Francis Richard: L’UDC face au scrutin majoritaire

Autant le scrutin proportionnel permet de représenter la population du pays dans toutes ses singularités, ses différences et ses conceptions de la vie, autant le scrutin majoritaire ne le permet pas. Pour les élections au Conseil national où le nombre de députés par canton est grosso modo proportionnel à la population, le mode proportionnel est donc certainement le meilleur mode de scrutin pour la représenter.

En revanche quand il s’agit de désigner deux représentants par canton – ou un par demi-canton – au Conseil des Etats, le mode majoritaire est a contrario le mode de scrutin le plus approprié du fait même du nombre limité de représentants à élire. Les stratégies de conquête des sièges à pourvoir ne sont évidemment pas comparables dans le cadre de l’un ou de l’autre mode de scrutin.

Avec le mode de scrutin proportionnel le parti qui a les idées les plus cohérentes, et les plus argumentées, ne peut que l’emporter sur ceux qui défendent des idées utopiques ou des idées peu cohérentes, voire contradictoires. La stratégie est simple pour ce genre de parti : il lui suffit d’être lui-même. C’est le cas de l’UDC qui, pour les troisièmes élections au Conseil national consécutives, voit son électorat progresser. Si on vous demande de définir le vote UDC il vous sera plus facile de le faire que s’agissant du vote radical ou du vote PDC par exemple.

Avec le mode de scrutin majoritaire la stratégie est différente. Il ne s’agit plus seulement d’être soi-même mais de se trouver des alliés. Encore faut-il que les alliés soient solides et vous apportent dans l’urne les voix promises, sinon escomptées. Or le problème réside dans le fait que les voix n’appartiennent pas aux partis. La gauche a dans l’ensemble une plus grande culture de la discipline de vote. Ne représentant qu’un petit tiers des suffrages au niveau national, elle doit davantage se serrer les coudes. Elle le fait même – pas toujours, mais la plupart du temps – dans les cantons où elle obtient des scores largement supérieurs à la moyenne nationale.

De tous les électorats de droite celui de l’UDC est le plus discipliné, et surtout celui qui sait bien non seulement ce qu’il veut, mais surtout ce qu’il ne veut pas. Il préférera toujours un radical ou un PDC à un socialiste ou à un vert. Il n’en est pas de même de l’électorat des deux partis du centre que sont le parti radical et le PDC. Les dernières élections au Conseil des Etats en ont apporté la démonstration, s’il en était besoin.

Quand un UDC s’efface devant une candidature radicale, ou PDC, et que la droite est potentiellement majoritaire, celle-ci l’emporte sans trop de problème. Quand c’est un UDC qui reste en lice les voix du parti radical, et encore moins celles du PDC, ne lui sont pas acquises automatiquement. Même quand le profil du candidat UDC n’est pas particulièrement tranché, comme ce fut le cas de Guy Parmelin lors du second tour dans le canton de Vaud. Pas acquises a fortiori quand vous avez contre vous un PDC comme Jacques Neyrinck passé à l’ennemi.

Sous cet angle les deux explications les plus fréquentes des revers subis dimanche dernier par Ueli Maurer et Tony Brunner apparaissent largement infondées. Il se serait agi de deux corrections : les électeurs auraient voulu corriger leur vote du 21 octobre, ils auraient voulu corriger le « persiflage politique » de l’UDC. Ces explications jouissives, où l’on retrouve un terme cher au divin marquis, la correction, relèvent en grande partie du phantasme.

Toujours est-il que l’UDC a un problème à résoudre avec le scrutin majoritaire. Car ce problème se pose pour elle non seulement pour les élections au Conseil des Etats, mais aussi pour les élections aux gouvernements cantonaux. Sa progression de l’ordre d’un peu plus de 2% au niveau national tous les quatre ans ne suffira pas à le résoudre. Elle est donc condamnée à convaincre ses partenaires du bien-fondé de ses positions les plus importantes pour l’avenir du pays et notamment de tourner le dos à l’étatisme.

Cette pédagogie demandera certainement du temps, mais les faits sont têtus et c’est sur eux qu’il lui faudra s’appuyer. Ils lui ont déjà souvent donné raison. Par exemple, le refus d’adhérer à l’Espace économique européen, premier pas manqué vers l’adhésion à l’Union européenne, n’a pas été la catastrophe annoncée pour la Suisse. Et pour cause puisqu’elle lui a permis d’échapper à cette terrible machine à tout réglementer.

Quand, aux électeurs de ses alliés naturels du camp bourgeois, les conceptions de l’UDC apparaîtront comme raisonnables – ce qu’elles sont bien souvent en réalité – la partie pour elle sera gagnée, elle sera davantage représentée au sein de la chambre haute et il sera alors encore plus difficile aux médias qui lui sont hostiles d’exercer à son égard leur pouvoir de nuisance.

Francis Richard