Comment la TSR manipule l’information

Le 18 août dernier, la télévision suisse romande (TSR) annonçait en fanfare, dans le 19:30, la découverte révolutionnaire par un professeur du CHUV (hôpital cantonal et universitaire du canton de Vaud) de nouveaux pansements biologiques ayant permis de guérir huit enfants atteints de brûlures graves. Lesdits pansements sont fabriqués à partir de cellules de peau d’un foetus humain, "la mère a donné son accord" n’oublie pas de préciser le sémillant Darius Rochebin à la fin de son introduction, et le foetus est un enfant mort-né apprend-on plus loin à l’écoute de la voix off qui commente le sujet. Nous nous souvenons avoir vu le sujet le soir de sa parution et avoir trouvé la nouvelle tout simplement formidable.

Or, comme il convient toujours de "traduire" ce qui provient des médias publiques de notre beau pays, le Baf, par une sorte d’habitude réflexe, de TOC (trouble obsessionnel compulsif) diront certains, a voulu en savoir un peu plus long.

La source de cette information est une, la célébrissime revue scientifique de langue anglaise The Lancet, qui, dans sa version online, publie un article complet sous le titre: "Tissue engineered fetal skin constructs for paediatric burns". Or, pour l’origine des tissus qui permettent la confection de ces pansements miracles, l’article, de la main même des scientifiques qui ont mené les recherches, parle sans détour de "pregnancy termination", un avortement.

Au service de presse du CHUV, M. Fabien Dunand nous assure que la version du Lancet est bien la bonne et que cette information, qui n’a jamais fait l’objet d’un communiqué, n’a cependant jamais été occultée, surtout pas aux journalistes de la TSR.

Au téléphone, M. André Crettenand, rédacteur en chef du téléjournal, nous assure que les journalistes en charge du sujet ont dû lire la précision erronée dans le communiqué du CHUV. Quand nous lui apprenons qu’il n’y en a eu aucun, celui-ci nous amène au bout du fil la journaliste responsable du commentaire, Fanny Moille, laquelle jure ses grands dieux avoir reçu l’information de la bouche même du Pr. Patrick Holfeld, chef du département gynécologique-obstétrique du CHUV et directeur des recherches qui ont permis la fameuse découverte. Or, quelques minutes auparavant, le même professeur corroborait ses écrits dans The Lancet et nous affirmait avoir été particulièrement vigilant sur sa façon de communiquer sur ce point précisément, certains grands titres nationaux américains lui ayant posé la même question que le Baf. Quand nous fîmes part de ce détail à Mme Moille, celle-ci nous rétorqua alors avoir lu la chose "quelque part dans les grandes agences". Or, si l’on considère que l’article du Lancet a été publié le jour même, soit le 18 août, que les agences mettent toujours un certain temps pour réagir, et que le sujet a sans doute été tourné dans l’après-midi du 18, l’affirmation de Mme Moille semble peu vraisemblable. Inutile de préciser que nous n’avons trouvé aucune dépêche d’agence à l’appui des propos de la journaliste.

Mme Moille, en outre, a voulu donner comme preuve de sa bonne foi l’assurance qu’elle ne voyait absolument aucune différence entre "mort-né" et "avorté",  et que l’intégrité de l’information était, par conséquent, entièrement préservée. Nous ne sommes pas de cet avis et pensons même que ce genre de légers décalages sémantiques est tout sauf innocent.

"Mort-né", renvoie très clairement au registre du donneur d’organe qui, plutôt que d’être égoïstement enterré ou incinéré, fait don généreusement de sa dépouille pour le soulagement de la souffrance d’autrui, huit enfants gravement brûlés en l’occurrence; un vrai conte de fée.

"Avorté" perd d’un coup cet aspect extrêmement positif d’une mort naturelle mise au service de la vie d’autrui pour basculer dans le registre de l’utilitarisme biotechnologique et du déterminisme froid qui préfère la facilité des tissus foetaux plutôt que la concentration sur la recherche relative aux cellules souches adultes, autrement plus éthiques, qui font un travail tout aussi efficace mais peut-être un peu plus coûteux. "Avorté", évoque franchement l’instrumentalisation de l’avortement au service d’une vague idée de confort, et s’il avait entendu ce seul mot, le téléspectateur lambda se serait fatalement retrouvé devant ce paradoxe, simplifié à l’extrême mais néanmoins criant, qui veut que l’on en vienne à tuer un enfant pour en soigner un autre; et, apparemment, la TSR, ne veut pas que ses téléspectateurs se mettent à réfléchir.

Le Pr. Holfeld s’est montré plus sensible que Mme Moille à cette distinction, "mais il s’agit d’un avortement thérapeutique" a-t-il déclaré comme pour se justifier devant une déception que nous avions de plus en plus de mal à dissimuler, "mais, effectivement, ce n’est pas la même chose", a-t-il reconnu après quelques instants.

Certes, le sujet est délicat et nous nous garderons bien de juger qui que ce soit, mais si l’avortement est vraiment un bienfait, un acquis, une libération aux yeux de tout un chacun, pourquoi ce besoin de cacher un fait, une vérité censément positive, par des artifices fallacieux?

1 réponse à Comment la TSR manipule l’information

  1. Sergio dit :

    J’ai rien compris…

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