Lorsqu’un proche décède et qu’il faut déménager son appartement, les souvenirs, réveillés par les objets, ressurgissent à pleines brassées…
C’est ainsi que, l’autre jour, ont réapparu "Mes lectures", manuel d’enseignement officiel, publié en 1934, sous l’égide des Ecoles primaires du Canton de Fribourg, que, vers mes dix ans, dans une véritable boulimie de lecture, j’avais lu comme tout ce qui me tombait sous la main…
Je me suis aussitôt souvenu d’un texte qui m’avait alors frappé. Il était question de la bataille de Lépante. D’une gravure représentant la bataille, plus précisément, que le Père de La Sorbière, un Jésuite, expliquait à Décadi, jeune héros d’un livre homonyme de Paul Cazin. Toutes choses que je redécouvre aujourd’hui bien sûr. Comme le texte lui-même, au demeurant.
Page 285, l’auteur parle de la flotte de la Porte. Et de Turcs, par conséquent.
" – Pourquoi est-ce qu’ils ont des bonnets ? demanda Décadi. On dirait des pâtissiers.
" – Ce ne sont pas des pâtissiers, mon enfant, bien qu’ils aient le croissant pour emblème. Ils portent des turbans. C’est la coiffure des Turcs.
"- Et ça ? c’est un canard ?
"- Non, c’est précisément un turban qui flotte sur la mer. Le Turc est à l’eau. Tu vois ?
" – Il est mort ? C’est bien fait, n’est-ce pas ?
" – Eh oui ! c’est bien fait ; il n’avait qu’à rester chez lui.
Tant de fraîche spontanéité enchante. Que les choses essentielles – la vie, la mort, la guerre, l’Autre, dont on nous bassine à longueur d’année, et la juste place qui est la sienne – étaient dont directes, simples, et sainement perçues, autrefois.
C’est à cela, j’imagine, que les gosses devaient de n’avoir pas besoin de cellule de crise psychologique lorsqu’une tragédie les frappait directement ou indirectement…
WD
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