Francis Richard : Jacques Attali et les risques du principe de précaution

jacques-attali.jpgDans le « Nouvel Obs » en ligne du 15 octobre 2007 (ici), on peut lire, en conclusion d’un compte rendu sur le pré-rapport de la Commission Attali :  » « Le principe de précaution tel qu’il est écrit est un obstacle à l’innovation » car il confère à l’Etat « une attitude de prudence et donc d’interdiction », a expliqué M. Attali. Selon lui, il « aurait un impact catastrophique pour l’innovation » et ce « principe d’imprécation » aurait donc un impact négatif sur l’économie. »  »

En France le « principe de précaution » figure, depuis 2005, c’est-à-dire sous le septennat du marchand de sable Jacques Chirac, à l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Aussi, attendues depuis quelques jours, ces déclarations de Jacques Attali sont-elles iconoclastes.Elles sont d’autant plus iconoclastes qu’elles sortent de la bouche d’un socialiste. Les socialistes, français, ou suisses, ne m’ont pas habitué à ce sens des réalités, à quelques notoires exceptions près. Je veux croire qu’Attali en est une autre d’exception. Sinon cela remettrait en cause ma vision des socialistes…et me conduirait à une révision déchirante. 

Heureusement que les Verts sont là pour me réconforter. En effet, dans leur plate-forme électorale, ils restent bien pareils à eux-mêmes : « Durant la prochaine législature, les Verts s’engageront pour (…) que tout nouveau développement technologique respecte et applique le nécessaire principe de précaution ».

De plus en plus pourtant le « principe de précaution » apparaît tel qu’il est aux yeux des personnes sensées, c’est-à-dire une proposition arbitraire à la base d’un raisonnement qui ne peut donc qu’être faux et qui met à mal sa prétendue nécessité. J’ai cité l’autre jour les propos de Peter Brabeck tenu dans « L’Hebdo » (ici). Le patron de Nestlé n’est pas le seul à les tenir. Car les faits sont têtus, plus encore que les chimères…

Il n’est pas étonnant que le « principe de précaution » ait été inscrit dans le marbre de la loi française sous la présidence de Jacques Chirac. La France, anesthésiée pendant douze ans par son président, a rêvé d’un monde où le risque serait banni. Un an avant la crise du CPE, en mars 2005, un sondage révélait que 75% des jeunes français n’avaient qu’une ambition, celle de devenir fonctionnaires, dont le principal avantage est de mener une vie sans risques pour son emploi.

Or la vie est de toute façon risquée. Et le « principe de précaution » comporte lui-même des risques. C’est ce que Cécile Philippe, brillante économiste, avait souligné dans un petit livre paru au début de l’année et intitulé « C’est trop tard pour la terre » : « Gérer systématiquement le risque par le principe de précaution, c’est précisément …prendre le risque de ne plus avancer, de privilégier l’immobilisme et le statu quo ».

En somme la quadrature du cercle !

Francis Richard