Ecole d’avocature (I) : La guerre des clones

L’indépendance de l’avocat constitue une menace directe pour les velléités totalitaires des social-démocraties. Qu’une classe, aussi infime soit-elle, de la population puisse tirer sa subsistance d’une profession qui, par essence, doit échapper au contrôle absolu de l’Etat, leur est insupportable.

La solution, précariser l’étudiant en l’écrasant d’une masse inutile de matière, retarder au maximum l’accession à l’activité indépendante, multiplier les portiques de contrôle pour éliminer les produits non conformes. Le résultat, de bons petits soldats bien dressés à recracher la doxa, mais certainement pas une menace pour l’hégémonie de l’Etat.

La république de Genève a trouvé le moyen idéal de doubler l’examen de brevet en créant l’Ecole d’avocature (ECAv). Imposée par force de loi, dite école profite tout de même des couleurs de l’université pour réclamer la bagatelle de 3’500 francs, pour quatre mois de cours, à près de 300 inscrits.

L’université n’est plus le carrefour des connaissances mais une vaste usine de tri – rentable – pour juger de la flexibilité de cette clientèle à une vision du droit plus technique, plus rangée et, surtout, plus docile.

Qui contrôle le passé…

La prétention orwellienne de ces nouveaux faiseurs tend, évidemment, à faire « table rase » du passé, ce qui entend inévitablement l’épuration de tous les tenants de l’ancien monde. Exit, par conséquent, ceux qui ont eu le malheur (ou le bonheur) d’avoir connu les universités avant qu’elles ne fussent changées en fabriques de robots domestiques, où la liberté académique était un devoir, en un mot avant la révolution technocratique dite de BologneJadis, les étudiants étaient élevés un à un à la sagesse, aujourd’hui, le tapis roulant de l’épicerie des « Crédits » les traînent pesamment vers le couperet d’un diplôme qui ne donne plus rien sinon que le droit de se présenter au suivant. La licence – le Master – en droit ne suffit plus, il faut passer par les fourches caudines de l’ECAv pour espérer gagner le droit de travailler ; il s’agit bien d’une taxe, d’un impôt, sur la conformité.

Voilà pourquoi ceux qui ont vécu le monde d’avant doivent disparaître. Le souvenir, cette science seule qu’une autre université est possible, doit être éradiqué, oublié, littéralement oblitéré des consciences.

Taux d’échec à géométrie variable

Cette sombre tâche, les commissaires de l’ECAv l’achèvent avec brio. A la fin de chaque série d’examens, ils publient la liste des étudiants ayant réussi ou échoué. Pour respecter un prétendu anonymat, on ne dévoile que leur matricule SIUS. Un numéro attribué à vie qui enregistre l’année de la première inscription. Cette liste permet de juger du taux d’échec par année d’entrée à l’université et de distinguer les nouveaux des anciens. Le Bafweb a pu se la procurer pour la session de juin 2018.

Chaque année, quelques chevaux de retour, dont le matricule commence par les années 90… viennent tenter leur chance. Des parcours de vie, lenteurs de carrière, mais de l’expérience et un espoir solides. Le résultat est cinglant, le taux d’échec passe de 38.5% de pour la tranche des immatriculés de 2011 et 2018, à… 80% pour ceux rentrés à l’université entre 1992 à 1999, forcément moins repris, moins modelés, moins polis aux exigences de la modernité.

Taux d’échec ECAv session juin 2018

En infiltrant tous les rouages, en obstruant tous les passages, en supprimant tout ce qui est susceptible d’échapper à son formatage, le monde d’aujourd’hui pose les jalons de la chape de plomb de demain.

Noël Macé