Francis Richard: Au Vietnam de nouvelles arrestations de dissidents

En 2006 le gouvernement vietnamien a fait mine de libéraliser le pays. Il s’agissait pour lui d’obtenir des avantages économiques. Cette politique trompeuse lui a réussi … puisqu’en novembre 2006 le Vietnam pouvait organiser le sommet de la Coopération Asie-Pacifique, puisqu’en décembre 2006 les Etats-Unis ont accordé au Vietnam « le statut de nation la plus favorisée » et puisqu’en janvier 2007, consécration suprême, le Vietnam était accueilli au sein de l’Organisation mondiale du Commerce.

Mais cette libéralisation n’était qu’un faux-semblant. Dans la réalité si quelques prisonniers étaient libérés, pour la galerie, au cours de 2006, des dizaines d’autres, pour motif politique ou religieux, étaient arrêtés sans vacarme, discrètement, au cours de la même année. Une fois obtenus les avantages économiques qu’elle recherchait, en 2007, la dictature communiste n’a plus hésité à réprimer ouvertement la moindre velléité de dissidence, sûre de son impunité, qui, comme on sait, ne sourit qu’aux impudents.

Nous ne connaissons ici que quelques noms de ceux qui sont ainsi persécutés par le régime pour leurs idées, soit que le gouvernement communiste s’en serve à usage interne pour dissuader les récalcitrants d’entrer en dissidence, soit que des organisations, qui militent pour la démocratisation du pays, arrivent à nous en informer à travers leurs relais à l’extérieur du pays.

Dans chacun des cas connus les condamnations de prison ferme ont plu. La moindre critique du gouvernement vietnamien est qualifiée de propagande ou de diffamation. Le code pénal de ce pays totalitaire est fait sur mesure pour réprimer durement ce type d’ « infraction ». Le contrevenant est passible, selon l’article 88, de 3 à 12 ans de prison, voire de 20 ans de prison s’il s’agit de « crime particulièrement grave ». Peu de temps avant le simulacre d’élections législatives qui a eu lieu le 20 mai 2007, et où seul le parti unique pouvait vraiment se présenter, trois procès se sont ainsi tenus, pour l’exemple.

Le 10 mai 2007,à Ho Chi Minh Ville, trois cyberdissidents qui avaient créé sur Internet un bulletin, « Le Télégramme du club démocratique », étaient condamnés pour « propagande contre l’Etat » : Le Nguyen Sang, 48 ans, à 5 ans de prison ferme, Nguyen Bac Truyen, 39 ans, à 4 ans, et Huynh Nguyen Dao, 39 ans, à 3 ans, peines assorties d’une assignation à résidence de deux ans à leur sortie de prison (dans leur grande mansuétude, les juges d’appel, le 17 août, ont réduit ces peines à 4 ans, 3 ans et 2 ans respectivement….).

Le lendemain, 11 mai 2007, à Hanoï cette fois, Le Thi Cong Nhan, avocate de 27 ans, et Nguyen Van Dai, avocat de 38 ans, étaient condamnés la première à 4 ans de prison ferme, le second à 5 ans, pour le même motif (dans leur grande mansuétude, les juges d’appel, le 27 novembre, ont réduit ces peines à 3 et 4 ans…).

Quelques jours plus tard, le 15 mai, de nouveau à Ho Chi Minh Ville, c’était au tour de Tran Quoc Hien, membre du Bloc 8406, mouvement appelant sur Internet au multipartisme, d’être condamné à 5 ans de prison ferme, peine assortie à sa sortie de prison de l’inévitable assignation à résidence de 2 ans.

Le 17 novembre dernier, c’est-à-dire hier, six personnes, dont trois membres du parti Viet Tan, Parti pour la réforme du Vietnam, ont été arrêtées à Ho Chi Minh Ville. Les trois membres du Viet Tan sont des ressortissants étrangers :

– Dr Nguyen, Quoc Quan, citoyen américain, 54 ans, mathématicien
– Mme Nguyen, Thi Thanh Van, citoyenne française, 51 ans, journaliste (on peut signer une pétition en faveur de sa libération à cette adresse : http://www.sosthanhvan.fr)

– M. Truong, Leon (Van Ba), citoyen américain, 54 ans, livreur chez un traiteur

Les trois autres personnes sont :

– M. Nguyen The Vu, citoyen vietnamien, 30 ans, directeur commercial
– M. Nguyen Trong Khiem, citoyen vietnamien
– M. Somsak Khunmi, citoyen Thaï, 58 ans

Dans un communiqué du 19 novembre le Viet Tan précise à propos de ces six personnes : « Avant leur arrestation, ils avaient pris part à des discussions avec d’autres militants pour la démocratie sur la promotion de changements démocratiques pacifiques. Ils cherchaient notamment à publier des informations sur le succès des luttes non-violentes à travers le monde. Ils voulaient aussi en tirer des leçons sur la façon de donner plus de force au peuple vietnamien. »

Une autre personne a été arrêtée le 20 novembre, à Phan Thiet. Il s’agit de M. Nguyen Viet Trung, ressortissant vietnamien. Nguyen Viet Trung est un homme d’affaires et le frère cadet de M. Nguyen The Vu.

Les condamnations légères évoquées plus haut pendent maintenant, comme l’épée de Damoclès, au-dessus de la tête de ces défenseurs de la liberté. Selon l’article 88 du code pénal vietnamien, bien interprété, à la mode communiste, ne méritent-ils pas des peines de prison ferme pour leurs « forfaits »?

Le 23 novembre le Viet Tan communique : « Durant les derniers jours, de nombreux membres du Congrès, parlementaires, organisations de défense des droits de l’homme et aussi des Vietnamiens vivant à l’intérieur ou à l’extérieur du pays ont protesté contre cette atteinte flagrante des droits de l’homme par le gouvernement de Hanoi. Le Viêt Tân tient à exprimer sa plus sincère gratitude envers ces personnes ».

Le 5 décembre le Viet Tan communique encore : « Le 4 décembre 2007 à 14h, un officiel du consulat américain à Saigon a rendu visite à Nguyen Quoc Quan, détenu par les autorités communistes vietnamiennes. Durant cette visite d’une heure, le diplomate s’est renseigné sur l’état de santé du prisonnier, lui a remis une lettre de sa famille, et parlé de l’assistance dont va fournir l’ambassade américaine.

D’autre part, le 30 novembre 2007, un officiel du consulat américain à Saigon a pu rencontrer Monsieur Truong Van Ba pendant 30 minutes. Le même jour, un officiel du consulat français à Saigon a rencontré Madame Nguyen Thi Thanh Van, journaliste dont le nom de plume est Thanh Thao, pendant également 30 minutes, sous la surveillance constante de la police.

Le fait que les autorités vietnamiennes soient forcées d’accepter une visite consulaire à Nguyen Quoc Quan après 16 jours de détention, tout comme leur attitude initiale de nier puis de reconnaître les arrestations, montre que c’est le résultat direct de pressions extérieures. »

A ma connaissance, en Europe, seuls « Reporters sans frontières » par la voix de Vincent Brossel, de l’Asia-Pacific Desk, et Manuel Tornare, au nom du Conseil administratif de la Ville de Genève, ont protesté rapidement contre ces arrestations, « Reporters sans frontières » dans un communiqué du 19 novembre 2007, Manuel Tornare dans une lettre datée du 30 novembre 2007 et adressée à l’Ambassadeur de la République Démocratique du Vietnam.

Sinon j’entends surtout un silence assourdissant dans les médias…

Francis Richard