Bébé-mouette: Remise en place, une mauvaise idée

A la fin du symposium du 22 août dernier, le directeur du Kunstmuseum de Berne, M. Matthias Frehner, a indiqué que le conseil de fondation du musée se réunirait cette semaine pour se prononcer pour ou contre la remise en place de la partie de l’installation "Ruan", de l’artiste chinois Xiao Yu, qui avait été retirée le 9 août.

Les raisons invoquées par M. Bernhard Fibicher, conservateur au Kunstmuseum, pour justifier du retrait, étaient celles de menaces de vandalisme (Forum du 09.08 [dès 28′25]). Le Blick de ce même jour précisait l’origine desdites menaces: Les islamistes de Genève. Il faut savoir qu’à cette date, les attentats de Londre du 21 juillet étaient encore dans tous les esprits.

-> L’uniforme maoïste, une assez bonne illustration que de la conception que les responsables du Kunstmuseum semblent avoir de la démocratie.

Ces prétendues menaces ne nous ont jamais paru vraisemblables, pour les raisons suivantes:

– Le Kunstmuseum n’a jamais produit aucune preuve de ces menaces. Aucun groupement n’a jamais revendiqué quoi que ce soit.

– Aucun acte de terrorisme islamiste contre les musées, à plus forte raison contre les musées suisses, n’a jamais été observé à notre connaissance.

– Les terroristes islamistes ne prennent l’art ou la culture pour cible que si ceux-ci s’en prennent explicitement à l’Islam, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

– La communauté musulmane de Genève et des environs est on ne peut plus paisible. On se souvient que, lors des attentats du métro Saint-Michel, en 1995, c’est au contraire, si nos souvenirs sont bons (à vérifier) un islamiste originaire de Zurich, qui s’était retrouvé parmi la liste des suspects. Cette accusation à l’adresse de la communauté musulmane genevoise relève, selon nous, d’un réflexe "anti-welsch" que les responsables du Kunstmuseum n’ont su retenir, mais il ne s’agit là que d’une supposition.

– En outre, d’autres facteurs, tels que la proximité des attentats de Londres des 7 et 21 juillet 2005; l’étonnante rapidité de réaction de ces fameux islamistes genevois – premier article en Romandie, le Matin du 08.08, retrait le 09.08 – l’habitude récurrente, de la part des responsables du Kunstmuseum, de communiquer avec une conception particulièrement étrange et contradictoire de la vérité; l’amalgame que cette allégation a permis entre islamistes, fondamentalistes protestants américains violents et notre personne pour discréditer notre discours (cf le Blick 09.08, le Temps, le Courrier etc.), lequel amalgame, d’ailleurs, est dénué de tout sens, aucun terrorisme pro-life ou pro-foetus musulman n’ayant jamais été observé; et bien d’autres encore qui permettent de douter sérieusement de la réalité de ladite "menace".

Nous pensons, quant à nous, que cette "menace" a été invoquée pour pouvoir retirer l’oeuvre tout en se présentant en victime, de revenir à la raison tout en prétendant ne jamais avoir eu tort et ne pas paraître totalement ridicule devant les médias.

Remettre cette oeuvre en place, c’était l’intention des "spécialistes" du symposium au soir du 22 août, est une mauvaise idée, à plusieurs titres.

– Le débat éthique est encore à faire. Le BAF a déjà dénoncé le symposium du 22 août comme une tartufferie à peine déguisée et sans aucune légitimité à nos yeux.

– La remise en place de l’oeuvre nuirait à l’enquête en cours, car, contrairement aux affirmations de M. Matthias Frehner, notre plainte n’a pas été déclarée irrecevable. Ladite oeuvre est susceptible de faire l’objet d’examens ultérieurs.

– Les questions posées sur l’origine et la personnalité du foetus n’ont toujours pas reçu les réponses demandées.

– Ce geste constituerait un mépris affiché pour l’opinion de tout une frange du milieu artistique et, surtout, d’une  large proportion de la population (71, 5%), dont l’opinion a toujours été ignorée par les responsables du Kunstmuseum.

Certes, le conseil de fondation conserve une liberté totale sur ses propres agissements. C’est cette exclusivité qui nous dérange. Non pas en soi, mais en fonction des preuves répétées données par le Kunstmuseum de son incapacité à assimiler des opinions étrangères aux siennes, et d’autres preuves non moins évidentes d’un esprit partisan et totalement hermétique à la critique. Nous pensons que cette décision revient à présent aux autorités politiques et judiciaires du canton de Berne, et il serait heureux qu’après avoir disposé de notre avis comme s’il n’existait pas, les responsables du Kunstmuseum n’en fasse pas autant avec celui d’une autorité nommée par le peuple. 

En outre, nous continuons de penser que cette oeuvre blesse la dignité humaine, celle du foetus, celle du public; qu’il ne suffit pas de prétendre qu’elle est de l’"art" pour clore tout débat; que son exposition continue de représenter un danger de choc traumatisant pour les enfants en bas âge et les femmes enceintes ou ayant perdu un enfant (un courrier des lecteurs très clair a été publié dans ce sens il y a une semaine ou deux dans le Matin, sur doctissimo, de jeunes mères disent leur horreur à la vue de cette "oeuvre", conséquence indépendante de notre volonté mais nénanmoins inévitable de notre action, qu’évidemment nous regrettons). Nous sommes convaincu que le conseil de fondation ne saurait disposer de cette oeuvre comme si de rien n’était avant que des réponses claires n’aient été données sur l’origine et la confection de ladite oeuvre et que des preuves tangibles ne soient venues corroborer les justifications de Xiao Yu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *