Francis Richard : L’Hebdo avait tout faux, et le monde politico-médiatique itou

blocher.jpgDans son dernier numéro, celui du 18 octobre, « L’Hebdo » demandait d’oublier les sondages et de se fier à son pronostic électoral. Etait-ce bien encore du journalisme ? N’était-ce pas plutôt pure propagande ? Certes « L’Hebdo » avait raison pour ce qui concerne les cantons. C’était bien à ce niveau-là que les élections fédérales se jouaient, mais il a pris ses désirs pour des réalités, et s’est fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude…

La rédaction de l’hebdomadaire romand était obnubilée par l’UDC. Elle ne jurait que contre elle. C’est cette obsession qui l’a rendue complètement aveugle. La passion est mauvaise conseillère. Car, à les regarder de plus près, ce sont bien les sondages qui avaient raison, et les résultats d’hier se trouvent parfaitement dans la marge d’erreur annoncée, de 2,2%. Certes ils avaient un peu sous-estimé le score de l’UDC et un peu surestimé celui du PS, mais les grandes tendances étaient pourtant bien là, et ne pouvaient que se retrouver au niveau cantonal.

« Premier, mais perdant… » tel était le titre de l’éditorial de Mario Sessa dans ce numéro, historique à bien des égards. Sessa voulait parler bien sûr de l’UDC qui pourrait perdre jusqu’à trois sièges et …s’en pourléchait d’avance les babines. Le peuple a apporté un démenti sévère à ce faiseur d’opinion, qui n’est, après cet exploit, qu’un faiseur tout court. On connaît le résultat. L’UDC a gagné 7 sièges au National. La marge d’erreur de « L’Hebdo » est de 10 sièges, soit de 20%, à comparer à celle des sondages (2,2%) qu’il fallait oublier de toute urgence…

Dans ce pronostic électoral tout était à l’avenant. La chute du PS devait être de 3 sièges, elle est de 9; celle du PRD de 1, elle est de 5. Même les gains pronostiqués des Verts et du PDC étaient à côté de la plaque. Ils devaient gagner respectivement 4 sièges et 1 siège, ils en ont finalement gagné 7 et 3. Enfin le Parti du Travail et Solidarités devaient conserver leurs 3 sièges, ils n’en ont plus qu’un. Parmi les recalés Zorro, alias Josef Zysiadis, le popiste qui fait beaucoup de bruit pour rien… Lot de consolation le pronostic relatif aux Verts libéraux était exact. 

En Suisse romande, où l’on pouvait penser que « L’Hebdo » était en terrain connu, il s’est trompé dans son pronostic sur le nombre de députés UDC dans les cantons de Vaud et de Genève, c’est-à-dire dans les cantons les plus peuplés, parce qu’il a, là encore, pris ses désirs pour des réalités. L’UDC devait perdre un siège à Genève, il en garde 2, et devance tous les autres partis en nombre de voix. L’UDC devait maintenir ses 4 sièges dans le canton de Vaud, il en gagne 1. L’UDC ne devait avoir aucun siège dans le Jura, pas de chance il en décroche un. L’UDC devait gagner un siège à Fribourg, et il ne l’a pas eu. La bérézina journalistique complète. « L’Hebdo » n’est pas toujours bon pour la tête…

Pourquoi le monde politico-médiatique, comme L’Hebdo, s’est-il aussi lourdement trompé sur l’UDC ? Parce que justement il s’est monté la tête. Il n’est pas à l’écoute du peuple. Il vit dans un monde clos où seul compte l’avis de ses semblables, fussent-ils étrangers. Il n’est que de voir quelle résonance les médias romands donnent aux articles de journaux européens tels que « Libération », « Le Monde », « La Repubblica » ou « El Pais », qui ont pour trait commun d’être de gauche, voire d’extrême-gauche, et dont les correspondants écrivent parfois même dans leurs colonnes…

Hier soir sur la TSR, presque pleurnichant, choyé pourtant par tous les médias, dont il ne récuse pas l’appui quasi permanent, Pierre-Yves Maillard s’est plaint d’avoir manqué de moyens face à la débauche de moyens financiers employés par l’UDC. Comme le dit fort justement Marie-Hélène Miauton dans « Le Temps » de ce jour il est bien méprisant de sa part , comme de celle de Christophe Darbellay, qui a entonné le même refrain, de considérer que les citoyens suisses puissent être achetés et se laisser séduire par les discours simplistes de l’UDC alors que les leurs de discours seraient profonds, sous-entendu inaccessibles. La chroniqueuse du « Temps » conclut avec bon sens :

« En clair, le peuple est donc idiot ! Mais ces beaux messieurs réalisent-ils que leurs injures mettent directement en cause notre système démocratique, au bénéfice d’un vote censitaire ou d’une bonne dictature ! »

Ce sont gens qui n’aiment pas le peuple quand il vote mal… 

Francis Richard