Francis Richard : Que faire de Présence Suisse ?

presence-suisse.gifDans son édition du 5 novembre, Le Temps, sous la plume de D.S. Miéville, se livre à une énième attaque contre Christoph Blocher, ce qui ne surprendra pas le lecteur habituel du quotidien genevois. D’après le titre de l’article, Christoph Blocher voudrait « museler ses « ennemis » dans l’administration fédérale ».

Les termes miévilleux de « museler » et d’« ennemis » ne sont pas anodins. « Museler » signifie clairement faire taire et « ennemis » évoque implicitement une guerre. Il ne reste plus qu’à prêter à l’ennemi des émotions invérifiables : l’UDC serait plus affectée qu’elle ne le dit par la campagne médiatique internationale dirigée contre elle, et Christoph Blocher aurait fait une grosse colère lors de la séance du Conseil fédéral du 31 octobre. Le décor est planté…

Qui seraient les « ennemis » de Christoph Blocher au sein de l’administration fédérale ? Présence Suisse et la Mission suisse auprès des organisations internationales à Genève. En fait il serait plus juste de dire que ces organismes considèrent Christoph Blocher comme l’ennemi à abattre plutôt que l’inverse. Toujours est-il que Christoph Blocher leur reprocherait de ne pas avoir informé de manière objective la presse internationale pendant la campagne électorale.

Dans le collimateur de Christoph Blocher il y aurait d’une part la réunion organisée par Présence Suisse le 4 octobre devant un parterre de 35 journalistes étrangers, d’autre part la petite phrase de Raphaël Saborit, responsable des relations avec les médias de la Mission suisse, parue dans Le Monde du 19 octobre.

L’Hebdo du 11 octobre faisait le récit suivant de cette réunion du 4 octobre : « Les représentants de quatre des cinq plus grands partis de Suisse ont martelé presque tous le même message : « Non, notre pays n’est pas xénophobe : 73% des gens ne votent pas UDC », a souligné la conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/GE) ». L’Hebdo ajoutait : « Les journalistes étrangers n’ont été qu’à moitié rassurés ».

On l’aurait été à moins. Car, par ce genre d’assertion, la conseillère nationale genevoise et ses comparses accréditaient la thèse fallacieuse qu’a contrario il y aurait 27% de xénophobes dans le pays puisqu’ils votent UDC, et Madame Roth- Bernasconi était 2 points en-dessous de la vérité … C’est ce qu’on appelle jouer contre le camp que l’on prétendait défendre…

Une question se pose. Je rappelle pour mémoire que Présence Suisse a pour mandat, entre autres, « de susciter de la compréhension et de la sympathie pour notre pays et mettre en valeur sa diversité et son attractivité ». Présence Suisse était-elle dans son rôle, en pleine campagne électorale, en laissant dénigrer un parti par les quatre autres représentés à cette réunion ? 

Selon Miéville, Christoph Blocher aurait qualifié Présence Suisse d’ « organisation inutile et nuisible à supprimer au plus vite »…

La phrase de Raphaël Saborit, reproduite dans Le Monde du 19 octobre, était la suivante : « Le monde politique estime qu’ils (Blocher et ses proches) imposent un nouveau style, une polarisation et une personnalisation extrême et que cela à long terme menace le système de concordance ».

Selon Miéville, Christoph Blocher aurait accusé La Mission suisse de vouloir « tout à fait ouvertement convaincre qu’il existe dans ce pays une certaine force politique qui menace le système de concordance ».

Que Christoph Blocher soit réellement, ou non, intervenu ainsi, lors de la séance du Conseil fédéral du 31 octobre, ne change rien au fond. Dans le cas de la réunion du 4 octobre comme dans celui de la petite phrase, des membres de l’administration fédérale ont contribué à salir l’image de la Suisse et celle d’un parti présent au gouvernement alors que leurs attributions étaient de faire exactement l’inverse.

Il est piteux, par exemple, que, dans un entretien accordé à Courrier International du 19 octobre, Johannes Matyassy, patron de Présence Suisse, ait déclaré, à propos de la politique du pays à l’égard des étrangers vue par la presse internationale : « L’expérience montre que seuls des articles négatifs écrits régulièrement et pendant longtemps peuvent changer une image ».

Autrement dit cela aurait écorché les lèvres de Johannes Matyassy de répondre à ces articles négatifs en disant tout simplement la vérité et notamment que l’affiche des moutons de l’UDC ne visait absolument pas les gens de couleur.

D.S. Miéville rappelle opportunément, et sans doute pour accréditer l’inimitié personnelle de Christoph Blocher à leur égard, que Raphaël Saborit est responsable de la « fuite révélant que le ministre de la Justice avait proposé de ramener à un franc la subvention de la Confédération à Suisse Tourisme » et que Johannes Matyassy, le patron de Présence Suisse, est aussi « président du Parti radical bernois et adversaire d’un rapprochement avec l’UDC. » Ce qui explique le manque de neutralité que leurs fonctions respectives requéraient pourtant…

Faut-il supprimer Présence Suisse comme l’aurait suggéré Christoph Blocher ? La réponse est oui si on considère la pléthore d’organismes censés défendre l’image de la Suisse à l’étranger et qui sont d’ailleurs tous représentés au sein de la Commission de Présence Suisse, tels que Suisse Tourisme, justement, Pro Helvetia, ou l’Organisation des Suisses de l’étranger. Tous ces organismes ont un coût, qui se chiffre par millions. Mais leurs emplois redondants ne se justifient-ils pas par le placement de politiciens méritants ?   

Francis Richard