Francis Richard : Le jeu des étiquettes européennes collées à l’UDC

9eme-sondage-gfs.jpg« Le Temps » ne sait plus comment tirer sur l’UDC, qui aurait le vent en poupe suivant le dernier sondage Gfs-Berne. Comme c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, sous la plume de Richard Werly, il utilise le jeu des étiquettes pour mitonner son attaque de ce jour contre l’UDC (ici). Pour ce il convoque à la barre trois témoins à charge. Il s’agit d’européens anonymes, et peut-être inventés pour la cause, qui traînent opportunément leurs guêtres à Bruxelles : un diplomate, un haut fonctionnaire et un observateur. C’est évidemment plus chic que d’employer directement « on » ce pronom impersonnel, et néanmoins utile.

Que dit le diplomate ? « On prend note de l’effervescence actuelle de la campagne, et des polémiques provoquées par les thématiques et autres affiches de l’UDC. Mais on n’est pas inquiet. Après tout, ce genre de discours, et ce genre de pratiques politiques sont fréquentes au sein des pays membres de l’UE. Combien d’Etats ont, ou ont eu dans leur passé récent, un parti populiste crédité de 20 à 25% des voix? Une bonne partie. Les Suisses n’ont peut-être pas l’habitude. Nous si… » (c’est moi qui souligne les « on »).

Le fameux diplomate feint d’ignorer, ce qui le rend crédible, que l’UDC est à cet étiage depuis longtemps. En attendant l’étiquette de « populiste » est collée au passage, ce qui ne mange pas de pain.

Que dit le haut fonctionnaire ?  « Le parallèle le plus souvent entendu dans les couloirs est entre Blocher et Jörg Haider – l’ex-président populiste et xénophobe du FPÖ autrichien, dont l’alliance en 2000 avec le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel avait entraîné une série de rétorsions de la part des pays membres de l’UE. Mais, en plus de leurs différences, l’impact des deux personnalités sur l’UE est radicalement différent. M. Blocher n’est pas de la famille communautaire. »

L’étiquette de « xénophobe » s’ajoute maintenant à celle de « populiste ». La menace de rétorsions est implicite, même si le haut fonctionnaire se veut rassurant puisque de telles mesures sont seulement réservées à un membre de la famille communautaire… quand il ne file pas droit. C’est involontairement, et indirectement, un plaidoyer pour les bilatérales…

Que dit l’observateur ? « Dans ce cas de figure (celui d’une présidence Blocher), et selon l’agenda que défendra l’UDC, les relations peuvent en effet devenir plus cassantes. La présidence de l’Union, à ce moment-là, tiendra sûrement à rappeler quelques principes. »

Sans parler de mesures de rétorsions, la menace européenne, à l’égard de la Suisse, d’implicite se fait un peu plus précise. Au fait, au bout du compte, des relations plus cassantes ne pourraient-elles pas aller jusqu’à la rupture ? J’en tremble déjà.

Bien pratique cet observateur en tout cas, puisqu’il ajoute : « L’extrême droite fait partie de notre paysage. Cela prouve bien que la Suisse n’est pas différente. »

Et vlan! Cette fois l’ultime étiquette est collée, celle d' »extrême-droite ». Le mépris européen pour la Suisse, réaffirmé là, la crédibilise. En effet on peut presque lire sur les lèvres de l’observateur providentiel l’assertion sous-jacente : vous, Suisses, n’êtes pas mieux que nous, Européens.

Entre-temps, sans se mouiller, sous caution européenne, le folliculaire du « Temps » aura collé toutes les étiquettes qu’il voulait coller à l’UDC sans avoir l’air d’y toucher, tout en insinuant que l’UDC est une menace pour les bonnes relations avec l’UE. De la belle ouvrage !

Francis Richard