, Oskar Freysinger rappelle que l’initiative de l’UDC a pour seule cible une minorité de criminels étrangers qui empoisonne l’existence de tout le monde.

En conclusion du débat Jean-Michel Dolivo entend poursuivre la lutte pour le droit des migrants et contre le racisme. Freysinger, de son côté, lit son poème sur « l’enfant de partout », avec l’espoir que la poésie puisse réconcilier les contraires. Karl Grünberg, au lieu de prendre de la hauteur, se livre à une dernière attaque en règle contre l’UDC dont il dénonce le caractère raciste, sans autre forme de procès et sans tenir compte des appels à la modération de Georges Pop, à qui il impose silence de manière dictatoriale.

Au cours du débat j’ai relevé qu’Oskar Freysinger, depuis qu’il est entré en politique se dit déchiré entre le relatif et l’absolu qu’incarnent respectivement Créon et Antigone. C’est malheureusement le lot de tous les hommes qui agissent, serais-je tenté de lui dire.

J’ai relevé aussi cette définition du racisme dans la bouche de Jean-Michel Dolivo :« Le racisme c’est l’atteinte de la personnalité ». Elle est suffisamment générale pour englober n’importe quoi. Ce qui est peut-être sémantiquement correct aujourd’hui, mais laisse toute la place à l’arbitraire…

Quoi qu’il en soit, à cette aune, comment mesurer les atteintes à la personnalité d’Oskar Freysinger auxquelles s’est livré Jean-Michel Dolivo, soi-même, au début et à certains moments du débat ? Sans parler de certaines questions en provenance de l’assistance, visiblement favorables à SOS Racisme et …franchement injurieuses.   

Francis Richard