Francis Richard : L’armée visée par l’arme de service

Le meurtre de la jeune Francesca, commis par un jeune homme de 21 ans, à Zürich, est un drame terrible. Et père de deux jeunes gens, je ne peux que penser avec peine à leur peine et imaginer leur terrible douleur. Devant le délire qui s’est emparé des médias, et de certains politiciens, il convient toutefois de souligner que le responsable du décès n’est pas l’instrument mais celui qui s’en est servi. Pour ma part j’ai souvenir d’un tueur fou au début des années septante qui s’était servi, en plein cœur de Lausanne, contre plusieurs personnes, d’une arme blanche, encore plus disponible qu’une arme de service, dans n’importe quelle cuisine.

Aussi l’exploitation politico-médiatique de ce drame est-elle indécente. Il n’est pas étonnant que cette exploitation soit le fait de la gauche, et notamment de celle qui refuse l’existence même de l’armée. Il n’est pas étonnant qu’elle soit le fait d’un Josef Zisyadis, en mal de publicité, qui, avec gourmandise, appelle les parents de la victime à porter plainte contre l’armée. Tout cela parce que l’arme du crime est une arme de service.

Je suis frappé de voir que l’ensemble des médias reprend sans discuter l’affirmation selon laquelle près de 300 personnes meurent chaque année sous le feu d’une arme militaire. D’où vient ce chiffre ? D’une pseudo étude du criminologue Martin Killias, membre éminent du parti socialiste. Quelqu’un de la famille en somme, et d’une grande objectivité…

N’ayant pas eu accès à cette étude je me suis rabattu sur les chiffres publiés par l’Office fédéral de la statistique. Sur son site on peut trouver une étude intitulée « Homicides et violences domestiques », parue à l’automne 2006. Dans cette étude il y a toute une partie consacrée aux homicides en général. Cette partie 2 de l’étude est très instructive.

Il ressort en effet de cette partie de l’étude qu’il y a chaque année, entre 2000 et 2004, entre 161 et 183 affaires d’homicides, y compris les tentatives d’homicide, pour toute la Suisse, soit en moyenne 172 par an. Le nombre de victimes est un peu plus élevé puisqu’il y en a en moyenne 213 par an, dont 30 n’ont pas été blessées du tout, mais dont 140 sont mortes, ou ont été grièvement blessées.

L’étude précise que, sur 76 décès en moyenne par an, 33 l’ont été par arme à feu soit 43% des décès, l’arme blanche ayant été utilisée dans 30% des cas. Là l’étude précise quelque chose d’important : « Les infractions tentées avec une arme à feu ont plus de probabilité d’être découvertes et d’être enregistrées par la police que les infractions tentées par d’autres moyens. Or, une proportion relativement élevée de tentatives d’homicide sans blessures graves est observée dans les affaires avec arme à feu, ce qui implique que la proportion d’homicides consommés y est tendanciellement moins élevée ». Ce qui veut dire aussi que les autres moyens utilisés sont sous-évalués.

Pourtant sur les 140 victimes en moyenne annuelle, mortes ou grièvement blessées, calculées plus haut, seules 34% l’ont été par armes à feu soit 48. Les statistiques fédérales ne disent pas quelle est la proportion entre armes privées, armes illégales et armes de service.

Martin Killias, dans un entretien publié dans la « Berner Zeitung » en décembre 2006, parle, à propos de son étude inaccessible, d’une proportion de 36% des armes de service dans les drames familiaux, de loin les plus nombreux. Admettons pour la démonstration ce pourcentage invérifiable soit le pourcentage global : les armes de service seraient donc responsables chaque année de 16 homicides en moyenne, se traduisant par la mort ou par des blessures graves. On est très loin des 300 victimes annuelles…

Oui mais il y a les suicides ! Je n’ai pas trouvé sur le site de l’OFS le nombre de suicides par armes à feu, mais j’ai trouvé le nombre total annuel des morts par suicide. Il est d’environ 900 en moyenne. Si l’on en croit Martin Killias près d’un tiers des suicidés le serait avec une arme de service : 300 victimes annuelles moins 16 victimes annuelles, cela donne 284, soit environ 32% de 900. Cela paraît énorme, mais admettons.

Quel rapport avec le meurtre dont a été victime la jeune Francesca et que les médias et la gauche instrumentent contre l’arme de service, et au-delà contre l’armée ? Aucun, ni sur le nombre impressionnant, ni sur le motif. N’y a-t-il pas d’ailleurs des moyens tout aussi accessibles et efficaces que l’arme de service pour qui veut mettre fin à ses jours, tels que les précipices ou les ponts ? Ne faudra-t-il donc pas prohiber non seulement la détention d’armes de service à la maison, mais aussi les promenades des rêveurs solitaires ?

Il faut donc raison garder, mais n’est-ce pas mission impossible quand l’émotionnel l’emporte justement sur la raison ?

Francis Richard