Francis Richard : Dites-moi où, n’en quel pays, on expulse les étrangers

romano-prodi.jpgLa nouvelle est tombée comme un couperet. La voici dans toute sa sécheresse, extraite de «24 Heures » paru hier : « Un décret-loi, adopté d’urgence, autorise désormais les préfets à expulser les immigrés de l’Union européenne n’ayant pas commis de délits, mais dont la présence « menace la paix civile ». Une expulsion manu militari et sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire ».

Aurais-je raté un épisode et serais-je sorti d’un coma profond pendant lequel le monde aurait continué de tourner dans un sens inattendu ? L’initiative de l’UDC demandant l’expulsion des criminels étrangers aurait-elle non seulement abouti, mais été votée ? Fort de ce succès l’UDC aurait-elle poussé le bouchon plus loin, demandant et obtenant cette fois que non seulement les criminels, mais tous les étrangers menaçant la paix civile soient reconduits à la frontière ?

Il ne s’agit pas de politique fiction, et je n’ai pas dormi pendant quelques mois, ou quelques années, comme la Belle au Bois dormant. Non, il s’agit d’une mesure prise cette semaine, de manière précipitée, et arbitraire, dans un pays proche de la Suisse, l’Italie.

L’Italie ? Eh oui. Pourquoi ? Il y a bien un problème de criminels étrangers à l’origine de cette décision intempestive. Selon le correspondant à Rome de « 24 Heures » il y aurait 556’000 ressortissants roumains en Italie. Ils y représenteraient la plus importante communauté immigrée. Au sein de cette communauté beaucoup seraient des Roms « qui, nous dit Dominique Dunglas, résident dans des bidonvilles et se consacrent à la mendicité, aux petits trafics ou au vol. Un taux de criminalité élevé qui est confirmé par les chiffres ». Cela ne vous rappelle-t-il rien ?

Dominique Dunglas se fait plus précis : « Dans la capitale, les Roumains représentent un quart des 13’000 arrestations effectuées en un an. Ils se distinguent autant par le nombre que par la gravité et la violence des délits qu’ils commettent ».

Ce qui a fait déborder le vase c’est le viol et le meurtre d’une Italienne de 47 ans par un jeune Rom de 24 ans : « Un crime qui a choqué l’opinion publique et qui a mis la communauté roumaine au banc des accusés ».

Qui a pris cette décision sous forme de décret-loi ? Un populiste ? Un émule de Mussolini ? Un xénophobe ? Un raciste ? Non pas. Il s’agit de Romano Prodi. Vous savez cet homme de gauche que tout le monde politico-médiatique encensait naguère – dont il ne sait maintenant que penser – et qui avait bouté hors du pouvoir cet affreux Silvio Berlusconi dont il fallait assurément penser pis que pendre.

Cette curieuse évolution du droit italien, modifié au gré des circonstances, fussent-elles tragiques, ne devrait-elle pas nous faire réfléchir ? Car comment définir ceux qui menacent la paix civile sans avoir encore commis de délits ? Plutôt que de laisser les choses empirer chez nous ne devrait-on pas prévenir plutôt que guérir, ne pas laisser entrer n’importe qui, même en provenance de l’Union européenne, et éviter d’en arriver à condamner toute une communauté parce qu’en son sein il y a des moutons noirs ?

Pardon, cela m’a échappé. J’avais oublié que l’emploi de l’expression « moutons noirs » était désormais « verboten »…

Francis Richard