Francis Richard : Le pétrole flambe, l’Etat engrange

puits-petrole.jpgA la une de « 24 Heures » de samedi-dimanche 3-4 novembre 2007 ce titre accrocheur : « L’or noir flambe, tout le monde trinque », en introduction à plusieurs articles sur le sujet. Le quotidien lausannois souligne que « ce n’est pas seulement le prix de l’essence qui va augmenter, mais aussi les transports aériens, le chauffage et même l’alimentation ». Il oublie de rappeler précisément ce que l’Etat perçoit au passage, et notamment sur le litre d’essence. Ce qui est fâcheux.

Certes « 24 Heures » remarque qu’en comparaison avec les autres pays européens, « les automobilistes helvétiques ne s’en sortent pas si mal » « parce qu’en Suisse les taxes fiscales sont moins hautes que dans la plupart des pays voisins ». Ce qui n’est pas une consolation.

Profitons de l’occasion pour rafraîchir les mémoires. Le prix au litre du Sans Plomb 95 est aujourd’hui autour de 1 franc 80 et son  prix hors taxes correspondant est de 92,67 centimes. Bien plus que le roi Abdallah d’Arabie, fustigé par Serge Enderlin, dans un article des pages intérieures de « 24 Heures », l’Etat helvétique s’enrichit en dormant. 

Sur un litre il s’adjuge en effet 73,12 centimes de taxe sur les huiles minérales, 1,5 centime de « centime climatique » et 12,71 centimes de TVA, soit un total de 87,33 centimes par litre, ou, si vous préférez 48,5% du prix de vente. Une sacrée « comm »…

Or le rêve des écologistes de tous poils est d’en remettre une couche. Et pas une petite couche puisque, sous couvert de lutte contre le CO2, qui serait responsable du réchauffement climatique etc., ce ne serait pas moins de 50 centimes supplémentaires par litre qui rentreraient dans les caisses de l’Etat. L’effet de ruine socialiste en serait accru, comme le sort des marins-pêcheurs français en est l’actuelle illustration.

Mais ne tombons pas dans le catastrophisme, dans lequel sombre Serge Enderlin dans son édito de couverture de « 24 Heures ». Après avoir évoqué le spectre des réserves mondiales qui commenceraient « inexorablement à baisser » (le fameux « peak oil »), pris d’un doute, il écrit : « Qu’il en reste ou non, le pétrole doit mourir. Prise de conscience climatique, irruption du danger CO2, angoisse pour les générations futures. Nos économies riches construites par la grâce d’hydrocarbures bon marché ne sont plus durables. Il est temps de considérer le sevrage »

Qu’entend-il par sevrage ? Il se garde bien de le dire. Et pour cause. Par sevrage il faudrait entendre restrictions, donc décroissance économique, donc perte de niveau de vie, donc appauvrissement qui toucherait de plein fouet les plus démunis. Ce scénario catastrophe est heureusement improbable si le monde refuse d’écouter les prophètes de malheur, et d’appliquer les remèdes totalitaires de la révolution verte que Serge Enderlin appelle de ses vœux.

Car, contrairement à ce que disent les oiseaux de mauvais augure, la fin du pétrole n’est pas pour demain. Toutes les prévisions antérieures sur les réserves mondiales se sont révélées fausses. Tout simplement parce que les « réserves prouvées » n’étaient que celles profitables de forer à un niveau technologique donné et que les technologies d’extraction se sont à chaque fois perfectionnées. L’augmentation momentanée du prix du pétrole, bien que faussée par les règlements et la fiscalité des Etats, ayant pour vertu de rendre profitable l’exploitation de réserves qui ne l’étaient pas auparavant et de repousser d’autant les limites de ces mêmes réserves.

Une source d’énergie n’en remplace une autre que lorsqu’elle présente des avantages supérieurs à celle qu’elle remplace. Il en a été ainsi quand le charbon a succédé au bois et quand le pétrole a pris la place du charbon. Il en sera de même avec le pétrole. Pour autant que les Etats n’empêchent pas cette source d’énergie de fournir l’énergie nécessaire à son propre remplacement.

Francis Richard