Secrets du Vatican et fantaisies américaines

Le roman « Da Vinci Code » de Dan Brown, raconte une Eglise hypocrite et dissimulatrice, laquelle n’aurait comme seul but que de cacher, voire d’effacer, un ensemble de vérités gênantes: Jésus Christ ne voulait pas confier son hérédité spirituelle et morale à saint Pierre et aux apôtres mais à une femme, Marie-Madeleine, que les Evangiles décrivent comme une courtisane convertie, et qui, en réalité, était non seulement le disciple de prédilection du Christ, mais aussi son épouse et qui l’aurait même rendu père.

L’hérédité de Jésus, dans ce roman, est son propre sang, qui coule dans les veines de ses descendants. La preuve de ces évènements serait contenue dans certains Evangiles, lesquels existent vraiment et ont été déclarés hérétiques par l’empereur Constantin. Des traces de ces vérités auraient été disséminées au cours des siècles dans plusieurs poèmes et œuvres d’art (comme « L’ultima cena » de Leonardo Da Vinci, qui montrerait un apôtre aux traits beaucoup trop féminins pour être un le mâle saint Jean), souvent réalisés par des membres de la secte du Priorat de Sion (leur tache consisterait à protéger le secret du Graal et la descendance physique de Jésus Christ, peut-être en attendant de la dévoiler au monde entier).

Que l’Eglise catholique puisse avoir eu et ait encore des dossiers qu’elle n’entend pas dévoiler, c’est plus que probable. Mais si on l’accuse, encore faut-il s’assurer que les preuves portées contre elle soient raisonnablement robustes. Ce n’est pas le cas du « Da Vinci Code ».

Dan Brown focalise son attention sur les apocryphes tardifs, rédigés entre les II et VIIe siècles. La rédaction des Evangiles ‘officiels’ est considérée entre les 40-70 du premier siècle et le tout début du IIe, lorsque le vieillard qu’est devenu saint Jean appose le mot fin à son Apocalypse sur l’île de Patmos.
Entre les II et VIIe siècles, Dan Brown recense, de façon plutôt lacunaire d’ailleurs, 22 évangiles, 15 actes des apôtres ou d’autres personnages, 10 lettres et 6 apocalypses. Mais l’Eglise, soutient Dan Brown, sous l’influence de l’empereur Constantin, n’en aurait admis que quatre: Marc, Matthieu, Luc et Jean parce qu »innofensifs’ et surtout parce que ne mentionnant pas la fameuse histoire de Marie Madeleine, compagne spirituelle et physique du Christ.

L’écrivain américain parle d’ « évangiles gnostiques » (Philippe et Marie Madeleine) et cite les baisers que Jésus donnait à Marie Madeleine pour démontrer qu’il l’aimait plus que les autres apôtres. Les différents évangiles mentionnés par Dan Brown appartiennent à la bibliothèque gnostique découverte en 1946 à Nag Hammadi, en Egypte et les idées qu’ils expriment sont forcément gnostiques. Gnose: "vaste mouvement d’origine préchrétienne, qui a ensuite adopté des textes bibliques du Nouveau et de l’Ancien Testament en donnant une lecture symbolique dictée par ses doctrines secrètes". Le salut, pour les gnostiques, n’est obtenu ni par la foi, ni par les œuvres, mais grâce à une « haute » connaissance spirituelle, qui méprise le monde et la matière et qui tourne autour de mythes, révélations, systèmes de mots et rituels particuliers. Les gnostiques étaient donc intéressés au sens ésotérique des écritures et non à leur historicité. Doctrines et positions, donc, assez lointaines de l’enseignement du Christ.

Le principe gnostique relève d’une base toute simple, la négation des Evangiles canoniques, de leur interprétation par le Magistère apostolique, et une foi aveugle envers tout ce qui a été condamné par l’Eglise. Saupoudrez le tout avec une pincée de défiance traditionnelle envers le siège de Pierre, quelques bonnes louches d’initiation et de promesses de salut par la connaissance de ‘secrets’, et vous vous retrouvez avec une bonne resucée de la gnose à la mode d’antan, ses vieilles ficelles grosses comme des câbles; la base, en fait, de toutes les hérésie jusqu’à Dan Brown. La gnose classique vous dira que l’Eglise cherche à vous tromper pour garantir une hégémonie mondiale et vous proposera de croquer la pomme de la science initiatique pour rejoindre le club très sélect des hommes se sauvant par la force de leur seul esprit: Les Cathares, les Bogomiles, Valdo, Luther, les Illuminés, les franc-maçons jusqu’au néo-paganisme nazi. D’autres écrits gnostiques, le Coran, par exemple qui n’est qu’un mauvais digest tardif des apocryphes, ou certains écrits pharisiens talmudiques, vous présenteront un Christ qui soit a été trompé par Dieu, soit s’est trompé, soit n’a pas été compris; et ces mêmes textes de se proposer de tout nous expliquer sur le champ etc. Le Coran n’est, somme toute, qu’un Da Vinci Code qui a particulièrement bien marché

Toute l’histoire des Evangiles apocryphes présente des images du Christ souvent étonnamment différentes de celles qu’on connaît, comme le Jésus « initiateur ésotérique » de l’Evangile dit de Thomas, ou racontent encore des épisodes légendaires franchement peu conciliables avec le message d’amour du christianisme: Dans l’Evangile de l’enfance de Thomas, Jésus enfant fait mourir sur le coup un autre enfant qui l’avait heurté…

Les apocryphes contiennent certaines parts de vérité, assimilées par la tradition de l’Eglise, mais dont la délicate distinction revient au Magistère, qui seul dipose des éléments nécessaires pour distinguer la vérité de la fable. C’est d’ailleurs là toute la vocation de l’Eglise, transmettre et gérer le patrimoine du Christ dont elle est seule héritière.
Elle donne tout ce qu’elle sait être bon et ne complote pas contre l’humanité pour lui cacher les vérités qui, soi-disant, devrait la libérer des chaînes de la tutelle divine, la maintenir dans les ténèbres de l’ignorance pour dominer le monde. Luther s’en prenait déjà à Rome comme à un parrain de mafia, les gnostiques ont tous crié à l’illumination, à la révélation par des lumières nouvelles, tout sauf l’enseignement du Christ… Ces vieilleries se sont éffondrées sous le couperet de la vérité. Les historiens reconnaîtront qu’aucune hérésie n’a duré autant que dure l’Eglise, mais, régulièrement, il faut un Dan Brown pour faire du neuf avec du vieux, promettre à tous la révélation par le secret, vendu à des millions d’exemplaires, mais que vous serez seuls à connaître, et trouver cela fantastique.

ACA

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